Plus une trace devant la petite maison aux toits pointus, aux fenêtres fleuries de géraniums. Pas un seul indice d’un drame, ni du passage de la police ou des secours. Rien ne laisse supposer qu’un déchaînement de violence a éclaté dans la nuit du 5 au 6 juillet sur ce bout de trottoir de la rue Denfert-Rochereau à Vieux-Condé, une petite commune située à une poignée de minutes en voiture de Valenciennes (Nord).
Et pourtant ce mercredi matin, le fourgon gris métallisé d’une entreprise de pompes funèbres est garé devant la petite bâtisse aux murs de crépi blanc, probablement là pour organiser les funérailles de Philippe Mathot, 72 ans. Cette figure de la vie locale a succombé à ses blessures mardi, après avoir été violemment passée à tabac moins d’une semaine avant par un adolescent de 17 ans à qui il demandait simplement de baisser d’un ton.
Un fleuriste « charmant » toujours prêt à aider les autres
Une voisine nous explique comment elle a entendu du bruit cette nuit-là, bien après minuit. Comme la plupart des voisins, la vieille dame n’a rien vu de l’agression. Elle a juste tendu l’oreille à travers ses volets, sans sortir de chez elle. Puis elle a deviné les gyrophares qui illuminaient la rue. Comme les autres riverains de ce quartier résidentiel, dont les pavillons et les « maisons des mines » sont occupés en majorité par des retraités et des « dames seules », elle est choquée, terrifiée même, en pensant à ces coups poings et de pieds qui ont brisé la mâchoire, la pommette et le crâne de Philippe Mathot, laissé pour mort sur le trottoir.
Le voisinage est unanime. Tous louent ce voisin « serviable », qui n’hésitait pas à rendre service, donnait son numéro aux personnes fragiles pour être contacté en cas de pépin, s’occupait des colis de Noël pour les familles en situation de précarité de la commune, prêtait main-forte pour un déménagement… Un temps impliqué auprès du Centre communal d’action social (CCAS), « il a organisé des vacances pour les enfants dans le Périgord », sourit tristement l’une de ses « ouailles ». Tous se souviennent du monsieur souriant qui lançait toujours un signe de la main ou un « bonjour » à ceux dont il croisait le regard.
Voilà huit ans, Philippe Mathot décide de rendre les clés du Chalet, la boutique de fleurs qu’il a tenue des dizaines d’années avec sa femme. Une seule exigence, impose-t-il au nouveau fleuriste de la commune : « Il voulait que tous les employés soient repris. »
« Vous étiez une personne avec des valeurs profondes, dont l’objectif principal était d’aider les plus fragiles », « toute la ville est dans la douleur », « une belle personne », « un homme extraordinaire », « un commerçant charmant ». Des louanges à n’en plus finir noircissent les pages du livre d’or ouvert en mairie de Vieux-Condé depuis le drame. Une photo du défunt, le sourire discret, surmonte le pupitre où les habitants se relaient pour rendre hommage à Philippe Mathot, père de deux grands garçons et grand-père.
« Il aurait été élu maire haut la main »
Devant la porte de son pavillon social, à l’entrée de l’impasse qui fait face à la maison de Philippe Mathot, Bernard, un ancien boucher de 70 ans, tire sur son cigare en s’appuyant sur sa canne. Les deux commerçants de Vieux-Condé se connaissaient depuis trente ans, conte Bernard. « On ne peut pas trouver plus gentil, il était dévoué. Il ne disait pas un mot plus haut que l’autre. ». Pour l’ex-boucher, pas de doute : « Si Philippe avait voulu faire de la politique, il aurait été élu maire haut la main. »
Alors, la question revient dans la bouche de tous ceux qui se disent « révoltés » par ce drame. Pourquoi ? Pourquoi un adolescent s’en serait-il pris à Philippe Mathot, ce « monsieur qui n’avait rien demandé », et qui a été « massacré gratuitement » ? « C’est sûr qu’il n’a pas été à la confrontation. C’est même étonnant qu’il soit sorti de chez lui ce soir-là », s’étonne une voisine. « Il a tellement fait pour les jeunes. Pour lui, ça devait être inconcevable qu’on s’en prenne à lui comme ça », assure-t-on encore au café du coin.
Dans la nuit du 5 au 6 juillet, Philippe Mathot entrouvre une fenêtre peu après 23 heures : les trois garçons qui traînent au pied de chez lui peuvent-ils être moins bruyants ? La nuisance semble s’être poursuivie puisque le septuagénaire se décide à ouvrir le grand portail en bois de sa maison pour sortir dans la rue. La soirée est déjà bien avancée, peut-être a-t-il été exaspéré par les aboiements de ses deux gros chiens, excités par le boucan des jeunes ? « Une altercation éclate », livrent ces derniers en garde à vue, comme le rapporte ce mercredi soir par la procureure de la République de Valenciennes.
« Un premier coup est porté au visage » et Philippe Mathot chute au sol. Les coups de poing et de pieds continuent. Il sera découvert, en état de mort cérébrale, par un automobiliste, qui préviendra les pompiers à 00h20. Son agresseur et ses acolytes ont pris la fuite. Quelques heures plus tard, avec l’aide de témoignages, les policiers de la sûreté urbaine de Valenciennes interpellent un jeune homme de 18 ans. Il reconnaît avoir assisté à la scène sans intervenir. Il identifiera l’auteur des coups, ainsi qu’un collégien de 14 ans, qui, lui non plus, n’a pas tenté d’interrompre son acolyte. Rien n’explique quelles étaient les intentions des mineurs, originaires d’une commune voisine et inconnus de la justice jusque-là.
« Il est en 5e, il a redoublé », ricanent deux collégiennes qui traînent dans les rues du Vieux-Condé, un peu déserté en ce début de vacances scolaires. Le collégien, que l’un des proches de sa famille nous décrit comme un garçon « énergique » mais « qui se faisait embêter par les autres à l’école », semble avoir alors bien changé. L’une des deux copines, qui était en cours avec lui, décrit le plus jeune des mis en cause comme quelqu’un qui « fait la racaille », « traîne avec des 3e » et « cherche la bagarre ».
L’adolescent de 17 ans a été mis en examen et placé en détention provisoire pour « tentative de meurtre » (qualification retenue avant que la victime ne succombe). Les deux autres sont quant à eux poursuivis pour « non-empêchement de commettre un crime et un délit » et « non-assistance à personne en danger » dans le cadre de l’information judiciaire qui devra déterminer l’implication exacte de chacun dans cette affaire, pour laquelle le ministre de l’Intérieur, Gérald Darmanin, a averti : « Ce drame ne restera pas impuni. »
2023-07-12 22:38:00
1689195250
#Chagrin #indignation #VieuxCondé #après #mort #Philippe #ans #massacré #gratuitement