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Benoît, le “saint maure” qui a ensorcelé Palerme (et maintenant son église brûle) – Corriere.it

Benoît, le “saint maure” qui a ensorcelé Palerme (et maintenant son église brûle) – Corriere.it

2023-07-31 22:58:54

De GIAN ANTONIO STELLA

Fils d’esclaves, il vécut au XVIe siècle. Modèle d’obéissance, l’Église a encouragé le culte que nous vivons aujourd’hui en Amérique du Sud. L’église palermitaine qui abritait ses vestiges est en feu

J’ai fait le signe de croix avec la relique sur la poitrine de mon fils, que j’ai vraiment et naïvement jugé mort à cause de la pâleur de son visage et de la froideur de ses membres. Par signe qu’il l’avait, je peux dire que l’enfant est ressuscité et est revenu d’entre les morts à la vie, car il a immédiatement poussé un cri et s’est mis à pleurer un peu. C’était un matin de janvier 1624, témoins Fra Giovanni da Messina lors du procès de béatification, et il a juré que oui, il lui suffisait de mettre ce morceau de l’habit de Fra Benedetto sur le garçon de trois ans qui venait de mourir et tout le monde autour avait commencé à pleurer et à crier pour un miracle.


Comment en douter ? Il y en avait deux cent vingt-trois, raconte l’historienne Giovanna Fiume, auteur du livre Il Santo Moro. Les procès de canonisation de Benedetto da Palermo, publiés par Franco Angeli, les hommes et les femmes dont dix médecins, trente-neuf frères, douze tertiaires et douze prêtres qui se sont précipités pour témoigner devant la commission ecclésiastique des vertus narcotiques de ce que le peuple de Palerme avait déjà fait un saint immédiatement. ET 90 miraculeusement guéris ont été répertoriés pour 44 types de guérison : 13 cas de paralysie des membres, 10 de morts ressuscités, 9 d’hernie, 7 d’hydropisie, 7 de cécité, 6 de fistules et postèmes, 6 de complications d’accouchement, 5 de scrofule… Et ainsi de suite.


Il fallut pourtant plus de deux siècles, de sa mort en 1589 à 1807, pour que le frère sicilien, béatifié en 1743, soit officiellement doté, d’une bulle pontificale, de l’auréole qui figurait déjà depuis quelque temps dans toutes les images iconographiques. À commencer par ceux d’Amérique du Sud où El Santo Negro a toujours été parmi les saints catholiques les plus populaires et les plus aimés. Au point que la nouvelle de l’incendie qui a ravagé l’église de Palerme ces derniers jours qui abritait les reliques du saint, c’est-à-dire le couvent de Santa Maria di Ges, sur les pentes du Monte Grifone sur lequel se dresse le célèbre cyprès de San Benedetto, l’un des plus anciens d’Italie, ayant survécu aux flammes, a touché le cœur des des millions de fidèles de la moitié du monde, de Cuba aux Philippines.

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Mais commençons par le début. Né en 1524 à San Fratello, sur les Nebrodi dans la province de Messine, Benedetto était fils de deux des nombreux esclaves africains qui se sont retrouvés en Sicile à l’époque de la traite des Barbaresques qui en Méditerranée impliquait pour l’historien Robert Davis au total, sur les deux rives, plus d’un million de personnes. Son père Cristofalo vaccaio et homme bon appartenait à la famille Manasseri, sa mère Diana à la famille Larcan et, selon l’histoire peu à peu élaborée par des hagiographes comme Antonino Randazzo, ils étaient des descendants d’Ethiopie mais bien qu’ils soient noirs ils étaient bien nourris et ils étaient de bons chrétiens et craignaient Idio.

Au point que le garçon, à l’âge de vingt ans, rencontre par hasard un ermite franciscain déjà réputé pour sa sainteté, Geronimo Lanza, choisit de tout quitter et le suit dans diverses pérégrinations jusqu’à porter l’habit et devenir tertiaire (ceux qui sont dans le monde) au couvent de Santa Maria di Ges. Où, malgré des tâches humbles comme celle de cuisinier, parmi les plus humbles, il s’est évidemment forgé une réputation d’homme de grande foi en contact direct avec ceux d’en haut, au point d’exercer autour de lui une inimaginable fascination. D’autant plus, alors, pour une personne noire décrite, pour une pureté religieuse candide, avec des mots extatiques : Notre saint blanc noir en Dieu.

