C’est le premier dossier bouclé par les policiers de la cellule spéciale mise en place après le « fiasco inévitable », selon les mots du Sénat, de la finale de Ligue des champions entre Liverpool et le Real Madrid au Stade de France le 28 mai dernier. Et c’était le dernier des procès de comparution immédiate, mardi 18 octobre, au tribunal correctionnel de Bobigny (Seine-Saint-Denis).
Dans le box, à 22h30, Daouda K., 20 ans. Il a été condamné dans la nuit à dix-huit mois d’emprisonnement, dont six avec sursis. Cet Ivoirien sans papiers était jugé pour avoir volé le téléphone d’un supporter anglais, celui d’une jeune supportrice espagnole et frappé son père. Il lui est également reproché d’avoir porté plusieurs coups au gardien de la paix qui l’a interpellé, lui occasionnant 21 jours d’incapacité totale de travail (ITT).
Ce soir du 28 mai, après la finale de la Ligue des champions, une « horde » de délinquants — des mots de la présidente — s’était ruée sur les supporters anglais et espagnols, pour les détrousser, parfois dans une grande violence. « Ces faits ont choqué le monde entier. Ça a été le Far West. Les policiers ont été dépassés par cette horde », dénonce à l’audience l’avocat du gardien de la paix, Me Jérôme Andrei.
Une enquête pour vols aggravés avait aussitôt été ouverte, confiée à une douzaine de policiers de Seine-Saint-Denis, regroupés dans une cellule spéciale. « Ils ont abattu un travail remarquable lors de cette procédure », salue à l’audience la présidente. Cent trente plaintes sont arrivées d’Espagne et du Royaume-Uni, dont celle d’un supporter du Real Madrid, qui a décrit la très violente agression dont il a été victime avec sa fille, mineure, sous les yeux de son fils.
Le fan du Real Madrid « s’est vu mourir »
Le supporter du Real Madrid, qui n’a pas fait le trajet mardi jusqu’à Bobigny, raconte dans sa plainte qu’en sortant du stade il est pris dans un mouvement de foule avec ses deux enfants, à hauteur de l’avenue du Président-Wilson, sous le pont de l’autoroute A1. Dans la cohue, sa fille se fait arracher des mains son téléphone portable et est traînée sur plusieurs mètres. Le père tente de s’interposer et se fait alors rouer de coups, au crâne et au visage, par une dizaine de personnes, alors qu’il est sol. Ses blessures nécessiteront la pose de dix agrafes sur son crâne, et une ITT de 5 jours. « Il raconte dans sa lettre qu’il s’est vu mourir. Sa fille, aussi, a cru perdre son père », souligne la présidente.
Les policiers effectuent un rapprochement avec une autre procédure, ouverte le soir même pour vol en réunion, au même endroit. Ce soir-là, un équipage de la brigade territoriale de contact (BTC) Nord de Saint-Denis (Seine-Saint-Denis), en mission de sécurisation à hauteur de la porte de Paris, raconte avoir été débordé par le nombre de victimes détroussées sous le pont de l’A1. Lorsqu’ils interviennent — les ordres seront tardifs — une dizaine d’hommes sont en train de tabasser l’Espagnol au sol.
Dans la cohue, le téléphone de la jeune Espagnole tombe au sol. Daouda K. prend le temps de ramasser l’appareil. Avant de tomber nez à nez avec un gardien de la paix du commissariat d’Aubervilliers (Seine-Saint-Denis). Dans le box, le jeune homme, parfois difficile à comprendre, jure qu’il n’a porté aucun coup au père, et que ce n’est pas lui qui a traîné la fille sur plusieurs mètres, comme l’affirme pourtant le fils. « Je n’ai pas participé aux violences, j’ai juste ramassé le téléphone ! »
« Je ne voulais pas blesser le policier »
À la barre, le policier qui l’a interpellé confirme qu’il n’a pas vu le jeune homme porter de coups. « Il a profité du mouvement de foule pour récupérer le téléphone », assure le gardien de la paix, aux larges épaules et au crâne rasé. Le policier explique qu’en se débattant, pendant l’interpellation, Daouda K. lui a porté plusieurs coups de coude, ce qui lui a fracturé le pouce. « Je n’ai pas fait exprès. Je ne voulais pas le blesser », répète le prévenu.
Une fois menotté, le récalcitrant informe les policiers qu’il a en sa possession deux téléphones et une chaîne en or, qu’il dit avoir trouvés au sol pendant la soirée. Les enquêteurs font le rapprochement avec les faits dénoncés par un supporter britannique, qui raconte avoir été encerclé par trois à quatre personnes, qui lui ont dérobé son téléphone. « Oui, je reconnais ce vol, mais j’étais seul. Je ne connais pas les autres », lance Daouda K., déjà connu pour recel.
Interpellé trois mois et demi après les faits
Après les faits, ce livreur — par ailleurs consommateur régulier de cannabis et de Rivotril, un médicament prisé par les toxicomanes — est laissé libre, avec une convocation en poche pour se présenter au commissariat. Lui soutient s’y être bien présenté, mais qu’on l’aurait laissé repartir sans aucune suite. Il est ensuite recherché.
« Vous disparaissez de la circulation », gronde la présidente. Des surveillances sont mises en place, les enquêteurs l’interpellent le 15 septembre à Saint-Denis. À l’audience, la procureure a requis une peine de deux ans de prison ferme. Daouda K., a demandé « une deuxième chance ». Sa condamnation a été assortie d’un maintien en détention. Il est reparti dormir en prison.
2022-10-19 10:00:00
1697701138
#Chaos #Stade #France #prison #ferme #pour #avoir #détroussé #des #supporters #blessé #policier