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Démystifier le TDAH chez l’adulte : Une discussion avec le Dr Alexander Moreno

Démystifier le TDAH chez l’adulte : Une discussion avec le Dr Alexander Moreno

À l’occasion du mois de sensibilisation au TDAH (Trouble de déficit de l’attention avec ou sans hyperactivité), la Fondation Santé Urbaine vous propose une discussion avec le docteur Alexander Moreno afin de démystifier le trouble neurodéveloppemental qui touche 4 % des adultes au Québec. Souvent considéré à tort comme un trouble qui ne se manifeste que chez l’enfant, le TDAH non diagnostiqué peut causer du stress, de l’anxiété et de l’incompréhension chez les adultes, ce qui justifie l’importance d’obtenir des informations précises.

Discussion :
Docteur Moreno, pouvez-vous nous expliquer en quoi consiste votre spécialité précisément ?
Alexander Moreno : Je suis psychologue et neuropsychologue au CIUSSS du Centre-Sud-de-l’Île-de-Montréal et professeur associé au Département de psychologie de l’Université de Montréal. Je dirige également le laboratoire Innovation, technologie et cognition au Centre de recherche de l’Institut universitaire de gériatrie de Montréal, en plus d’exercer en tant que clinicien à l’Hôpital Notre-Dame.

Pouvez-vous nous expliquer ce qui caractérise le trouble déficitaire de l’attention avec (ou sans) hyperactivité ?
Alexander Moreno : Le TDAH est un trouble du neurodéveloppement qui est lié à des différences dans la connectivité cérébrale. Il entraîne des difficultés d’autorégulation, c’est-à-dire la capacité de contrôler et de freiner les pensées. Le trouble peut également se manifester par des difficultés à réguler les mouvements physiques ainsi qu’une impulsivité dans les gestes et les actions. Il s’accompagne également d’une difficulté à réguler les émotions, ce que l’on appelle l’hyperréactivité émotionnelle.

On entend parfois dire que les personnes adultes vivant avec un TDAH sont créatives, vives, innovatrices. Qu’en est-il vraiment ?
Alexander Moreno : En effet, lorsque la pensée est en réseau plutôt que linéaire, cela peut favoriser la création de liens plus facilement, ce qui peut se traduire par une grande créativité.

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On associe souvent le TDAH aux enfants. Quel est le portrait chez les adultes ?
Alexander Moreno : Le TDAH a été beaucoup médiatisé chez les enfants, mais environ deux tiers d’entre eux continuent de rencontrer des difficultés importantes à l’âge adulte. Le taux de prévalence chez les enfants au Québec est d’environ 5 à 7 %, et d’environ 4 % chez les adultes. Ces personnes sont souvent très déconcertées quant aux raisons de leurs problèmes dans la vie. Elles peuvent penser qu’elles sont paresseuses ou incapables, mais leurs difficultés sont en réalité liées à un TDAH non diagnostiqué. Il y a une transmission génétique des parents aux enfants dans environ 75 à 80 % des cas, donc c’est souvent en recevant un diagnostic pour leur enfant que les adultes réalisent qu’ils sont également touchés.

Vous mentionnez plusieurs difficultés. Quels sont les signes qui pourraient indiquer un TDAH chez l’adulte ?
Alexander Moreno : Certains des signes les plus fréquents sont les comportements perturbateurs et impulsifs, la difficulté à prêter attention et la difficulté d’organisation, y compris la gestion du temps et de l’horaire. Chez l’adulte, cela peut se traduire par une incapacité à garder un emploi ou à mener à bien ses projets. On note également des problèmes conjugaux ainsi qu’une difficulté à gérer son argent.

Ces symptômes sont-ils spécifiques au TDAH chez l’adulte ?
Alexander Moreno : Non. Le TDAH chez l’adulte se manifeste par plusieurs symptômes, qui ne sont pas nécessairement exclusifs à celui-ci, ce qui rend le diagnostic très complexe. De plus, il est rarement présent seul. Il est souvent accompagné de troubles de l’humeur tels que la dépression ou les troubles anxieux, ce qui peut compliquer le diagnostic et le traitement.