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Il est certain qu’avec sa réputation de sainteté, le frère a conquis Palerme au point que, écrit Giovanna Fiume, déjà en 1608 ses images ont été vendues dans la ville et en 1611 l’Inquisition a autorisé ses portraits avec les splendeurs sur sa tête jusqu’en 1562 le Le Sénat de Palerme décide de compter le frère, non encore canonisé, parmi les saints patrons de la ville et demande au pape de reprendre et d’accélérer le processus de béatification. Et de la Sicile espagnole le nom du saint esclave et noir elle rayonne et se répand dans tout le monde colonial catholique, notamment en Espagne et au Portugal. Jusqu’à gagner le pauvre d’origine africaine, comme le rappelait Vincenzo Consolo dans le Corriere, une série de définitions : El negro mas prodigioso et Ethiopian Moro, Black lily, Exotic flower, Erudite idiot, Ignorant sabio, Negrillo precioso, Varon insigne, Prodigious Negro de los Cielos….

Pas seulement, il faut le dire, pour la stature de l’homme de foi. Mais parce que, explique l’historien de Palerme, il était le bon exemple de vertu à signaler à tous les esclaves, les noirs, les serviteurs des maîtres : L’exemple d’un esclave obéissant, pieux, industrieux et toujours souriant dans la certitude que, aussi cruel que soit le monde et l’effroyable esclavage, toute injustice, toute arrogance, tout abus sera toujours compensé par le Paradis conquis sur le chemin de la souffrance. Et cette idée a fait une telle percée dans le monde colonial qu’à un certain moment en 1716, face aux perplexités d’une partie de l’Église qui ne voit pas d’un bon œil la vénération de saint Benoît et en même temps que certains résidus d’anciens cultes africains, Le Père Alessio della Solitude met en garde les perplexes : La vénération des chrétiens éthiopiens au plus haut degré (…) pour être ce saint de leur Nation et reconnaître qu’eux aussi peuvent être des saints : les pères placent le nom de Benoît sur leurs enfants pour mieux les exciter à la dévotion et si celle-ci était abolie, les noirs supposeraient que l’interdiction était promue à la honte et au mépris de ceux-ci, comme de couleur noire, ou même ils se donneraient à croire qu’aucun de la nation noire ne pourrait atteindre le rang de Saint.

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Une thèse que vous donnez et donnez, quoique d’autres décennies plus tard, passée. Et encore aujourd’hui San Benedetto, pour les Ibères San Benito, vénéré non seulement à Buenos Aires où il y a précisément la municipalité qui tire son nom de l’Abadia San Benito de Palermo (le quartier où vivait Jorge Borges) mais dans toute l’Amérique du Sud, du lac Maracaibo au Venezuela au nord-est brésilien, où San Benito est aussi le Saint de la libération, de la joie, de la danse.

Restez plutôt un peu en retrait, juste à Palerme. Où tous les honneurs populaires sont réservés à Santa Rosalia. Qui a même deux célébrations somptueuses. La Fête de Santa Rosalia qui vient de célébrer à la mi-juillet le 399e anniversaire de la fin de la peste de 1624 et l’ascension (la fameuse Acchianata) au Sanctuaire de Monte Pellegrino où selon la légende se trouvait la grotte mythique qui dans le 12ème siècle aurait abrité la jeune fille fuyant le marié que son père lui avait procuré. Un sanctuaire d’or étincelant. Digne d’un saint blanc, vierge, sicilien nommé d’après la peste Prima Patrona mettant de côté ensuite les quatre Santuzze précédents (Sant’Oliva, Santa Cristina, Santa Ninfa et Sant’Agata) mais surtout San Benedetto. Putain oui mais la pauvre…

31 juillet 2023 (changement 31 juillet 2023 | 21:57)



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