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Armes et âmes d’Arthur Miller

Armes et âmes d’Arthur Miller

Il a dit Tchekhov qu ‘«il ne faut jamais mettre un fusil chargé sur scène s’il ne va pas être utilisé». Arthur Miller (1915-2005) fut un élève exceptionnel, tant de l’auteur russe que d’Ibsen. L’ « arme » tchekhovienne est le tronc d’un arbre brisé par le vent de la nuit ; la branche ibsenienne, la mauvaise conscience de celui qui a profité du malheur des autres.

revue de théâtre

“C’étaient tous mes enfants”

  • Auteur:
    Arthur Miller.
  • Traduction:
    Cristina Genebat.
  • Adresse:
    David Selvas.
  • Scénographie :
    Alejandro Andujar.
  • Interprètes :
    Jordi Bosch, Emma Vilarasau, Quim Ávila, Claudia Benito, Eduard Buch, Eduardo Lloveras, Gemma Martínez, Clara de Ramón.
  • Lieu:
    Théâtre gratuit

C’est de cela qu’il s’agit dans ‘Tots weren fills meus’ (1947), le premier succès du dramaturge new-yorkais. David Selvas récupère l’histoire des familles Keller et Deever pour que les nouvelles générations reconnaissent son statut de classique. Joe Keller est l’homme d’affaires enrichi grâce à la production d’armes de la Seconde Guerre mondiale qui prétend incarner le mythe du “self made man”.

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L’accusation d’avoir expédié des pièces défectueuses qui ont causé le crash d’une vingtaine d’avions pèse toujours sur Joe, bien qu’il tente de le cacher : il s’est échappé de la prison qui est tombée sur son partenaire, Steve Deever. Deux épées de Damoclès pèsent sur Joe : les morts dont il n’a pas répondu et un fils disparu dont sa femme, accrochée à l’astrologie, veut croire qu’il reviendra un jour.

Selvas a raison de renoncer aux occurrences « relectantes » : sa dramaturgie traditionnelle souligne la validité du texte de Miller. Avec sa large gamme d’acteurs, Jordi Bosch retrace toutes les nuances émotionnelles de ce Joe Keller qui revendique la capacité de gagner de l’argent et oublie les circonstances dans lesquelles cet argent a été gagné. Emma Vilarasau est la Kate troublée, épouse et mère qui combine vérités et mensonges les nuits blanches. Eduardo Lloveras compose un Chris Keller convaincant, le fils qui doit hériter de l’usine et aspire à épouser Anne -solvable Claudia Benito-, petite amie du frère disparu et fille du condamné George Deever.

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Les armes et les âmes de Miller. L’arme tchekhovienne de l’arbre coupé symbolise la faillite familiale ; l’âme ibsénienne, qui renvoie au « Canard sauvage », la mauvaise conscience qui culminera dans une catharsis tragique. Comme dans ses œuvres ultérieures, souvenons-nous de « Mort d’un commis voyageur », l’insupportable gravité du remords finit par écraser cette fausse harmonie incapable d’arrêter le virus persistant de la mémoire.

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