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Existe-t-il des mythes associés au TDAH chez l’adulte ?
Alexander Moreno : L’un des mythes les plus répandus est que la médication peut guérir le TDAH. C’est faux, car le TDAH n’est pas une infection que l’on traite avec des antibiotiques. Les médicaments utilisés dans les cas de TDAH fonctionnent plutôt comme des lunettes : ils permettent de normaliser la situation lorsqu’ils sont pris, mais les symptômes reviennent lorsque l’on arrête de les prendre.

Il est donc impossible de guérir un TDAH ?
Alexander Moreno : Il est possible de traiter le TDAH. Chez certains enfants, les symptômes peuvent disparaître avec la maturation du cerveau. Toutefois, pour la plupart, l’impression que le TDAH est guéri provient des mécanismes de compensation qu’ils développent en grandissant. Les adultes peuvent apprendre à comprendre les codes sociaux, à mieux s’organiser et à mieux planifier. Les symptômes peuvent donc passer inaperçus, mais le TDAH reste un trouble chronique.

Est-ce que les adultes vivant avec un TDAH doivent absolument utiliser la médication ?
Alexander Moreno : Il existe toujours une solution pour aider les personnes vivant avec ce trouble. Pour certains, la médication peut faire une énorme différence et les aider à réussir leurs études ou leur carrière, par exemple. D’autres personnes ne sont pas à l’aise avec l’utilisation de médicaments. Pour elles, les thérapies psychologiques ou la méditation de pleine conscience, par exemple, peuvent être privilégiées. La clé est de respecter les valeurs de la personne et d’orienter l’approche en conséquence.

Quel professionnel peut-on consulter pour obtenir des informations précises ?
Alexander Moreno : Au Québec, le diagnostic est généralement posé en première ligne par le médecin de famille, un psychologue ou un neuropsychologue. Une fois le diagnostic établi, ils pourront référer ou collaborer, si nécessaire, avec d’autres professionnels complémentaires tels que des travailleurs sociaux, des ergothérapeutes, des pharmaciens, des orthopédagogues, etc.

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Que faut-il faire lorsque l’on reçoit un diagnostic de TDAH à l’âge adulte ?
Alexander Moreno : Le fait de finalement trouver des réponses à leurs questions soulage généralement énormément les personnes concernées. Certaines ont passé leur vie à penser qu’elles étaient incompétentes, et on leur dit enfin que ce n’est pas le cas. Le diagnostic apporte donc un certain soulagement. La possibilité de traitement apporte également beaucoup d’espoir. Ensuite, la première chose à faire est de s’éduquer soi-même et d’aider ses proches à comprendre, car cette condition a également un impact important sur les proches de la personne.

Existe-t-il des astuces pour mieux vivre avec un TDAH ?
Alexander Moreno : Tout passe par le contrôle des stimuli ! L’idée est d’essayer de créer un environnement sans distractions. Par exemple, pour les étudiants, il est préférable de s’asseoir à l’avant de la classe, loin des fenêtres. Au travail, on peut essayer d’aménager un poste un peu plus isolé pour réduire le bruit, ou utiliser un casque antibruit. L’utilisation régulière d’agendas électroniques ou la création de listes de tâches fragmentées en petites étapes sont également de bons outils pour mieux vivre avec cette condition.

Quel message souhaitez-vous envoyer aux personnes et aux familles vivant avec le TDAH ?
Alexander Moreno : Le TDAH est un trouble, mais cela ne signifie pas qu’il vous définit ! En mettant en place les bonnes stratégies, il est possible d’avoir une vie accomplie, épanouie et pleinement satisfaisante malgré le diagnostic. Ce n’est donc pas une sentence d’échec.
#Démystifier #TDAH #chez #ladulte
2023-10-02 00:04:20

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