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« Construire la grève générale en France » : Ériger des comités d’action dans chaque endroit

« Construire la grève générale en France » : Ériger des comités d’action dans chaque endroit

Mardi soir, à la Flèche d’Or, une gare désaffectée devenue lieu public située dans un quartier parisien à la longue histoire de lutte militante, l’ambiance débordait de soutien à la grève générale parmi les travailleurs intersectoriels présents. Un esprit similaire a été ressenti lors de la réunion à distance tenue au même moment. Lors de la précédente réunion, les discussions avaient porté sur la nécessité d’une grève en marche et les préparatifs de grèves reconductibles pour le 7 mars. Depuis, la donne a radicalement changé.

“Il y a un bond dans la crise politique”, explique Adrien Cornet, de la CGT Total Grandpuits, dans son introduction. “Cela bascule dans une situation pré-révolutionnaire avec des actions que nous n’aurions jamais imaginées, comme des membres de la CFDT brûlant des marionnettes à l’effigie du gouvernement à Dijon, et des milliers de personnes manifestant place de la Concorde en disant qu’elles ne voulaient pas rentrer chez elles. ”

La rencontre a commencé par près d’une vingtaine de filières faisant le point sur l’état du mouvement dans leurs secteurs et entreprises, avec les salariés des chemins de fer publics RATP et SNCF ; les éboueurs et les éboueurs; ouvriers des centrales nucléaires de Paluel et de Nogent-sur-Seine ; les électriciens de RTE et d’Enedis ; métallurgistes chez Airbus, Sidel, Safran, Stellantis/PSA ; les travailleurs des aéroports de Roissy et d’Orly, les travailleurs de Sanofi et de Saint-Gobain, les travailleurs de l’éducation et bien sûr les jeunes.

Dans toutes les industries, le mouvement se radicalise de plus en plus, de plus en plus de secteurs entreprenant des grèves renouvelables. Les éboueurs, les raffineurs et les travailleurs de l’énergie ont pris les devants. Même dans les entreprises où les grèves renouvelables ne sont pas encore souhaitées par la majorité, tous les travailleurs ont exprimé une colère croissante après l’utilisation par Macron du 49.3, un outil constitutionnel antidémocratique que Macron a utilisé pour faire adopter le projet de loi sans vote parlementaire.

« Le 49.3 a déclenché l’implication de nouveaux secteurs et travailleurs auxquels nous n’aurions jamais pensé entrer dans un mouvement social. Nous sommes dans une phase exceptionnelle que je n’ai jamais connue en 22 ans de travail. Nous sommes dans un moment insurrectionnel, et il était temps », a déclaré Cédric Liechti, de la CGT Energie Paris. C’est un refrain similaire de la part de tous les grévistes : la grève reconductible et le radicalisme renouvelé ont changé la donne en quelques jours.

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“Nous pouvons gagner!” est un sentiment largement répandu — qui est l’un des changements majeurs dans la mobilisation. Une cheminot explique qu’il y a eu un changement subjectif parmi les grévistes ; avant, les ouvriers faisaient grève « parce qu’il faut résister » ; maintenant, les travailleurs sont en grève « parce que nous pouvons gagner ».

Adrien Cornet de la CGT Total poursuit : « Face à cette situation, nous avons une direction intersyndicale qui poursuit une stratégie de défaite : des grèves isolées semaine après semaine. Avec la grève des enseignants, Laurent Berger et Martinez (respectivement les secrétaires généraux de la CFDT et de la CGT) disent qu’il ne faut pas déranger le bac.

Mais aucun des grévistes et des dirigeants syndicaux présents à la réunion ne sous-estime les difficultés. L’un des principaux obstacles est la répression policière des manifestations. Une autre est celle des réquisitions, une arme légale de l’État français qui oblige les travailleurs à reprendre le travail sous la menace de six mois de prison et de 10 000 euros d’amende, écrasant le droit de grève. Face à cela, l’appel du réseau est clair : les travailleurs doivent « constituer un vaste réseau de solidarité capable de faire face à la répression », notamment par des rassemblements organisés devant les commissariats lors des interpellations, ou devant les usines en cas de réquisitions de grévistes.

