Tout est parti du déplacement à La Courneuve d’Éric Mathais, procureur à Bobigny. Avec le maire (PCF) de la ville, Gilles Poux, et la commissaire Marie Danion, il s’était rendu début février aux Quatre-Routes, point noir de la vente de cigarettes à la sauvette.
Devant l’ampleur du phénomène et l’impuissance des autorités à l’endiguer, l’idée est née de resserrer les liens entre les professionnels de la justice et les élus. « Deux jours après, nous avions signé notre premier protocole portant sur le signalement et le suivi des dossiers concernant la ville et les élus », indique Éric Mathais. Ce manifeste en faveur d’une « justice de proximité » est ouvert à tous les élus de Seine-Saint-Denis.
« Un niveau de violences élevé »
C’est aussi un contexte plus général, qui a convaincu les partenaires de formaliser une forme d’entraide. « Le niveau toujours élevé de violences à l’encontre des élus et le rôle important des maires, dans la constatation et le signalement d’actes d’incivilité ou de délinquance, nous ont conduits à augmenter les moyens afin de renforcer nos relations avec les élus », détaille le procureur de Bobigny.
« Pour les petites affaires du quotidien, beaucoup de justiciables avaient le sentiment que les dossiers n’étaient pas bien traités. Cela alimentait le sentiment d’insécurité », poursuit-il. Le chef du parquet de Bobigny a mis les moyens en puisant dans un vivier d’une trentaine de contractuels à Bobigny, recrutés dans le cadre de la justice de proximité.
Le procureur est parti à la rencontre des quarante maires du département. La demande est forte mais c’est quand même moins que les 224 communes de la Côte d’Or, lorsqu’il était à la tête du parquet de Dijon.
Une meilleure information et l’espoir de procédures plus rapides
Face à une institution judiciaire souvent intimidante et débordée, les élus n’avaient pas forcément le réflexe de se tourner vers les magistrats. Ils pourront désormais l’alerter sur les incivilités du quotidien, grâce à la mise en place d’une boîte mail dédiée.
Ils pourront également demander des informations sur leur rôle d’officier de police judiciaire, par exemple s’il y a une suspicion de mariage blanc. « Un accès direct au parquet leur sera donné », annonce Éric Mathais. Avec ce nouveau dispositif renaît l’espoir de voir les dossiers fleuves d’urbanisme traités plus rapidement et pour les élus, d’être mieux informés sur le déroulement de la procédure.
Le maire de La Courneuve l’avoue : ses services s’arrachent les cheveux sur ces véritables casse-tête. En lutte contre les marchands de sommeil, Gilles Poux cite le cas emblématique d’un bâtiment de la rue Guy-Moquet. « Le permis de construire a été accordé il y a quinze ans, mais le propriétaire a transformé son pavillon en logements et construit d’autres appartements par-derrière. Nous avons enclenché une procédure pour non-respect du permis de construire mais nous attendons qu’une décision de justice soit prise pour stopper le propriétaire car pendant ce temps, il continue à toucher les loyers. »
Les agressions et menaces contre les maires et les députés en hausse
Autre sujet sensible pris en compte par le protocole, les agressions d’élus. En 2021, le ministère de l’Intérieur recensait 1 186 agressions d’élus, dont 605 concernaient des maires ou des adjoints. Soit une hausse de 47 % en un an.
Au cours des trois derniers mois de 2021, l’Assemblée nationale a dénombré plus de 800 signalements pour menaces, visant 430 députés. La Seine-Saint-Denis ne fait pas exception à la règle. Fouad Ben Ahmed, adjoint au maire à Bobigny, confirme une hausse des violences. Il en a fait les frais. Son local de campagne a été incendié il y a deux ans, lors des municipales.
Même chose pour Sylvine Thomassin, l’ancienne maire (PS) de Bondy, victime de tags insultants et de l’incendie de sa voiture lors des dernières élections municipales partielles. « Je m’engage, ou mon chef de cabinet, à recontacter les élus. Je leur proposerai des informations sur la procédure. J’espère que ce protocole favorisera les signalements des élus victimes car parfois, ils ne veulent pas porter plainte. Le but est de ne pas laisser l’auteur impuni. Cela peut éviter d’autres infractions. »
Les opérations de police sensibles exclues du dispositif
Les maires aimeraient aussi être informés après des interventions policières sensibles sur leur commune. « Vingt kilos de drogue avaient été trouvés dans une école », se souvient Loïc Le Roux, directeur général adjoint des services à la ville d’Aulnay, future signataire du partenariat.
Mais ce n’est pas prévu dans le protocole. Tout comme la divulgation d’informations concernant la sortie d’un délinquant de prison. Gilles Poux estime que de telles précisions pourraient être utiles : « Lorsqu’une personne liée au trafic de drogue dans un quartier est libérée, cela va créer des tensions et risque de générer des guerres de territoires. Il serait judicieux d’être informés. Nous pourrions demander aux médiateurs d’être plus attentifs et renforcer la présence humaine. »
2022-03-03 11:00:00
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