Par Stéphanie Petit Publié le 8 Septembre 2023 à 7h16 Suivre 78actu
Elsa Triolet lors de la Bataille du livre. (©Pablo Volta)
INTRODUCTION
C’est en 1951 que Louis Aragon (1897-1982) et sa compagne Elsa Triolet (1896-1970) ont acheté le Moulin de Villeneuve, sur les rives de la Rémarde, à Saint-Arnoult-en-Yvelines.
Ces deux esprits brillants se sont rencontrés en 1928. Le couple, qui résidait à Paris et continuera d’y vivre (dans le 1er puis le 7e arrondissement), cherchait un endroit à la campagne propice à l’inspiration.
Leur demeure yvelinoise est aujourd’hui devenue une maison musée. La cuisine, le bureau, la chambre et le salon nous plongent dans le quotidien d’Elsa Triolet et Louis Aragon au Moulin de Villeneuve.
Cette maison et son parc, où se trouve leur tombe selon leurs volontés, étaient à la fois un havre de paix propice à la création littéraire et une source d’inspiration en elle-même. Plusieurs de leurs œuvres évoquent d’ailleurs le moulin et/ou y ont été écrites.
Vidéo : Elsa Triolet, l’âme du Moulin de Villeneuve
Traductrice, auteure bilingue, première femme à recevoir le prix Goncourt, créatrice de bijoux : le trio Elsa, née Ella Kagan en 1896 à Moscou (Russie), a marqué son époque et le Moulin de Villeneuve à Saint-Arnoult-en-Yvelines.
C’est là, dans le parc, le 16 juin 1970, qu’elle succombe à une crise cardiaque à l’âge de 73 ans. À partir de ce jour, Louis Aragon ne détachera plus jamais les pages de l’éphéméride de la maison, installée au premier étage avant d’arriver dans la chambre à coucher.
Elsa Triolet repose pour l’éternité au Moulin de Villeneuve.
La même année, elle publie son dernier ouvrage : Le Rossignol se tait à l’aube. Dans ce roman, méditation sur la vieillesse, la narratrice meurt dans son jardin, tout comme l’auteure.
Le président Georges Pompidou intervient pour que sa volonté soit respectée : être enterrée chez elle. Elsa Triolet reste pour toujours dans sa maison yvelinoise. Sur sa tombe, qui deviendra en 1982 celle des deux amants, une épitaphe est gravée :
“Lorsque nous serons enfin côte à côte, comme gisants, l’alliance de nos livres nous réunira pour le meilleur et pour le pire, dans cet avenir qui était notre rêve et notre souci majeur, à toi et à moi. La mort aidant, nous aurions peut-être réussi à nous séparer davantage que la guerre de notre vivant, les morts sont sans défense. Ainsi, nos livres enlacés viendront, noir sur blanc, main dans la main, s’opposer à ce qu’on nous sépare l’un de l’autre. ELSA.”
Le coup de cœur d’Elsa Triolet pour Saint-Arnoult-en-Yvelines
Elsa Triolet et Louis Aragon ont acquis le Moulin de Villeneuve en 1951. La résidence de week-end et de vacances du couple porte la marque de la maîtresse de maison. Sa décoration est celle qu’Elsa Triolet a choisie.
Les fauteuils à cornes, les céramiques de Picasso ou encore le Fernand Léger dans la cuisine… Des vanneries aux bibliothèques spécialement conçues pour abriter leurs nombreux livres, tout porte sa marque.
Comme pour Aragon, cette maison est une source d’inspiration pour l’auteure franco-russe. Elle la décrit souvent dans ses œuvres. C’est notamment à Saint-Arnoult-en-Yvelines qu’elle a écrit Le Cheval roux, paru en 1953.
Elsa Triolet a marqué l’histoire du prix Goncourt
Six ans avant l’achat du Moulin de Villeneuve, Elsa Triolet avait reçu le prix Goncourt pour Le Premier accroc coûte deux cents francs. Ce recueil de nouvelles tire son titre de la phrase annonçant le débarquement de Provence.
Elle est alors la première femme à remporter le célèbre prix littéraire depuis sa création en 1903. Treize femmes seulement ont obtenu le Goncourt en 120 éditions. La dernière en date est Brigitte Giraud, en 2022.
Auteure et traductrice
Elsa Triolet commence à écrire dès 1925, dans sa langue natale, le russe. Elle traduit également du russe vers le français des œuvres de Nikolaï Gogol (1809-1852) et Anton Tchekhov (1860-1904), notamment, mais aussi des textes du français vers le russe. La première traduction arrive en 1934. Il s’agit de “Voyage au bout de la nuit” de Louis-Ferdinand Céline (1894-1961).
L’année 1938 marque un tournant dans sa carrière d’auteure avec “Bonsoir, Thérèse”. L’œuvre est publiée en russe et en français, faisant d’Elsa Triolet une auteure bilingue.
Une femme engagée
Résistante, elle entre dans la clandestinité en 1942 après avoir rejoint Louis Aragon. Elle écrit notamment pour “Les Lettres françaises”, revue dirigée par Aragon jusqu’en 1972.
En 1950, Elsa Triolet lance la Bataille du livre. Cette opération, soutenue par le Parti communiste français (PCF), vise à populariser le livre, un objet peu accessible pour l’ensemble de la population. Les auteurs vont à la rencontre des usines et des marchés, notamment, pour rendre le livre plus populaire. Louis Aragon et Paul Éluard font partie des soixante auteurs participant aux différentes manifestations.
La question des étrangers et la critique du stalinisme, avec “Le Rendez-vous des étrangers” (1956) et “Le Monument” (1957), planent également sur ses écrits.
La légende d’un couple mythique
Elsa Triolet était mariée depuis deux ans à un officier, André Triolet. Le couple, installé à Tahiti, se sépare en 1921. Sept ans plus tard, elle rencontre Louis Aragon. C’est le coup de foudre.
Le duo ne vit pas encore de leurs œuvres littéraires. Elsa Triolet fabrique des bijoux à partir de matériaux sans valeur que Louis Aragon vend. Les pièces connaissent un certain succès, notamment auprès de la couturière Elsa Schiaparelli. Puis le succès que l’on connaît arrivera…
Notez que la visite de la maison est possible du lundi au vendredi à 16h avec un guide (environ 45 minutes). Plusieurs créneaux de visite sont disponibles les samedis, dimanches et jours fériés.
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