Par Anthony Bonnet
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Marie-Claude Feltes-Strigler attend avec impatience la sortie au cinéma du prochain film de Martin Scorsese, Les tueurs de la fleur de lune. Le nouveau long-métrage du célèbre réalisateur américain, qui sera projeté en France à partir du mois d’octobre, raconte l’histoire du peuple Osagedont la soudaine fortune après la découverte du pétrole au début du XXe siècle a attiré des convoitises peu recommandables.
Des voyages depuis plus de 20 ans
Ces Amérindiens, Marie-Claude Feltes-Strigler les connaît bien. C’est le même sujet de son nouveau livre, Les Indiens Osages, enfants des eaux du milieuparu aux éditions du Rocher.
Maitre de conférences à l’Université Paris 3 – Sorbonne Nouvelledocteure en civilisation américaine, cette habitante de Grand-Camp (Eure) fait des étapes dans les réserves indiennes depuis plus de vingt ans. « Quand on est enseignant-chercheur, le travail en bibliothèque ne suffit pas, cela doit être l’occasion de faire du terrain », dit celle qui a consacré sa thèse de doctorat à la nation navajo.
Auteurs de nombreux articles et livresses différents séjours lui ont permis de nouer de solides amitiés. Et de découvrir des paysages à couper le souffle dans le Sud-ouest américain au milieu des canyons. « On comprend pourquoi la nature est sacrée pour les Indiens », commente-t-elle.
La plume d’aigle
Voyageuse et chercheuse, son goût pour l’expédition partagé avec son mari l’amène à côtoyer les Osages, une tribu nomade de l’Est des grandes plaines. Ceux-ci vivaient dans la vallée fertile du Mississippi lorsque les explorateurs européens les ont rencontrés au XVIIIe siècle. Ils sont alors forcés de partir s’installer vers les terres arides de l’Oklahoma.
Je n’avais pas l’intention d’écrire leur histoire. Et puis, une année, le maire de la capitale est venu me trouver en me disant que personne n’avait encore raconté cette histoire en France.
Son interlocuteur lui donne une plume d’aigle, l’oiseau sacré par excellence. L’objet, utilisé dans les cérémonies officielles, a une forte valeur symbolique. « C’est un signe de respect, et le respect est réciproque, la notion de réciprocité étant très importante chez eux, confie-t-elle. Moralement, il fallait que je fasse ce travail. Et je l’ai fait avec un grand plaisir. »
Marie-Claude Feltes-Strigler se consacre entièrement à l’enseignement deux années à composer ce grand récit. Son copieux stock de notes, constitué au fil de ses pérégrinations, se révèle très utile, de même que tous ses contacts avec des philosophes, des historiens, des traditionalistes.
J’ai eu accès à beaucoup d’éléments et ils n’ont jamais refusé de me communiquer des renseignements.
Réserves de pétrole
Au début du XXe siècle, des gisements de pétrole sont découverts sous la terre de leur réserve en Oklahoma.
« Ils savaient qu’il y avait une substance grasse et noire, ils s’en servaient pour graisser les machines, retrace Marie-Claude Feltes-Strigler. Quand le moteur à combustion s’est développé avec l’émergence de l’automobilec’est devenu une richesse énorme. Mais la notion de profit n’existait pas pour leur peuple et ils ne savaient pas comment se comporter. »
Les Osages, fortunés grâce à ce gisement d’or noir, sont devenus la cible d’opportunistes malfaisants.
Beaucoup mourraient de diverses façons, dans l’incendie de leur maison, en étant empoisonnés ou suite à un accident de voiture.
L’état fédéral américain ne réagit pas, jusqu’au jour où John Edgard Hooverdirecteur du FBI, envoie un agent sur place. « C’était la première enquête du FBI », note la chercheuse. Un certain nombre de criminels sont arrêtés puis jugés.
Le lien entre la France et les Osages
Cette période du « règne de la terreur » va toucher les consciences grâce aux investigations menées il y a quelques années par un journaliste du New yorkaisDavid Grann.
Son livre Killers of the Flower Moon a connu un grand succès aux États-Unis et Martin Scorsese en a acheté les droits pour réaliser son film. Tant qu’il n’y avait pas eu cette histoire, le public n’avait pas entendu parler des Osages.
Sauf peut-être dans le sud de l’hexagone, du côté de Montauban, où a été créée une association, Oklahoma-Occitania. L’habitante de Grand-Camp en est membre.
Les Français avaient fait des Osages leurs partenaires privilégiés pour la traite des fourrures et au début du XIXe siècle, durant le règne de Charles Xsix Indiens sont invités outre-Atlantique.
« Quand ils sont arrivés, ils étaient conviés partout. Et puis quand la curiosité s’est émoussée, leur accompagnateur a disparu en emportant la caisse et ils se sont retrouvés abandonnés dans un pays étranger, poursuit la spécialiste. Trois vont réussir à retourner en Amérique, aidés par La Fayette, tandis que trois autres vont continuer à errer avant d’être accueillis à bras ouverts par l’évêque de Montauban qui avait été missionnaire chez eux au Missouri. La générosité va permettre de financer leur retour. »
Les échanges culturels entre le chef-lieu du Tarn-et-Garonne et les Indiens n’ont jamais cessé, entretenus par l’association Oklahoma-Occitaniedont le fondateur a mis Marie-Claude Feltes-Strigler en relation avec les Osages.
Un film événement bientôt au cinéma
Dans son ouvrage, l’auteure dévoile des informations inédites sur la situation de cette communauté, composée d’environ 30 000 membres aujourd’hui.
« Ils font toujours partie des tribus riches, même si le pétrole est une ressource non renouvelable. Ils ont recours à la fracturation hydraulique et sont conscients du mal que cela fait à l’environnement. C’est pour cela qu’ils essayent de diversifier leur activité », analyse la chercheuse, en évoquant leurs investissements dans les casinos ou les élevages de bisons.
Comme toute tribu indienne, « ils revendiquent leur souveraineté et ils se sont dotés d’une constitution avec un chef élu pour quatre ans ».
La sortie du film Les tueurs de la fleur de lune, avec Léonardo di Caprio et Robert de Niro à l’affiche, contribuera immanquablement à renforcer la visibilité de ce peuple aux yeux du grand public.
Marie-Claude Feltes-Strigler est déjà sollicitée pour participer à des conférences. Et il ne serait pas étonnant qu’elle retourne dans les mois à venir explorer ces contrées qu’elle apprécie tant.
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2023-08-14 08:00:02
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