Nouvelles Du Monde

Cher journal : Ode à l’écriture – Zone 11

Cher journal : Ode à l’écriture – Zone 11

2023-11-10 14:27:03

Aujourd’hui, je pourrais prudemment faire une éloge prestigieuse de l’amitié autant que les personnes sincères le concevraient, dans un enthousiasme à peu près certain d’avoir maintenant quelques tendres gens qui m’entourent sans lien filial véritable mais autant valable.

Pour cette raison, j’ai commencé à faire une fixette sur la légitimité de l’amitié comme alternative de vie, après avoir gaiement arpenté des extraits du dernier essai de Geoffroy de Lagasnerie : Une aspiration au dehors. Livre qui relate les nombreuses perspectives édifiantes et sous-représentées de l’établissement en société hors du couple et de la parentalité.

Geoffroy de Lagasnerie, Édouard Louis et Didier Eribon, de gauche à droite

Mais par moment, dans un sursaut de souvenirs lointains qui parfois reviennent d’assaut, je me suis remis en scène l’époque badante de mon enfance-ado où l’amitié n’avait aucune valeur, ni pertinence.
À cet âge où les constructions émotionnelles s’effectuent en partie grâce à l’entourageje n’ai cultivé aucun désir de connexion collective extérieure pour bien des raisons. En adoptant en conséquence une misanthropie assumée et des hobbies solitaires comme échappée.

On prétend qu’avoir des amis est le meilleur moyen de se confier, de dissoudre nos angoisses en créant un lien social externe fort. On a fait l’apologie des uns et des autres au sein d’une interaction soudée et loyale mais parfois fait de compromis, qui serait pour chacun un soutien indéfectible.

Lire aussi  A BOLA – Sondage : Gilberto a-t-il raison lorsqu'il dit que Roger Schmidt est un entraîneur différent ? (LE BALLON)

Mais il y’a la solitude incontournable. Celle qui nous habite sans permission à un moment donné, quand elle nous prend de court et nous accapare une fois la cloison de l’amitié jugée dangereuse. Et tandis que la famille a déjà été d’emblée exclue comme consolation.

Bien avant, il n’y’a pas eu de sociabilité généreuse et bienveillante, ni de foyers chaleureux. Ce qui a induit un repli sur soi sans entités privées pour combler le manque affectif. Trouver le salut dans l’écriture et m’y accrocher pendant des années qui ont traversé l’adolescence et même les débuts de l’âge adulte, ont trouvé écho dans mon équilibre psychique propre.

Mon journal que j’avais mis de côté depuis fort longtemps, me renvoie l’ingratitude de son utilisation permanente à chaque ressentiment. Mon précieux »carnet de galères » comme je le nommais jadis, se fait sentir comme un héros oublié et revendique parfois sa part d’intrigue dans mon présent. Et même s’il n’est plus tout à fait nécessaire, je reconnais que je lui dois beaucoup.

Pixels

Cher journal, je ne t’oublie pas. Toi, tu m’as offert d’antan plus qu’un réconfort et une écoute humaines. Mon accoutumance à des troubles familiaux récurrents m’a pétri de dégâts relationnels sévères. Consciente d’avoir maudit mon carcan autant que j’étais incomprise, j’étais devenue une malmenée qui écumait de rage dans son plumard, et ne se retrouvait plus en phase avec des décisions étouffantes et des réflexions bâclées.

Lire aussi  Israël tue plus de 110 Palestiniens en Cisjordanie en 2023, selon l'ONU
Pixels

Dans mes élans de mélancolie et de colère revancharde, je me suis défoulée avec un stylo, j’ai écrit. J’ai écrit des choses lourdes, des choses graves, des textes désespérés. Pour contrecarrer la violence de l’espace qui s’insurgeait contre la lucidité d’une insoumise. J’ai marqué tes pages avec douleur, rancœur, sidération, terreur et tristesse.
J’ai savouré chaque capacité de dire, de hurler, de m’exprimer, d’afficher ces horreurs inédites qui me stupéfiaient. Des phrases censurées à haute voix, en public, ne l’étaient plus avec toi. Et ainsi j’ai pu atteindre dans l’étreinte de mes mots, une libération de ma pensée.

Poème photo by Sandrine Temdie

Avec toi, j’ai vaincu des incursions parentales, surmonté des brimades fraternelles, dépassé des injustices scolaires, traversé des sentiers tumultueux où je naviguais à contre courant de la majorité qui se détenait perfide et jalouse. Proche d’un harcèlement moral, j’ai réussi à ne pas succomber à l’oppression et à l’intransigeance familiale qui a brisé l’étoffe de naïveté et d’idéal communautaire que je berçais en moi.

Lire aussi  Title: "La hausse des traversées illégales de migrants dans la Manche en 2023"

Cher compagnon en papier, tu as dissipé une part enfouie de mon mal-être invisible au monde et qui m’a valu une grande part de phobie sociale. On a cheminé ensemble dans les moments les plus sombres et terribles. Et mes mains tremblantes qui toujours gribouillaient avec frénésie comme dans l’urgence de vider mon cœur ravagé. De le panser et surtout de l’apaiser. J’ai gardé le cap grâce à tes feuilles qui accueillaient toute ma misère et les absorbaient pour me consoler.

Cher journal, je ne te ferais plus signe, du moins pour de mauvaises raisons. Mais j’espère qu’ensemble on vivra des moments heureux comme ceux que je n’ai pas osé t’écrire par peur de me remettre dans la peau d’une personne martyr. Je veux te retrouver et t’approprier une nouvelle tâche : celle de consigner les nouvelles expériences plus stables et joyeuses qui jalonnent ta nouvelle détentrice…

(…qui peut enfin apprécier une chanson de  »requin chagrin » sans être soufflée d’une nostalgie amère !)

Sémaphore by ???? requin chagrin



#Cher #journal #Ode #lécriture #Zone
1699743089

Facebook
Twitter
LinkedIn
Pinterest

Leave a Comment

This site uses Akismet to reduce spam. Learn how your comment data is processed.

ADVERTISEMENT