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Comment Mariah Carey est devenue (presque) plus célèbre que Jésus Christ

Comment Mariah Carey est devenue (presque) plus célèbre que Jésus Christ

Le 1er novembre dernier, alors que le monde se remettait à peine d’Halloween et de ses citrouilles, la chanteuse Mariah Carey a diffusé sur les réseaux sociaux une vidéo qui illustre le poids qu’elle peut avoir à l’approche des festivités de fin d’année. Comme chaque année, le retour de Tout ce que je veux pour noël, c’est toireconnaissable en quelques notes, signe le lancement de Noël, y compris dès le début du mois de novembre. Une stratégie marketing que la chanteuse américaine applique depuis plus de vingt ans, pour le plus grand bonheur des réseaux sociaux… et des marques.

« C’est la reine du marketing, explique Marc Jahjah, maître de conférences au sein du département d’Information et Communication de l’Université de Nantes. Elle a un véritable talent et une intuition pour sentir les transformations d’une époque. »

Pourtant, Tout ce que je veux pour noël, c’est toisortie en 1994, ne se destinait pas forcément à un tel succès. Inspirée par sa relation avec Tommy Mottola (de 21 ans son aîné), c’est un « petit pari » selon Marc Jahjah. « Dans les années 1990, faire un album de Noël, c’était pour les vieux artistes sur le déclin. » Jusqu’aux années 2000, la chanson fait son bonhomme de chemin, et va devenir de plus en plus demandée pendant les concerts de Mariah Carey. En 2003, son utilisation dans le film L’amour en faitchantée par la jeune Olivia Olson, participera à rendre la chanson culte. Et la chanteuse va comprendre comment la réinventer pour en faire un tube incontournable.

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Un empire marketing et publicitaire

À partir de 1997/1998, Mariah Carey va transformer sa chanson, et au fil des années, s’associer à d’autres artistes pour en sortir de nouvelles versions : plus R’N’B, ou plus pop avec Justin Bieber, jazzy avec Michael Bublé… « La chanson va prendre la forme de son environnement, elle l’adapte en permanence aux attentes sociales, à sa carrière, à ce qu’elle sent de la société… C’est là sa force, note Marc Jahjah. Elle travaille depuis plus de vingt-cinq ans à rendre socialement, cognitivement, et dans le sens marketing, son titre compréhensible ». Dès les premières notes de musique, on sait ce qui nous attend. Tout ce que je veux pour noël, c’est toi est devenue indissociable de l’odeur du sapin et des lumières dans la neige.

« Elle va jouer avec sa propre mythologie, et elle va y être aidée par les médias, qui ont besoin de répétition et de références » développe Marc Jahjah. Mariah Carey se présente, et est présentée comme la reine de Noël : l’associer avec Noël permet de l’identifier, la citer et faire appel à une référence que (presque) tout le monde partage.

D’autant qu’au fil du temps, Mariah Carey se positionne sur tous les fronts, enchaînant les campagnes publicitaires avec McDonald’s ou d’autres grandes marques. Selon L’économistela chanson ferait gagner à la chanteuse une moyenne de 2,6 millions de dollars par an. Début décembre 2021, elle a battu des records, puisque Tout ce que je veux pour noël, c’est toi a été écoutée plus de cinq millions de fois par jour sur Spotify. La multiplication des plateformes et des réseaux sociaux a continué à alimenter le succès de la chanson, à travers des effets de remix et de réutilisation. Sur TikTok, par exemple, la chanson phare se déploie tant pour parler de cadeaux de Noël que de voyages à New-York, tout en passant par de nombreux mèmes et parodies. « Cela participe à la construction du public » selon Marc Jahjah. Et puis utiliser Tout ce que je veux pour noël, c’est toic’est la certitude que la référence sera comprise par le plus grand nombre, et ce, même dans plusieurs années.

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Une idéalisation de la société américaine et de ses symboles

Comme l’explique Marc Jahjah dans un long thread documenté, « Mariah Carey est devenue un élément figuratif de Noël – au même titre que le sapin, le chocolat chaud… – qui peuple aujourd’hui la mémoire sociale ». Car oui, désormais, la chanson phare de Mariah Carey hante nos réseaux sociaux comme les grands centres commerciaux à l’approche des fêtes : elle est devenue un élément central de l’icône Mariah Carey. « La petite note aiguë avec le doigt sur l’oreille, sa danse, l’habit rouge, le fond de neige et de sapins… » liste Marc Jahjah. Autant d’éléments qui se conjuguent pour faire de la diva la reine de Noël. Pour toujours ? Pas forcément, selon le chercheur. « La chanson traversera les âges mais pas Mariah Carey. C’est la rançon paradoxale de la gloire : les chansons finissent par s’anonymiser » pointe-t-il.

D’autant que Mariah Carey ne produit pas juste de la musique, mais des images : sur les réseaux sociaux ou dans ses clips, la star alimente une certaine image des fêtes de Noël. « C’est une célébration fantasmagorique de la vie américaine, du christianisme laïcisé, de la vie hétéronormative, une célébration de la vie marchande… » développe Marc Jahjah. Et la star, métisse, distille une vision utopique des Etats-Unis, où blancs et noirs marchent main dans la main. « Dans une Amérique pas mal secouée par les années Trump, sa musique participe à la pacification » ajoute l’enseignant-chercheur. Appuyée par les médias, mixée et remixée par les réseaux sociaux, Mariah Carey serait-elle plus célèbre que Jésus Christ pendant les fêtes de Noël ? « Peut-être qu’il y a Jésus et son assistante, Mariah Carey » en rit Marc Jahjah. En tout cas, une assistante qui vous laisse la même chanson dans la tête pendant plus d’un mois.

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