Nouvelles Du Monde

À l’affût en Suisse

À l’affût en Suisse

2023-09-28 11:06:50

HAujourd’hui est un beau jour pour mourir. Un ciel s’étend sur les sommets d’Engelberg qui surpasse toute idée d’un bleu impeccable. L’air caresse si chaleureusement la peau, comme s’il s’inclinait une dernière fois devant l’été. Pour la chance du chasseur, il ne manque qu’une marmotte qui sort la tête du terrier et regarde autour d’elle, sûre qu’il ne lui arrivera rien. Mais les marmottes ne sont ni stupides ni fatiguées de la vie, aussi belle que soit la journée.

Patrik, chasseur et gardien de la nature, vous attend. Son fusil prêt, il reste immobile au soleil. A 1700 mètres, elle ne cache pas sa puissance de septembre. La première heure passe, la deuxième passe, puis la troisième. Rien, juste une femme avec un chien qui se rafraîchit dans le ruisseau. Les parois rocheuses scintillent, impassibles. Je gravis difficilement une pente aussi raide que la plus méchante étape de montagne du Tour de France et m’échappe sous un buisson. Ombre. Je transpire, j’ai envie de la vallée, je rêve de fondue au fromage et de glace à la pistache. Mon ventre grogne. Je mange un Kit Kat dont la consistance rappelle la mousse au chocolat. Comment ai-je pu avoir l’idée d’accompagner un chasseur ?

Lire aussi  Finlande : observer les aurores boréales en Laponie

Ne soyez pas si prétentieuses, mamans !

Pendant ce temps, Patrik rampe centimètre par centimètre vers la tanière de la marmotte. J’espère qu’il n’aura pas d’insolation, je ne connais même pas le numéro de téléphone des secours en montagne suisses. Il scrute la zone avec ses jumelles. Je pense : ne soyez pas si prétentieuses maintenant, mamans ! Un coup de tête net et la journée ne s’arrêterait jamais. Patrik, comme disent les chasseurs, ouvrait la paroi abdominale de la carcasse sauvage tuée avec son couteau suisse, en retirait les entrailles, le foie, les reins, le cœur, de la nourriture pour les renards affamés. La bille irait dans un sac en plastique, le sac dans le sac à dos de Patrik. Il porterait le sac à dos et nous retournerions à Engelberg au son des cloches.

Les marmottes sont vraiment très mignonnes.  Mais tout le monde ne les aime pas.


Les marmottes sont vraiment très mignonnes. Mais tout le monde ne les aime pas.
:


Image : Maurice

J’ai honte de souhaiter la mort d’un animal pour pouvoir partir. Alors que j’étais encore dans la télécabine jusqu’à Fürenalp, je réfléchissais secrètement à la façon dont je pourrais sauver de la mort les marmottes, ces jolis tas de poils, et m’éviter de voir mon cerveau s’envoler. Les éternuements et les rires bruyants me semblaient prometteurs. Patrik ne comprendrait certainement pas l’intention derrière mon bruit.

Je n’ai jamais vu de photo d’animal, ni cerf, ni chamois, ni marmotte. Je ne sais pas si l’animal tremble à l’agonie, si ses yeux s’accrochent à la vie, avec quelle acharnement il se rebelle contre la sentence qui vient d’être prononcée. Je ne pense pas à ce genre de choses quand il y a un morceau de viande bio dans mon assiette, ce qui arrive très rarement, mais chaque animal mérite ces pensées.

Patrik se lève, étire ses membres tendus depuis sa position couchée, prend son sac à dos, un homme large et lourdement chargé aux yeux amicaux. Il dégage un immense sentiment de calme et chaque mouvement qu’il effectue est précis. Une leçon de souplesse. Il était autrefois un acharné, mais à un moment donné, son disque intervertébral a cessé de fonctionner, alors il a escaladé des montagnes, notamment le Shishapangma, haut de 8 027 mètres, dans l’Himalaya. Il dit : « Nous partons. Nous allons laisser les marmottes tranquilles pour le moment. » Il semble satisfait et regarde autour de lui : « N’est-ce pas beau ici ? »



#laffût #Suisse
1695962276

Facebook
Twitter
LinkedIn
Pinterest

Leave a Comment

This site uses Akismet to reduce spam. Learn how your comment data is processed.

ADVERTISEMENT