Dans quelles conditions Bounouar Kellouche s’est-il retrouvé à la rue le 3 décembre dernier ? Cet homme de 58 ans n’a pas pu regagner le modeste bungalow dans lequel il s’était installé dans le quartier des Vignes, à Bobigny (Seine-Saint-Denis). L’abri de fortune a été entièrement détruit, les murs arrachés. Lui s’est retrouvé à l’hôpital avec une côte cassée après, raconte-t-il, avoir été violenté par le nouveau propriétaire du terrain. Il a déposé plainte.
Depuis, l’homme, qui a d’abord trouvé refuge aux urgences de l’hôpital Avicenne avec d’autres SDF, a été pris en charge par plusieurs associations locales — dont Adezivv, présidée par Yasmina Chalois. Ce samedi après-midi, la responsable associative, accompagné par le représentant d’un cabinet d’avocats, est allée demander des comptes… à la présidente du Secours populaire de Bobigny, Zohra Marouf, qui est également la mère du nouveau propriétaire du terrain situé en face de chez elle.
Une expulsion illégale ?
Sa famille a-t-elle expulsé ce squatteur en dehors de toute disposition légale ? Le terrain avait été acquis le 14 septembre dernier. « On a dit à [Bounouar] : tu peux aller et venir ici jusqu’au 1er décembre, pour récupérer tes affaires. Il y revenait de temps en temps, mais il n’y habitait plus », a défendu celle qui fut cheffe du cabinet de la maire (PCF) de Bobigny, Catherine Peyge, dans un échange auquel nous avons pu assister sur place.
Le 3 décembre, Bounouar raconte à l’inverse qu’il rentrait « chez lui » lorsqu’il a vu toutes ses affaires répandues sur la voie publique. Dans le procès-verbal de la plainte que nous avons pu consulter, il explique que le fils de ses voisins a commencé à le molester : « Tu ne vas pas t’en sortir comme ça, aurait-il prévenu. Il m’a ensuite mis une gifle et m’a violemment poussé. »
Le quinquagénaire, chétif, perd l’équilibre et tombe au sol. Dans sa chute, il se fracture une côte. Il ajoute que « les parents m’ont ensuite insulté en disant à leur fils : Laisse-le, c’est un chien. » Douze jours d’ITT (incapacité temporaire de travail) lui ont été prescrits.
Pour Zohra Marouf, son fils « s’est simplement défendu. Il l’a repoussé, le monsieur est tombé au sol et il a simulé comme jamais je n’ai vu quelqu’un simuler… Il a commencé à se taper la tête contre le sol. »
Elle assure qu’au contraire, c’est elle qui a « a appelé la police car [Bounouar Kellouche] a tenté de frapper [son] fils avec une boîte aux lettres. Il a une balafre et a déposé une plainte au commissariat. »
Face aux accusations de l’avoir laissé à la rue, elle livre une tout autre version des faits : « Cet homme était dans une situation de très grande précarité et je m’en suis occupée pendant un an, a-t-elle expliqué. J’ai tout fait pour lui : je l’ai aidé, je lui ai apporté à manger, donné des affaires pour s’habiller, je lui ai acheté ses cigarettes, égrène-t-elle. Je l’ai emmené dans une association pour qu’il puisse se doucher, recharger son téléphone… »
« Il n’aurait pas dû quitter les lieux avec une claque et douze jours d’ITT »
Bounouar Kellouche, qui se présente comme un ex-professeur en sciences sociales en Algérie, est arrivé en France en avril 2022, missionné par ses voisins dans son pays d’origine, la famille Belaïdi. « J’avais pour mandat de régler la succession de mon voisin décédé en Algérie dans la ville de Tlemcen », raconte-t-il. En France, elle portait essentiellement sur la vente de ce terrain de Bobigny. En attendant, il pouvait y occuper le petit bungalow.
« Quand nous avons signé la vente devant le notaire et l’avocat du propriétaire, ils ont attesté qu’il n’y avait plus personne sur le terrain », a assuré Zohra Marouf. Bounouar Kellouche affirme, lui, n’avoir jamais quitté l’abri : « Quand bien même vous vouliez qu’il sorte, vous êtes présidente du Secours populaire, apportez-lui une alternative ! » s’est exclamée Yasmina Chalois, qui rappelle que « s’il n’était pas parti, il aurait fallu un avis d’expulsion ordonné par le tribunal. Il n’aurait pas dû quitter les lieux avec une claque et douze jours d’ITT. »
Bounouar Kellouche indique également que ses voisins devaient lui verser 30 000 euros en guise de rémunération pour sa mission de mandataire. « Un versement de 7 500 euros en liquide m’a été fait en septembre, puis ils m’ont dit de patienter », rapporte le quinquagénaire.
Zohra Marouf, a, de son côté, démenti tout accord avec lui. D’après elle, le propriétaire du terrain lui avait même « retiré le mandat de la vente » pour le confier à un avocat installé à Pantin : « C’est à ce moment qu’il a commencé à vriller. »
2023-12-10 19:02:00
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