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Controverse autour de la présence de la ministre de la Mobilité dans une école de Schaerbeek

Controverse autour de la présence de la ministre de la Mobilité dans une école de Schaerbeek

Plusieurs parents d’une école fondamentale néerlandophone de Schaerbeek prévoient de dénoncer, lors d’une interpellation citoyenne au conseil communal (initialement prévue ce mercredi soir mais reportée en janvier), la présence de la ministre de la Mobilité Elke Van den Brandt (Groen) fin novembre dans l’établissement et la nature de plusieurs discours qui, selon les parents, ressemblaient à de la propagande politique écologiste. “Des pratiques inacceptables”, “une instrumentalisation construite sur le dos des enfants”, et “pression” et “manipulation” : c’est ce que pointent les initiateurs de l’interpellation citoyenne.

Le quartier de Good Move

Les faits, d’abord, tels qu’ils sont rapportés par les parents. Youssef, un papa, explique que l’école Paviljoen dans le bas de Schaerbeek, avait organisé un “événement” avec des enfants de troisième maternelle et leurs parents. “C’était le matin. Les enfants étaient invités à présenter des travaux et des dessins qu’ils avaient réalisés, sur le thème de leur quartier”, raconte-t-il. Ce quartier, c’est de celui de la place Stephenson, de la rue Pavillon et de la Cage aux ours, où l’implémentation du plan de mobilité Good Move a été durement contestée par les riverains. Détail important pour comprendre une partie du mécontentement des parents.

“L’école avait invité la ministre Elke Van den Brandt mais un grand nombre de parents n’étaient pas au courant de sa présence, hormis celles et ceux plutôt proches idéologiquement de la ministre. Pendant l’événement, des personnes prennent la parole, en français et en néerlandais. Les messages qui sont passés auprès des enfants posent clairement problème.”

Quelle est la teneur de ces messages? “On dit par exemple aux enfants que leurs parents doivent les aimer mais que les enfants ne leur appartiennent pas.”

Sur un enregistrement audio qui nous a été transmis, nous avons clairement pu entendre ceci : “Vous venez de vos parents mais vous n’êtes pas leur propriété.” “Pour appuyer cela”, ajoute Youssef, “les personnes ont fait référence à l’article 12 de la Convention des Droits de l’enfant indiquant que ‘l’enfant qui est capable de discernement le droit d’exprimer librement son opinion sur toute question l’intéressant’. On expliquait ainsi qu’un parent ne pouvait pas dire ‘mon enfant’, une formulation beaucoup trop possessive. Ces termes étaient très dérangeants.”

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“On encourageait les enfants à être contre la voiture”

“Ensuite, on demandait à des enfants de choisir des images entre une voiture et une dépanneuse. Et on suggérait aux enfants que la dépanneuse était plus jolie que la voiture et qu’en plus elle enlève la voiture qui dérange”, poursuit Youssef. “Idem quand on invitait les enfants à choisir un vélo plutôt qu’une voiture. On encourageait l’enfant à être contre la voiture, à privilégier la verdure… Bref, tout ce qui est écolo. Idem quand on disait aux enfants qu’il fallait développer des quartiers durables, une terminologie qui ne veut rien dire pour un enfant. Et les conclusions de l’événement étaient : c’est ce que veulent les enfants et ce à quoi ils aspirent au plus profond d’eux-mêmes. Je le rappelle : ce sont des enfants de troisième maternelle. Pour moi, c’était de la propagande politique, de la propagande écolo.”

“Le réchauffement climatique est une réalité”, reconnaît Youssef. “Mais en quoi les discours tenus dans cette école allaient aider à lutter contre le réchauffement climatique ? Surtout lorsqu’on culpabilise quelque part les enfants notamment ceux qui viennent en voiture contrairement à ceux qui viennent à vélo ou à pied. Ce sont des messages politiques qui n’ont pas à être délivrés dans une école maternelle.”

