Ces éléments ont été publiés quatre jours après la mort de l’équipe, tuée par trois frappes en l’espace de quatre minutes, mais l’employeur des victimes, l’ONG américaine World Central Kitchen (WCK), n’a pas été convaincu. L’enquête interne de l’armée a reconnu une série d'”erreurs graves” et des “violations des procédures opérationnelles normales”: “erreur d’appréciation”, “erreurs dans la prise de décision”, identification erronée de suspects et de véhicules, mauvaise coordination et décision de frapper sur la base d’éléments insuffisants. L’armée a admis que WCK avait bien communiqué son plan de route, mais les militaires chargés des frappes n’en avaient pas connaissance. Après avoir reçu ces premiers éléments, WCK a demandé une “enquête indépendante” car l’armée israélienne “ne peut pas enquêter de manière crédible sur sa propre défaillance à Gaza”, selon leur réaction. Varsovie a également réclamé une “enquête criminelle” pour “meurtre”, en particulier parce qu’un des humanitaires était polonais. “Certaines de ces ‘erreurs’ nous semblent encore incompréhensibles. S’agit-il d’une erreur ou d’un crime?” a déclaré Pawel Wronski, porte-parole des Affaires étrangères.
Ce drame a suscité une indignation mondiale, le président américain Joe Biden demandant au Premier ministre israélien Benjamin Netanyahu d’ordonner un “cessez-le-feu immédiat” lors d’un appel téléphonique tendu. Des hauts gradés israéliens ont indiqué lors d’un point de presse à Tel-Aviv que les soldats de l’unité de drones responsable des frappes avaient cru voir, “à tort”, un homme armé monter dans un des trois véhicules à bord desquels circulaient les sept humanitaires, concluant à la présence de “terroristes du Hamas” dans le convoi et prenant alors la décision de tirer en violation des consignes. Yoav Har-Even, le général en retraite qui dirige l’enquête interne, a déclaré : “Nous savons maintenant que c’était une erreur. Ce n’était pas une arme. C’était peut-être un sac”.
Les militaires “étaient convaincus qu’ils visaient des agents armés du Hamas, et non des employés de WCK”, indique un communiqué de l’armée. Les véhicules circulaient dans la nuit, après 22h00 (heure locale). De grands logos WCK ornaient le toit des véhicules, mais la caméra du drone ne pouvait pas les voir dans l’obscurité, a assuré le général Har-Even. Selon le rapport du général, deux officiers impliqués dans cette bavure, un colonel de réserve et un commandant d’active, vont être limogés. Les travailleurs humanitaires – trois Britanniques, un Canadien à double nationalité, un Polonais, un Australien et un Palestinien – ont été tués après avoir supervisé le déchargement partiel d’un navire transportant 300 tonnes d’aide alimentaire de Chypre.
Mais alors qu’ils roulaient vers le sud, un drone “a frappé une voiture, puis identifié des personnes qui en sortaient et entraient dans la deuxième voiture”, a relaté le général. “Ils ont décidé de la frapper, ce qui allait à l’encontre des procédures opérationnelles normales. Puis ils ont frappé la troisième voiture”, a poursuivi l’officier. Selon le général Har-Even, il y a eu aussi une rupture de communication au sujet du convoi dans la chaîne de commandement militaire. WCK avait fourni toutes les informations nécessaires, mais elles n’ont pas été transmises, a-t-il dit : “la plus grosse erreur est que (l’équipe de drones) n’avait pas de plan de coordination” entre WCK et l’armée.
La tragédie a été qualifiée de “grave erreur dont nous sommes responsables” par le contre-amiral Daniel Hagari, porte-parole de l’armée. Mais pour WCK, “sans changement systémique, il y aura encore des défaillances militaires, encore des excuses, et encore des familles en deuil”. L’ONG souligne que “l’origine profonde de ces tirs de roquettes injustifiés est le manque sévère de nourriture à Gaza” et appelle Israël à augmenter massivement le volume de nourriture et de médicaments entrant par voie terrestre pour soutenir l’assistance humanitaire.
Ce convoi circulait de nuit notamment pour éviter les attroupements autour des transports d’aide alimentaire, qui ont dégénéré à plusieurs reprises en affrontements meurtriers à Gaza. José Andres, le célèbre chef et fondateur de WCK, a souligné la nécessité de protéger tous les civils à Gaza et de garantir que toutes les personnes innocentes soient nourries. Selon l’ONU, près de 200 humanitaires ont été tués à Gaza en six mois, soit près de trois fois plus que pour n’importe quel autre conflit en un an.
