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Avant son départ loin de Chartres, Christine, la gérante du bar Le Rustic livre ses souvenirs

Avant son départ loin de Chartres, Christine, la gérante du bar Le Rustic livre ses souvenirs

C’est l’histoire d’une comptable agoraphobe qui ne boit pas d’alcool et qui tire aujourd’hui sa révérence en tant que patronne de l’un des bars les plus populaires de Chartres. Mais ce serait trop simple de se rendre à l’arrivée du parcours sans envisager les nombreux détours que le chemin de Christine a dessinés.

Depuis onze ans qu’elle gère le Rustic, Christine Cottaz, est devenue une figure du monde de la nuit chartraine. Car le Rustic, c’est un de ces lieux dont on connaît autant le nom de la gérante que celui de l’établissement, ce qui donne toujours un peu la sensation de s’inviter chez une amie. Elle décrit :

« Des petits jeunes venaient chez moi alors qu’ils avaient à peine vingt ans, et dix ans plus tard, ils se donnent toujours rendez-vous ici pour se retrouver. »

Christine Cottaz (patronne du Rustic)

Alors que l’entretien se déroule autour d’une table de sa terrasse, elle est interrompue dans ses confidences par pas moins d’une dizaine de personnes qui la saluent et cherchent la conversation. « Je vois des clients qui vont bientôt partir, car je ne suis pas allée papoter avec eux », sourit-elle en soufflant la fumée de sa cigarette.

La route était loin d’être toute droite tracée quand Christine, née en 1964 à Digny, s’éloigne de sa famille et commence des études en dactylographie à l’école Pigier, avec sa fille, Aurélie, dans le landau. « J’avais à peine 20 ans. »

Elle sera finalement comptable, dans l’entreprise de BTP de son ex-mari. La famille déménage à Fruncé en 1989, pour s’éloigner de la pollution de la région parisienne et soulager les crises d’asthme d’Aurélie. « Ma vie tourne autour de mes enfants », déclare-t-elle, le menton haut.

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Le métier de Christine lui convient : « Je suis agoraphobe. Ça se manifeste par des angoisses et des vertiges qui vont parfois jusqu’au malaise quand je me sens oppressée par le monde autour », explique-t-elle, en agitant son chignon flou. Elle développe :

Jusqu’au jour de la séparation. « Là, tu te prends une tarte : plus de mari, plus de maison, plus de boulot. » Entre temps, la famille s’est agrandie : Sébastien et Benjamin, ont rejoint leur aînée, en 1987 et 1993.

Le premier soir, Christine descend à la cave pour respirer

Passionnée de guitare, elle s’arme de courage et réussit à se payer des cours auprès d’un ami, Fred. « C’est lui qui m’a amenée au Rustic pour la première fois. » Elle a 46 ans, le bar est à vendre, elle l’achète, avec sa fille et son gendre. Pour aller de l’avant, « rebondir ». « Je n’ai pas eu une vie facile, ça a toujours été dans ma nature, d’être une battante. Et puis, il est traversant, il y a une entrée et une sortie… » Vision rassurante d’une échappatoire qui calme sa phobie. Son premier jour de travail, c’était avec Jean, le mari, aujourd’hui décédé, d’Aurélie. Un souvenir émouvant ? « C’était horrible ! », s’exclame-t-elle. Le premier soir, Christine descend à la cave pour respirer. Et petit à petit, elle a refait surface.

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Ce bistrot qui a résisté aux bombardements de la Seconde Guerre mondiale, à l’étroit entre deux bâtiments plus grands que lui, elle le modèle à son image : elle le rend accueillant. Les vieilles tomettes au sol sautent, des toilettes neuves sont installées. C’est important car « avant, la clientèle, ce n’était presque que des mecs. Le bar est sombre et la ruelle derrière… ça faisait un peu un coupe-gorge. » Sa musique préférée, c’est le reggae, mais chez elle, la tablette branchée aux enceintes est déverrouillée pour tous et l’ambiance musicale est à l’image de la clientèle : éclectique. « On reçoit des étudiants, des gens seuls… et puis à partir de onze heures, tout le monde se mélange. »

Derrière l’historique façade du pub, se trouve un appartement à l’étage. Christine l’utilise « pour dépanner des gens dans le besoin ». Elle décore le troquet, une touche du Sénégal sur les murs, pays où elle part en vacances environ deux fois par an depuis trente ans.