“La ministre n’a jamais pris la parole”

De son côté, Sven Moens, le directeur de l’école Paviljoen, école communale, tient à rappeler le contexte de l’événement : une exposition intitulée “Le quartier vu par les enfants” (le quartier sous le regard des enfants) qui se tient jusqu’au 22 décembre. But : connaître les attentes des plus jeunes pour leur quartier.

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“Un projet mené en fait par des étudiants de la haute école Erasmushogeschool avec notre école. Lors de l’événement, plusieurs personnalités politiques néerlandophones de tout bord ont été invitées dans notre école par la haute école”, précise le directeur. “Une seule ministre est venue, Mme Van den Brandt. Mais elle n’a pas pris la parole. Le projet était une exposition dans le quartier avec des peintures sur les fenêtres des maisons. Après des prises de parole, une visite a eu lieu à l’extérieur. Il n’y avait aucune propagande lors de cet événement. Oui, il a été question du droit des enfants d’exprimer leur propre opinion mais tout cela était basé sur un texte lu par des étudiants de la haute école.”

“Aucune propagande anti-voiture”

Le directeur dit ignorer l’existence d’une interpellation citoyenne d’un comité de parents. “Je sais que le thème de la mobilité est un sujet sensible dans notre quartier où le projet Good Move a été fortement critiqué. Mais l’événement n’avait rien à avoir avec cela. Aucune propagande anti-voiture n’a été menée. La preuve : sur un dessin de l’exposition, un enfant a dessiné la voiture de son papa. Je suis surpris de la tournure des choses alors qu’à la base, c’était un moment positif.”

Au cabinet de la ministre Elke Van den Brandt, on se déclare également surpris par cette polémique. On ajoute “tomber des nues”. “Il y avait tous les partis présents à cette rencontre. La ministre est venue en personne écouter la présentation du projet avec des tout-petits et elle n’a pas du tout pris la parole. Tout au plus, elle a applaudi. Elle était invitée à écouter, au même titre que les ministres Ans Persoons (NDLR : secrétaire d’Etat bruxelloise à l’Urbanisme, en charge de la Jeunesse à la VGC, du parti Vooruit) et Benjamin Dalle (NDLR : ministre flamand des affaires bruxelloises, Open VLD) qui avaient envoyé des collaborateurs. Ce matin-là, il n’y avait aucune tension, juste des enfants qui ont dessiné des paillettes et des petites voitures…”

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Malgré nos nombreux appels, nous ne sommes pas parvenus à joindre l’échevine schaerbeekoise en charge de l’Enseignement néerlandophone, Adelheid Byttebier (Groen).

Les parents à l’origine de l’interpellation citoyenne, eux, n’en démordent pas. Au collège, ils demanderont les mesures existantes ou à mettre en place pour bannir la propagande politique à l’école. “Quels sont les contrôles effectués en ce sens”, ajoutent-ils par ailleurs ?

“Stratégie de la peur”

Ils veulent aussi comprendre pourquoi les parents n’avaient pas été prévenus de la présence d’une ministre et de représentants de ministres. “En quoi le personnel enseignant au niveau préscolaire est-il formé à gérer les considérations politiques avec les élèves et les parents”, souhaitent encore savoir les parents qui dénoncent une “stratégie de la peur” auprès des enfants et de “culpabilisation si chère à l’écologie politique”.

Ils ajoutent : “Quels sont les atouts dont dispose un enfant de troisième maternelle pour contrer la propagande politique déversée sur lui ? Pourquoi passer par ces enfants alors que le dialogue entre le milieu politique et les parents est systématiquement évité ?”

Inaugurations, réunions formelles ou informelles avec le corps professoral ou avec les parents, remises de prix : plusieurs circonstances peuvent donner lieu à la présence des politiques dans des établissements scolaires. Une présence qui peut devenir suspecte en cas de prise de parole engagée ou en période de (pré-) campagne électorale.

En Fédération Wallonie Bruxelles, de nouvelles règles seront bientôt mises en place pour interdire “toute propagande politique” dans les écoles de Wallonie et de Bruxelles. Ce nouveau dispositif vise notamment à interdire dans les écoles la remise aux élèves de prix portant le nom d’un mandataire en exercice ou d’un parti politique.

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