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Critique : Rôles inversés en français “Peter von Kant”.

Critique : Rôles inversés en français “Peter von Kant”.

François Ozon réutilise le manuscrit de Rainer Werner Fassbinder pour la pièce et le film peut-être les plus connus du maître allemand “Les Larmes amères de Petra von Kant” (1972) et l’utilise comme une sorte de chiffre nécrophile. Il fait plus que ça. Ozon traite et pétrit la musique de chambre de sorte qu’il s’agit de l’une des figures de premier plan du film allemand qui travaille furieusement, de Fassbinder lui-même – au lieu d’un groupe de femmes. Le réalisateur français aussi, fidèle à son habitude, colore le film à l’origine strictement noir et blanc d’un rouge boudoir criard seventies.

Que Fassbinder ait dépeint ses propres expériences d’amour, de manipulation, de recherche de la vérité, de pouvoir, de classe et d’oppression – n’est pas une surprise. Mais en tant qu’Ozon, le remplacement de Petra von Kant, la créatrice de mode cool de Margit Carstensen, par un Denis Ménochet en sueur, reniflant de cocaïne, boutonneux et critique dans le rôle de Peter von Kant – alias Fassbinder – enlève toute la puissance originale du prédécesseur.

C’est comme si Ozon se méfie de la capacité du spectateur à percevoir l’étrange et extrêmement humaine combinaison d’ironie, de sadomasochisme et d’émotion authentique du mélodrame original, pointant constamment vers les structures sociales qui les ont rendus – et les rendent – possibles.


Photo: Carole Béthuel

Au lieu de cela, ce “Fassbinder”. Pour que personne n’en doute, il fait remplacer le portrait géant de Margit Carstensen par plusieurs images du nouvel amour de Peter von Kant, le jeune Amir qui, comme par hasard, porte le même nom que celui de Fassbinder. partenaire de longue date. Complètement coquet et inexplicablement représenté comme le martyr transpercé Saint Sébastien. Et sur une affiche à côté, on peut lire “La mort est plus chaude que l’amour”, faisant ainsi allusion au premier film de Fassbinder “L’amour est plus froid que l’amour” (1969).

Ainsi en est-il, tandis que Peter von Kant/Fassbinder, dans un étrange mélange de biographie et d’œuvres superficielles, commande du thé, du gin, du knatter manuscrit ou du jus d’orange fraîchement pressé à son assistant silencieux et opprimé Karl (Stefan Crepon).

Il n’est pas possible de spéculer sur ce qu’un public ne connaissant pas le film original pourrait glaner dans la version légèrement spéculative d’Ozon alors que le protagoniste oscille entre narcissisme et dégoût de soi, entre désespoir et explosions de rage. Il le fait en partie en les plaçant purement temporellement ici et là : dans un appartement fermé de Cologne en 1972, en partie en le colorant jusqu’à la roue du projecteur de film.

C’est de la pure mélancolie de voir Hanna Schygulla jouer le rôle de Mère von Kant, si loin du rôle de la jeune amoureuse de Petra dans le propre film de Fassbinder. Il n’y a pas grand chose à dire sur l’amie Sidonie sous la forme d’Isabelle Adjani, si ce n’est qu’elle est pétillante et belle.

Cependant, il y a beaucoup de discussions, sans qu’Ozon ne puisse prendre la conversation vraiment au sérieux. Ce faisant, il rend un mauvais service à Fassbinder. S’il y avait une chose que Fassbinder savait, c’était que même le mélodrame le plus intensément coloré devait se prendre très au sérieux.

Voir plus. Trois autres films avec Ozon en meilleure forme : “Sous le sable” (2000), “Le temps qui reste” (2006), “Frantz” (2016).

Lis autres critiques de films et de télévision en DN et plus de textes par Eva af Geijerstam.

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