Pour son deuxième roman, l’écrivaine belge d’origine turque, Mehtap Teke, explore les liens toxiques d’une amitié entre deux femmes. Écrit à la manière d’un huis clos à suspense, l’histoire de “Au hasard heureux” se déroule à New York.
Mehtap Teke est née en 1982 dans une famille ouvrière d’origine turque. Elle a grandi dans la ville de Charleroi, en Belgique. Après des études de journalisme et de communication, elle est partie travailler à New York au début des années 2000. Elle vit aujourd’hui à Dubaï. En raison de ses origines et de ses divers voyages, l’écrivaine connaît très bien le sentiment d’expatriation et de solitude.
C’est la raison pour laquelle Adelaïde et Hiba, les deux héroïnes de son roman “Au hasard heureux”, sont, elles aussi, des étrangères à New York. C’est cette solitude qui va les réunir et les pousser à fonder une sorte de duo à l’apparence indéfectible.
Coup de foudre à New York
Adelaïde a vingt ans lorsqu’elle fuit la capitale française après avoir échoué à son entrée aux Beaux-Arts. Elle trouve refuge auprès de son ami Rachid qui habite New York. Il travaille dans une agence de communication spécialisée dans les cartes de vœux. Lorsque le roman commence, Adelaïde y exerce un travail de graphiste.
Un jour, elle tombe nez à nez avec Hiba, une femme à l’allure singulière. Sensible à son charisme et à son érudition, Adelaïde est immédiatement happée. Elles découvrent qu’elles sont voisines. Rapidement, leur relation se tisse. Elles dînent ensemble sur le toit de leur immeuble, prennent l’habitude de se soûler ensemble, alors qu’Adelaïde ne boit pas. Une histoire d’amitié intense s’installe.
Une emprise amicale
Écrit à la première personne du singulier, le roman épouse les pensées d’Adelaïde, en proie à des émotions qu’elle n’a jamais ressenties.
“J’avais le sentiment d’être redevenue une adolescente partie rejoindre l’élu de son cœur.” – Extrait de “Au hasard heureux” de Mehtap Teke
A la manière d’un huis clos psychologique, le roman flirte sans cesse entre le coup de foudre amical et amoureux. Au lectorat de se demander si cette histoire d’amitié ne cache pas en réalité une romance refoulée.
Mais Mehtap Teke souligne l’importance du thème principal: “Je voulais toucher au thème de l’amitié et de ses dérives. Et parler non pas de l’amour toxique, mais de l’amitié toxique. Car c’est quelque chose de moins connu et de moins compris”, explique l’auteure dans le podcast QWERTZ du 20 février.
Deux femmes qui se sauvent
Tout au long de l’histoire, Hiba pousse Adelaïde dans ses derniers retranchements: elle l’incite à boire de l’alcool, la rend jalouse en fréquentant un homme, la force à se confronter à son passé d’artiste peintre, alors que cette dernière a visiblement échoué sa carrière. En l’incitant à aller ainsi vers ses zones d’ombre, Hiba permet à Adelaïde de s’émanciper d’une vision limitante d’elle-même. Et finit par la sauver, d’une certaine manière.
Durant la scène finale, c’est Adelaïde qui sauve Hiba, cette fois-ci. Ce passage, empreint de violence, Mehtap Teke l’a imaginé visuellement avant de l’écrire. A la manière d’une vision cinématographique. “Au cinéma quand on a une scène qui exprime la violence, on a la musique, les bruits. En littérature, on est limité au papier, donc il faut faire parvenir au lecteur l’émotion par les mots”, conclut l’autrice.
Source: Layla Shlonsky/mh
Crédit: Mehtap Teke, “Au hasard heureux”, éd. Viviane Hamy.
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