Dès 1987, Anne L’Huillier a observé que lorsqu’un gaz était illuminé par un puissant laser infrarouge, le gaz émettait d’autres couleurs, des harmoniques de celle d’origine, sous la forme de flashs ultrabrefs. En 2001, Pierre Agostini a réussi pour la première fois à produire des flashs d’une durée de seulement 250 attosecondes (as), tandis que Ferenc Krausz, utilisant une autre expérience, a isolé des impulsions de 640 as.
La physique attoseconde a déjà permis de répondre à une question fondamentale posée par les physiciens depuis la découverte de l’effet photoélectrique par Heinrich Hertz en 1887, suivi de son explication théorique par Albert Einstein en 1905. Ce phénomène arrache des électrons à l’aide de la lumière, pourvu qu’elle ait la bonne couleur: à quelle échelle de temps ce phénomène se produit-il? Le groupe de Ferenc Krausz a répondu à cette question avec des atomes de néon, qui se produit en une vingtaine d’attosecondes. Mais ils ont également observé un écart par rapport aux calculs théoriques. C’est ensuite Anne L’Huillier et son groupe qui ont réussi, grâce à un nouveau dispositif expérimental plus précis, à concilier la théorie et les observations. « Nous pouvons maintenant ouvrir la porte du monde des électrons. La prochaine étape sera de les utiliser », a expliqué Eva Olsonn, présidente du comité Nobel de physique. Jusqu’à présent, les outils développés par les spécialistes de la physique attoseconde ont surtout permis de faire avancer rapidement les lasers femtoseconde, qui sont utilisés notamment pour la découpe précise des matériaux ou la chirurgie oculaire.
En 2010, nous avons eu la chance de rencontrer Anne L’Huillier, lors de la remise du prix Unesco-L’Oréal “Pour les femmes et la science” à Paris. Lorsque nous l’avions interrogée à l’époque pour le mensuel La Recherche sur la recherche d’impulsions encore plus courtes, à l’échelle de la zeptoseconde (10-21 seconde), la physicienne avait répondu avec un large sourire: « Très certainement, mais je ne sais pas du tout comment y parvenir. C’est le but de la science, aller le plus loin possible, vers le plus petit, le plus grand, le plus rapide. »
Après avoir commencé sa carrière au Commissariat à l’énergie atomique (CEA) en France, Anne L’Huillier a rejoint l’université suédoise de Lund en 1995, où elle travaille encore aujourd’hui. Pierre Agostini, lui aussi passé par le CEA, enseigne la physique à l’université d’État de l’Ohio depuis 2005. Ferenc Krausz a travaillé en Hongrie puis en Autriche, avant de s’installer en Allemagne, où il dirige l’Institut Max Planck d’optique de Garching depuis 2003.
Depuis 1901, un total de 224 lauréats ont reçu le prix Nobel de physique, avec une écrasante majorité d’hommes (219). Avant Anne L’Huillier, seules la Française Marie Curie (1903), les Américaines Maria Goeppert Mayer (1963) et Andrea Ghez (2020), ainsi que la Canadienne Donna Strickland (2018), ont été honorées par l’Académie royale des sciences de Suède.
La Nord-Irlandaise Jocelyn Bell Burnell a découvert en 1967 les pulsars, des étoiles à neutrons qui tournent rapidement sur elles-mêmes, lors de ses travaux de doctorat. Mais c’est son directeur de thèse, Anthony Hewish, qui a reçu le prix Nobel en 1974 pour cette avancée capitale en astrophysique. Cependant, elle a été récompensée d’un prix Breakthrough spécial en 2018, investissant la totalité des trois millions de francs reçus dans une fondation dédiée à aider les femmes et les minorités à faire de la recherche en physique.
Après son prix de physique en 1903, associée à son mari Pierre Curie et à leur collègue Henri Becquerel, pour leurs travaux sur la radioactivité, Marie Curie a remporté seule le prix de chimie en 1911 pour la découverte du radium, après le décès de son mari cinq ans plus tôt. Il convient de noter que le physicien John Bardeen est le seul lauréat à avoir été récompensé à deux reprises d’un prix Nobel de physique, en 1956 et en 1972.
En 2022, le prix Nobel de physique a été décerné au Français Alain Aspect, à l’Américain John Clauser et à l’Autrichien Anton Zeilinger, trois pionniers de l’information quantique.
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