Nouvelles Du Monde

Deux sociologues examinent la gratitude comme ciment social

Deux sociologues examinent la gratitude comme ciment social

2023-10-29 15:24:34

EL’un des romans les plus célèbres du milieu du crime organisé commence avec le chef de la mafia promettant d’aider un inconnu, mais refusant le paiement proposé. L’aide demandée est un cadeau, et l’accepter oblige celui qui la reçoit à être reconnaissant. Désormais, il doit une faveur à son parrain, et à un moment donné, il lui dira exactement laquelle.

La différence entre échanger et offrir ne réside pas dans le fait que le cadeau en retour n’est plus nécessaire, mais plutôt dans le fait qu’il reste indéterminé en termes de temps et de sujet. C’est précisément dans cette indétermination que les obligations de gratitude offrent quelque chose comme une sécurité face à un avenir inconnu. Ce qui manque à la personne généreuse, que ce soit en conseils ou en actes et que ce soit en ce qui est permis ou interdit, les destinataires ne pourront refuser sa demande. Donner est également plus béni que recevoir, car le donateur peut retarder la détermination de ses propres souhaits.

Le parrain collectionne la gratitude comme d’autres collectionnent les titres

Mais les obligations de gratitude sont également indéfinies en termes sociaux. Même si l’on ne doit toujours sa propre courtoisie qu’à son ancien bienfaiteur, celui-ci peut aussi la demander dans l’intérêt d’un tiers. Il peut mobiliser la gratitude d’une personne en faveur d’une autre – et ainsi l’obliger. Plus on accumule ainsi un capital d’utilité non thématique, plus grands et efficaces sont les services qu’on peut offrir à chaque individu, et plus grande est l’estime dont il jouit de ce fait. Ce n’est pas sans raison qu’on dit que le parrain du roman recouvre les dettes de gratitude comme les autres titres. La moralité du crime organisé est donc une morale de réciprocité, avec cependant la particularité que le cadeau peut consister en une protection contre les persécutions policières – et le cadeau en retour peut être un meurtre ou un homicide involontaire.

Lire aussi  Allemagne : Un petit garçon retrouvé mort, flottant dans un sac plastique dans le Danube

Deux sociologues israéliens tentent désormais de faire la lumière sur ce monde. Vingt anciens criminels, dont certains bénéficient désormais de la protection du gouvernement en tant que témoins clés, ainsi que des policiers ont été interrogés sur leurs expériences. Presque tous les anciens élèves décrivent la première rencontre avec leur mécène respectif comme fatidique. Il leur a soudainement accordé tout ce dont ils avaient été privés auparavant : une place permanente dans l’ordre social, combinée au respect et au respect dans les interactions quotidiennes, mais aussi la fonction d’ouverture des portes de son nom dans le monde souterrain et une défense pénale compétente devant les tribunaux. Pour certains, il s’agissait d’un changement de statut qui les faisait passer du néant social à une existence quelque peu honorable.

Une fidélité presque familiale

La valeur incommensurable de ce don se reflète dans le fait que la gratitude ne connaît pas de limites. Loin de payer sa propre culpabilité et ainsi de briser le lien, tout don en retour ne fait que le renforcer. La gravité du crime est une mesure de la volonté d’un individu de faire des sacrifices et de son dévouement, mais la volonté de purger des peines de prison pour d’autres scelle également la fraternité du sang. L’un des interviewés explique l’indissolubilité de ces loyautés quasi familiales à partir de son expérience en prison. C’est uniquement parce que son parrain veillait sur lui qu’il a échappé au viol des codétenus et, par conséquent, il ne pouvait pas simplement renvoyer son patron lorsqu’il lui a demandé de s’introduire dans la banque suivante immédiatement après sa libération.

Lire aussi  Berlin se joint à l'enquête brésilienne sur l'affaire du meurtre d'un consul | Nouvelles | DW

Face à de telles conséquences, la question du début de cette fraternité dans la transgression de la loi mérite une attention particulière. Contrairement aux idées reçues, le premier cadeau du parrain est apparemment tout sauf « une offre qu’on ne peut refuser ». Certains renoncent à son aide parce qu’ils préfèrent rester indépendants. D’autres le rejettent parce qu’ils sont déjà engagés envers l’un de ses concurrents et ne veulent pas le contrarier. Chacun de ces refus circule, et chacun porte atteinte à la réputation d’irrésistible du parrain. Il faut donc bien connaître les gens pour trouver une victime consentante.

L’étude, qui mérite d’être lue, pose la question de savoir de quel droit on peut qualifier cette forme de criminalité d’« organisée ». Les bonnes organisations ne dépendent en aucun cas des remerciements comme motivation. Faire ce que vos collègues ou vos supérieurs vous demandent de faire est plutôt l’accomplissement d’un devoir officiel toujours rémunéré, pour lequel le destinataire ne doit aucun remerciement personnel. Et ceux qui espèrent la gratitude de l’organisation elle-même sont souvent déçus.



#Deux #sociologues #examinent #gratitude #comme #ciment #social
1698688568

Facebook
Twitter
LinkedIn
Pinterest

Leave a Comment

This site uses Akismet to reduce spam. Learn how your comment data is processed.

ADVERTISEMENT