Selon le bras droit de Robert Miller, l’une des personnes les plus riches au Québec, le milliardaire n’a jamais eu de compte en banque à son nom. C’est ce qu’il a déclaré devant un tribunal dans le cadre d’une affaire intentée par une femme affirmant avoir été recrutée pour offrir des services sexuels à l’homme d’affaires alors qu’elle était mineure.
« M. Miller n’a pas de compte bancaire. Pas un seul ! », a affirmé Sam Abrams, collaborateur de longue date de Robert Miller, lors de son témoignage en Cour supérieure.
L’audience faisait suite à la plainte d’une femme déclarant avoir été victime d’un « système planifié d’exploitation sexuelle de jeunes filles mineures ou récemment majeures » au bénéfice de Robert Miller, fondateur de Future Electronics. Elle soutient être restée sous l’emprise de ce réseau pendant 20 ans, en gardant des séquelles graves, et réclame 8 millions de dollars en dommages. Son identité est protégée par une ordonnance de non-publication et elle est identifiée par les initiales « A.B. ».
Me Jean-Philippe Caron, avocat de la plaignante, a été surpris par la déclaration du témoin. « Un milliardaire sans compte en banque ? », a-t-il demandé.
« C’est exact », a répondu M. Abrams. Il a expliqué avoir eu un compte à la Banque Royale du Canada à son nom pendant des années, au profit de son patron, sans que son nom n’y soit mentionné.
Comme M. Miller n’a pas de compte en banque, Future Electronics a transféré régulièrement de l’argent dans ce compte. C’était essentiellement un compte personnel pour M. Miller. Quand M. Miller prend de l’argent de Future Electronics, Future Electronics lui [attribue] l’argent, et il paie des taxes sur cet argent personnellement.
Sam Abrams, collaborateur de Robert Miller
M. Abrams a admis que le compte avait été utilisé pour verser des dizaines de milliers de dollars à A.B. entre 2022 et 2023, après qu’elle ait été contactée par une journaliste de Radio-Canada enquêtant sur Robert Miller. L’argent provenait directement de Future Electronics, selon les documents bancaires présentés en cour.
A.B., qui a refusé de coopérer avec la journaliste, a finalement reçu 95 000 $. Elle a toutefois refusé de renoncer à d’éventuelles actions futures contre Robert Miller en signant un accord de paiement. Peu après, elle a déposé sa plainte devant la Cour supérieure.
Sam Abrams n’a pas fourni de preuve concrète de l’absence de compte bancaire au nom de Robert Miller. Il existe des juridictions dans le monde où les échanges d’informations bancaires avec le Canada sont limités voire inexistants.
Où se trouve son argent ?
Le témoignage du bras droit de M. Miller pourrait avoir des répercussions importantes sur les procédures futures. Le compte enregistré à la Banque Royale au nom de M. Abrams a été fermé pour des raisons de réputation, selon les informations présentées en cour.
Personne n’a expliqué comment M. Miller accède désormais à ses fonds.
L’homme d’affaires a vendu Future Electronics à un géant taïwanais pour 5,14 milliards de dollars l’année dernière. Outre la poursuite de 8 millions de dollars déposée par A.B., une cinquantaine de femmes ont demandé à se joindre à une action collective contre Robert Miller, arguant qu’elles ont été recrutées pour des services de prostitution juvénile. Cette action fait suite à un reportage de Radio-Canada révélant le système de recrutement et de rémunération mis en place par l’homme d’affaires.
Le SPVM a rouvert une enquête criminelle sur les allégations visant M. Miller, notamment sur l’utilisation de sa fortune pour payer des jeunes filles et des détectives privés. Comme les plaignantes de l’action collective, la police cherchera à comprendre comment l’homme d’affaires accède à son argent.
Robert Miller souffre de problèmes de santé, selon son avocat, Me Karim Renno.
Il a un parkinson très avancé et des problèmes cardiaques. M. Miller ne peut pas sortir de sa chambre. Toutes les fois que je veux le voir, je dois me déplacer. Il n’y a pas de meeting à mon bureau.
Me Karim Renno, avocat de Robert Miller
Dans une interview pour Forbes, M. Miller a exprimé son intérêt pour la cryogénisation et son financement de l’Alcor Life Extension Foundation, un groupe qui congèle des corps et des cerveaux humains dans de l’azote liquide en espérant une éventuelle résurrection grâce à la technologie.
Identité à protéger
Les audiences se poursuivront pour déterminer si A.B. a déjà conclu un accord avec M. Miller l’an dernier, a déjà été indemnisée et peut désormais le poursuivre pour obtenir plus d’argent. La protection de l’identité de la plaignante est une préoccupation majeure pour la cour, comme en témoigne l’incident impliquant deux individus dans la salle d’audience jeudi.
Le juge a rappelé aux deux hommes l’interdiction de divulguer le nom de la plaignante, soulignant les conséquences d’un outrage à la cour.