“Nous sommes confrontés à une répression organisée et armée, comme nous l’avons vu à Fos-sur-Mer.” Pour les grévistes de la centrale nucléaire de Nogent, le bilan est sans appel : « A chaque fois que nous avons eu la force du nombre, nous les avons contraints à reculer. Nous devons être dix fois, cent fois plus nombreux. Nous devons leur résister, même s’ils nous frappent ! Idem pour Alexis Antonioli de la raffinerie normande : « Face aux réquisitions, il n’y a qu’une solution : les masses devant les usines pour les en empêcher.

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D’où l’importance des piquets de grève pour assurer la continuité de la résistance face à toutes les formes de répression, pour tenir les blocages, et organiser les points d’entente. Guillaume, égoutier à la Mairie de Paris, témoigne du fort soutien aux éboueurs face au blocus de la TIRU, point de rencontre d’étudiants, de chômeurs, de retraités, de grévistes, tous déterminés à venir en aide à les éboueurs réquisitionnés. Charles Carlhant, secrétaire général de la CGT EDF de Nogent appelle à ce que ces piquets « deviennent des quartiers généraux de l’action de grève, où chaque secteur puisse lier ses luttes ».

Ces méthodes de lutte de plus en plus radicales ont également conduit à des revendications plus radicales. Face à un régime désespéré, dont la brutalité ne reflète que sa faiblesse, les travailleurs pensent qu’il est possible de gagner des revendications bien au-delà du retrait de la réforme des retraites. C’est une évidence pour Guillaume : « Contre quoi luttons-nous ? Contre cette réforme des retraites ? Et après ça ? Nous luttons contre la précarité de la classe ouvrière et des secteurs marginalisés de la société !

Pour Cédric Liechti, ces journées et ces semaines présentent une opportunité d’amorcer la “reprise sociale” : “Il va falloir gagner des semaines de congés payés, une retraite à 60 ans pour tous, 55 ans pour les métiers les plus durs, pour les femmes, et pour les plus”. précaire, sans aucune condition d’années de service.

Parmi ces secteurs précaires figurent évidemment les travailleurs immigrés, qui se cassent le dos dans les emplois les plus ingrats ; qui sont condamnés à travailler jusqu’à leur mort, incapables d’atteindre le nombre d’années requis pour une pension à taux plein. La marche contre la loi sur l’immigration de Darmanin (qui donnerait au gouvernement plus de pouvoir pour expulser les sans-papiers) du 25 mars devrait être célébrée comme la première victoire du mouvement, qui a conduit à un basculement des rapports de force pour enterrer définitivement le projet. Plus généralement, c’est un exemple clair de la solidarité du mouvement ouvrier avec les migrants qui meurent à cause de la “Forteresse Europe”.

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Enfin, après avoir discuté de la lutte contre la répression et de la diffusion de la grève, notamment en conjuguant extension des revendications et travail militant en allant chercher les secteurs qui ne sont pas encore en grève permanente, le réseau a déplacé la discussion sur la manière de construire le réseau dans le mouvement.

« Ce réseau doit être transversal, composé de jeunes, d’artistes et d’intellectuels, où chacun met ses positions au service de la lutte des classes pour faire céder ce gouvernement ! raconte Anasse Kazib du triage du Bourget en gare de Paris Nord. « La direction intersyndicale de Berger & Cie n’aime pas ce qui se passe en ce moment. Ils vont chercher la première ouverture pour se sauver, et nous allons devoir récupérer nos camarades devant les dépôts, les raffineries, les centres techniques, etc. Pour éviter cela, nous devons commencer à préparer la construction du Réseau pour la grève générale, avec des comités d’action partout dans tout le pays. Il faut viser à construire une véritable coordination intersectorielle, en organisant tous les secteurs en grève, avec un leadership qui se battra jusqu’au bout !

La stratégie des comités d’action est aussi concrète qu’urgente : nous devons rassembler les travailleurs de toutes les localités déterminés à lutter à la hauteur de ce que la situation exige. Ce Réseau pour la Grève Générale, qui est actuellement composé de quelques centaines d’ouvriers et de syndicalistes, doit se répandre dans tout le pays pour construire la grève générale.

Initialement publié en français dans Révolution Permanente le 22 mars.

Traduit par Emma Lee

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