Nouvelles Du Monde

Cergy : salaires non versés, factures impayées… l’association Du côté des femmes au bord du gouffre

Cergy : salaires non versés, factures impayées… l’association Du côté des femmes au bord du gouffre

« L’association s’est beaucoup développée, sans doute trop rapidement… » Les membres du conseil d’administration de l’association Du côté des femmes ne lâchent plus leur calculette, enchaînant les réunions et dessinant des plans de bataille pour essayer de sortir du rouge écarlate.

Mardi soir, une promesse de déblocage exceptionnel de fonds, émanant de la direction départementale du travail de l’emploi et des solidarités, a allumé un nouvel espoir, en offrant une bouée de sauvetage provisoire. L’enjeu est de taille : il s’agit de pouvoir continuer à aider des centaines de femmes victimes de violence dans le département.

« L’an passé, nous avons déjà eu trois retards de paiement de salaires »

L’association née à Cergy, qui s’apprête à fêter ses quarante années d’existence, est aujourd’hui la plus importante structure de soutien pour les Val-d’Oisiennes en danger et leurs enfants. Elle gère notamment 223 places d’hébergement réparties sur le territoire et vient même de s’étendre dans les Yvelines (où 30 nouvelles places d’accueil et dix appartements accueillent des victimes depuis peu).

Mais la structure se trouve dans une situation financière critique et ses 65 salariés ont déjà aujourd’hui bien du mal à continuer d’assurer leurs missions.

Jean (le prénom a été modifié)travailleur social, regarde ainsi chaque jour son compte bancaire pour savoir si son salaire du mois de janvier lui a été versé. « L’an passé, nous avons déjà eu trois retards de paiement de salaires, normalement réglés le 26 du mois, explique-t-il. Pour ce mois de janvier, lors d’une réunion extraordinaire on nous a dit qu’au mieux nos salaires seraient virés sur nos comptes avec huit jours de retard, au pire pas du tout… On nous a annoncé certainement un redressement judiciaire », poursuit ce salarié, qui a été contraint de ponctionner son compte épargne.

Lire aussi  Les troupes de Tsahal sont prises sous le feu en Cisjordanie, tirent et auraient tué 3 hommes armés

Des salariés découragés

Un de ses collègues confirme : « Je suis découragé, dépité. Je n’ai même pas envie de travailler, mais j’ai des engagements vis-à-vis des femmes qui ont besoin de nous », confie cet éducateur spécialisé en se demandant comment il va boucler son mois.

« Je n’ai qu’un salaire pour joindre les deux bouts et j’ai un loyer de 1 000 euros à régler. Pour le moment, je pioche à droite à gauche dans mes économies, mais cela ne va pouvoir durer. Et puis le fait de se demander comment on va finir le mois, on l’a constamment en tête et en même temps, on doit accompagner les femmes. »

Difficile dans ces conditions de se mobiliser entièrement au travail. « On a demandé à avoir deux jours de télétravail pour éviter les frais d’essence, mais le présentiel est indispensable », explique un éducateur.

Une autre salariée ajoute : « Depuis des mois, c’est compliqué d’avoir 50 ou 80 euros pour acheter un micro-ondes ou faire un double de clés. Du coup, il y a des femmes qui sont dans des appartements sans micro-ondes. D’autres logements ne peuvent pas être meublés. Les fournisseurs ne sont pas payés depuis des mois », explique la jeune femme, pas vraiment « étonnée de la situation. C’était programmé. Je suis très en colère et très déçue », poursuit-elle, avançant des erreurs de gestion.

Lire aussi  CHARTRES - Lecture théâtralisée : Pinocchio

« Nous n’avons pas su maîtriser nos dépenses »

Sans se voiler la face, le conseil d’administration assume ses responsabilités. « Nous n’avons pas su maîtriser nos dépenses, nous avons sans doute été imprudents en lançant de nouveaux dispositifs », admet André Martin, membre du conseil. Le budget de 5 millions d’euros de l’association est alimenté aux trois quarts par des subventions d’État, le reste étant versé par les collectivités locales (les villes de Cergy et Sarcelles, et le département).

Comme partout ailleurs, les subventions nationales ne sont disponibles qu’à partir du mois d’avril. « D’habitude nous avons de la trésorerie pour tenir, mais là elle a fondu pour diverses raisons. »

La ministre Elisabeth Moreno avait inauguré en novembre 2021 la maison des femmes de Sarcelles, gérée par l’association Du côté des femmes. LP/Frédéric Naizot

La période Covid a plombé temporairement le bilan financier du pôle formation de l’association ainsi que son programme d’insertion par l’emploi. À la même période, le besoin de création d’une nouvelle structure d’urgence est apparu. Un accueil 24 heures sur 24 des femmes victimes de violences conjugales a ainsi été créé depuis deux ans, mais sans que la totalité des fonds nécessaires soient réunis.

Lire aussi  La Pennsylvanie a besoin de règles plus strictes sur les feux d'artifice

« Auparavant, nous arrivions toujours à trouver des financements supplémentaires pour boucler nos projets, que ce soit par le mécénat ou avec le dispositif Un rien c’est tout (qui propose de faire un don en arrondissant les sommes lors des paiements en caisse par CB). Mais cette fois-ci, cela n’a pas marché », souffle André Martin, qui n’exclut pas le spectre d’un redressement judiciaire.

Vers une suppression de postes ?

Les membres du conseil d’administration planchent désormais à temps complet pour trouver des solutions dans l’urgence et sur le long terme. Négociations avec les banques, recherche de fonds auprès de partenaires privés, réduction des coûts, toutes les pistes sont explorées y compris celle de la vente du siège (des bureaux situés à Cergy).

Certains salariés redoutent que cette recherche d’économies ne se traduise également par une menace sur leur emploi. « Le conseil d’administration cherche une solution pour régler nos salaires de janvier, mais après ? interroge une autre. Est-ce que des postes vont être supprimés, des hébergements fermés, l’accompagnement va-t-il être modifié ? Je ne le souhaite pas. L’association est très importante dans le département. Elle est reconnue pour son travail. »

Déjà, des mesures d’économie ont été prises lors de l’année écoulée. « Le poste d’éducatrice jeunes enfants a été supprimé à Sarcelles en septembre dernier, après des mois de vacance », indique un salarié. « La psychologue, prestataire pour l’association, a également été remerciée, tout comme les CCD, qui ont pris fin en décembre. »

Facebook
Twitter
LinkedIn
Pinterest

Leave a Comment

This site uses Akismet to reduce spam. Learn how your comment data is processed.

ADVERTISEMENT