2024-04-10 09:04:15
La mémoire est la madeleine de Marcel Proust, Le domaine de personne de Daniel Picouly et la mer qui « s’enflait sombre comme un soupir, comme un battement de cœur » de Kosmàs Politis. L’écrivain grec (Athènes 1888-1974) plonge dans la mémoire lorsqu’en 1938 il écrit son troisième volume, Héroïquetraduit par Crocetti, avec la sensibilité habituelle et inégalée de la littérature hellénique.
“L’idée de Héroïque – disait Politis dans une interview en 1947 – elle est née en moi d’une fleur que m’a lancée pour m’amuser une fille de Patras». Et dans ces pages, il y a des garçons et des filles, une nature pure et puissante, soulignée d’un passage homérique, des rêves, des premiers amours et de la mort.
Enfance perdue et nature intacte
Il ne s’agit pas d’un Bildungsroman, mais plutôt d’un roman sur l’enfance perdue, sur les dernières lueurs de l’innocence : « Dans ces années-là, il n’existait pour nous que le présent qui a construit notre Histoire – heure après heure, nous nous lançons dans la mer de la vie pleine. d’enthousiasme. Nous regardions juste devant nous. » Pour ces battements de coeur, Héroïquetraduit en 1960 dans le film Notre dernier printempsétait le roman préféré de la génération qui a grandi après 1940, avec un regard sur la Seconde Guerre mondiale, la guerre civile et les luttes qui ont conduit à la dictature des colonels en 1967.
Loìzos, Monica, Alekos ont des traits de héros homériques, mais surtout de garçons qui, insouciants et bercés par leurs rêves, seront submergés par des tragédies. C’est la période entre le Carnaval et le Carême et Politis imagine un groupe d’adolescents, grecs et italiens. , avec des casques dorés et une lance à incendie, s’amusant dans un pays sans nom, dans un jardin qui ressemble à un Eden, où le vent fait claquer les portes et «des étoiles pendaient des rayons de lumière tremblants qui glissaient de temps en temps comme des gouttes , se répandant dans l’immensité.” Loìzos est Achille, Monica Elena, Andreas est Patrocle et ils dansent dans la naïveté de leur premier âge heureux, également grâce à une profonde musicalité que Politis parvient à façonner entre les lignes : « nous avons désiré la beauté non pas comme fondement du bonheur, mais plutôt pour atteindre une plénitude des plus absolues, jusqu’à l’immensité bleue et laiteuse dans laquelle sont suspendues les étoiles.”
Entre poésie et ironie
La traductrice Gilda Tentorio, dans la postface, souligne comment «la ligne narrative, qui semble chronologique, se fonde sur un temps psychologique, rempli de rêveries, de rêves, de désirs, de souvenirs, d’anticipations, d’ellipses, de ruptures soudaines». Comme la mort qui arrive et brise la magie onirique de l’adolescence : « un nuage noir est lentement passé sur nos années d’enfance – peut-être cela a-t-il marqué la fin ». Mais, encore une fois, ce qui semble clair l’est moins qu’il n’y paraît et le traducteur explique toujours qu’il s’agit « d’un roman important par son inspiration lyrique et ses techniques narratives innovantes, dans lequel la surface dialogue avec la profondeur, le symbole avec l’ironie et l’antithèse devient la mesure du monde. Aussi du monde d’aujourd’hui : « Un monde trop occupé avec des choses futiles mélange des idées et des principes avec de fausses valeurs, éliminant les défauts somatiques ou autres. Il ressemble à un cactus poilu, bubonique et maladif, dominant tel un dieu du foyer enraciné sur son piédestal. Des corps passionnés se tendent, réduisant avec indolence un royaume de silence et d’insensibilité.” Notre époque n’est pas non plus un cactus maladif…
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