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La nature et les animaux l’aident à respirer

À Nianing, elle aime les rapports entre les gens, elle y retrouve « l’essentiel », cela veut dire pour elle, la proximité familiale. Et puis « les enfants et les animaux sont partout », les seuls êtres avec lesquels elle dit se sentir bien.

La vie à la campagne, c’est ce qui lui a plu lorsqu’elle a posé ses valises en Eure-et-Loir. « Il faut que je me lève avec le chant des oiseaux. À la maison, on avait toujours des lapins, des cochons d’Inde… Aurélie est montée à cheval avant de savoir marcher. Moi, avant, j’en avais peur… » Vous devinez la suite ? À côté de sa maison, à Jouy, se tient une écurie, où dorment en ce moment 26 chevaux. La majeure partie ne lui appartient pas, c’est sa fille qui prend soin des montures des éleveurs. Mais la mère de famille n’est jamais bien loin : « J’ai besoin d’être écoutée par les animaux pour écouter les gens au Rustic. » Question d’équilibre. À la campagne comme à la ville, Christine s’impose une « hygiène de vie carrée ». « Si tu veux bien tenir un bar, il ne faut surtout pas boire. »

Un héritage… et une transmission

Il y a quelque chose qui revient systématiquement dans le discours de Christine, qui travaille aujourd’hui avec sa fille, c’est la transmission. Elle affirme :

« C’est une histoire de famille, le Rustic ! Et ça a toujours été. On va à l’essentiel quand on travaille en famille. Avant moi, c’était Jeff qui tenait le bar, avec sa femme et sa fille. »

Christine Cottaz (patronne du Rustic)

Et après ?

Le quotidien de la gérante est chamboulé alors que l’épidémie de Covid-19 fait confiner la France. Soucieuse de n’avoir « rien à faire » les premiers temps, Christine, aujourd’hui grand-mère de quatre petits-enfants, découvre le plaisir de profiter des siens. Premier déclencheur : « Je me suis aperçue qu’il y avait une autre vie ». Puis, ses problèmes de santé et ceux d’Aurélie allument les voyants rouges, « même si ma tête a encore 20 ans », assure-t-elle.

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La décision est prise : Christine et sa petite famille s’installeront dans l’avenir près de la frontière espagnole. Ils ouvriront peut-être une guinguette, ou travailleront avec les chevaux. Le regard droit, elle confie :

« J’ai tout aimé du Rustic. Ça m’a épanouie. Je pars avec de gros regrets. C’est une lueur d’espoir pour les agoraphobes. »

Christine Cottaz (patronne du Rustic)

Quant à la succession, elle soutient : « Ce que je veux, c’est que ça reste en famille. » Alors avant l’automne, elle passera la main à un autre duo mère-fille chartrain : Nolwenn Chivard, une serveuse avec qui elle travaille régulièrement depuis huit ans, qui rachète le commerce avec sa mère, Sylvie Quouillault. D’ailleurs, le nom du bar, dont Christine a hérité, ne changera pas : « C’était la condition. »

Avant de tourner la page, Christine organisera des concerts d’adieu avec les musiciens qu’elle a si souvent invités à se produire devant ses clients. La boucle est bouclée. Alors est-ce le bar qui porte en lui l’empreinte de la matriarche ou, finalement, est-ce Christine qui était faite pour les lieux ? À l’image de la façade, colorée et authentique, qui se tenait là au commencement de ce qui fut une petite rue de la Soif, à l’image de ses clients, fidèles et francs, Christine a donné une âme au Rustic qui demeure dans les murs et les mémoires des noctambules.

La façade du bar Le Rustic est un de ces des bâtiments, témoins d’un autre temps, que l’on contemple en flânant dans les rues de Chartres. Alors que sa propriétaire s’apprête à s’envoler vers une nouvelle vie, elle a retrouvé dans ses tiroirs d’anciens documents de facturation pour les clients de ce qui était auparavant une épicerie qui faisait aussi buvette. Sur l’en-tête des papiers, on peut lire « La Vieille Maison du Café, fondée en 1859 – Léon Dollon ». Protégée entre deux constructions plus hautes qu’elle, la bâtisse a ensuite résisté aux bombardements de la Seconde Guerre mondiale, avant de devenir, un bar où se trouvait une salle de jeux, avec billard et flipper.

Léa Trottier
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