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Aux prud’hommes de Bobigny, les délais s’étirent et les justiciables désespèrent

Aux prud’hommes de Bobigny, les délais s’étirent et les justiciables désespèrent

Il était salarié d’une compagnie aérienne basée à l’aéroport de Roissy, jusqu’à l’été 2018. Puis, il a perdu son travail. Licencié, sans indemnité ni préavis. L’homme a saisi les prud’hommes de Bobigny trois mois après pour contester les conditions dans lesquelles il a été renvoyé. Depuis, il attend : « La première audience doit avoir lieu en février 2020. C’est long. C’est déjà difficile de retrouver un emploi quand on se fait licencier. J’ai besoin de ce procès pour tourner la page. »

Ce témoignage, parmi tant d’autres, illustre les lenteurs de la justice du travail en Seine-Saint-Denis. Le tribunal des prud’hommes, c’est cette juridiction que tout salarié peut saisir, pour contester un licenciement, réclamer des salaires non payés, dénoncer un harcèlement moral…

Mais au conseil de Bobigny, deuxième de France après Paris en nombre d’affaires, la mécanique est grippée. Justiciables, avocats et conseillers pointent la « désorganisation » du greffe, privé depuis deux ans d’un directeur adjoint, et qui compte d’autres postes vacants et arrêts maladie non remplacés. « Ce n’est pas une mise en cause du personnel, mais le manque de contrôle et d’organisation aboutit à des tensions », estime une conseillère prud’homale. Or, le service occupe, comme dans n’importe quel tribunal, une place déterminante : il programme les audiences, met en forme les jugements par écrit, envoie convocations et décisions…

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Dossiers fantômes et audiences annulées faute de salle

Les couacs se sont multipliés au cours de la dernière période. Une conseillère prud’homale raconte par exemple cette audience annulée… faute de salle disponible. « Ce jour-là, un avocat avait fait le déplacement depuis Lyon et une dame était venue d’Ukraine. » Une autre parle de ces « dossiers fantômes », perdus ou incomplets : « Le courrier est ouvert par des stagiaires ou des vacataires, ce qui a pour conséquence la disparition de certains documents ». En décembre, faute de greffiers en nombre suffisant, le guichet d’accueil est resté fermé à plusieurs reprises.

Il y a enfin cet énorme retard dans l’envoi des jugements par courrier aux parties concernées. C’est sur la foi de ce document, et de ce document seul, que les justiciables peuvent obtenir le versement d’indemnités ou faire appel. Dans certaines circonstances, l’absence de notification écrite peut rendre le jugement caduc. « En section commerce, les notifications n’ont pas été faites depuis juin », glisse une conseillère.

L’avocate Houria Amari pointe un « énorme problème » rencontré lors d’un référé, procédure en urgence. « J’ai saisi les prud’hommes le 16 mai, pour quelqu’un qui vit à la rue, qui réclame des salaires impayés. J’ai plaidé fin juillet. Le délibéré a eu lieu le 11 octobre, mais nous n’avons jamais reçu le courrier du jugement. Il a fallu aller le chercher au tribunal, début décembre. En principe, cette affaire aurait dû être réglée en deux mois. »

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Deux ans d’attente avant la première audience

Me Elodie Chevreux représente 121 salariés qui réclamaient eux aussi leur paye : audience en février, jugement rendu en juin… « Ils savent qu’ils ont perdu et veulent faire appel. Cinq d’entre eux seulement ont reçu la notification, à ce jour. » Elle cite encore cette affaire qui devait être dépaysée au tribunal de Créteil : la transmission du dossier depuis Bobigny a pris… 16 mois. Entre-temps, la salariée qui avait attaqué son employeur pour discrimination a été licenciée.

« Ce n’est pas satisfaisant, mais ces deux derniers mois, cela va un peu mieux », assure Cherif Maloum, président (employeur) du conseil en 2019. Qui souligne même un progrès : les renvois, qui allongent la procédure, sont moins nombreux. « Ça ne concerne plus qu’une affaire sur 7 (16 %) contre une sur trois en 2017. »

Mais alors que les salariés sollicitent moins les prud’hommes depuis quatre ans (3 431 affaires nouvelles en 2019, contre plus de 5 000 en 2016), les délais s’étirent à nouveau. Un justiciable devra patienter deux ans en moyenne à Bobigny (contre 18 mois à Paris, 21 mois à Créteil ou à Meaux). « Paris traite trois fois plus d’affaires, mais avec six fois plus de greffiers. Nous souhaitons avoir des greffiers dans toutes nos sections d’activités », explique Chérif Maloum.

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Et une donnée nouvelle ravive l’inquiétude. En janvier, les greffes des tribunaux de grande instance, d’instance et des prud’hommes doivent fusionner.

Du côté du ministère de la Justice, on souligne que le greffe de Bobigny a été renforcé de 5 postes supplémentaires en 2019. Et on assure que la réforme de la justice annoncée doit « permettre un renforcement des greffes les plus fragiles en assurant une meilleure répartition des effectifs […] ainsi que de substantielles économies d’échelle sur les fonctions support et administratives. »

« On mutualise le personnel alors qu’il faut une expertise pour traiter les dossiers des prud’hommes ? Il y aura forcément un perdant et ce sera notre conseil », peste une juge prud’homale.

Une avocate met en cause l’impartialité d’un juge prud’homal.

2019-12-26 11:00:00
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