André Gloutnay : l’homme qui a brisé le cœur de Juste pour rire

L’archiviste André Gloutnay avait tellement Juste pour rire tatoué sur le cœur, qu’il avait fait graver le logo de l’entreprise sur son pavé uni.

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«Ça a fait moins mal qu’un tatouage, mais ça a coûté plus cher!», a-t-il raconté vendredi dans une entrevue exclusive au Journal.

Après avoir tant aimé Juste pour rire, c’est peut-être lui qui en a, involontairement, précipité la perte.

En 2020, il a poursuivi Gilbert Rozon et le groupe Juste pour rire parce qu’il a été mis à pied après 25 ans de service, alors qu’il avait en poche un «contrat à vie».

Après un jugement de la Cour d’appel du 8 février 2024, qui lui a donné raison et condamné JPR à lui payer la somme de 666 500$ (plus les intérêts et les indemnités), Gloutnay et ses avocats ont émis un avis d’hypothèque légale sur le bâtiment du Groupe juste pour rire, boulevard Saint-Laurent, le 27 février.

Une semaine plus tard, JPR se plaçait sous la protection de ses créanciers.

Alors qu’il a refusé les nombreuses demandes d’entrevue des médias, André Gloutnay a accepté de parler au Journal.

Sophie Durocher: Comment avez-vous réagi quand vous avez appris que le Groupe JPR se plaçait à l’abri de ses créanciers?

André Gloutnay: Ça m’a attristé. C’était comme un deuxième deuil, j’ai broyé du noir. J’ai pensé aux collègues encore là. Ça m’a brisé le cœur. J’en revenais pas, j’y croyais pas. JPR c’était ma vie, mon sang…

SD: Est-ce que c’est à cause de votre saisie que le Groupe se place à l’abri de ses créanciers?

AG: Quand le jugement de la Cour d’appel est sorti le 8 février, on m’a dit que c’était exécutoire. Au bout de trois semaines, on n’avait rien reçu! Pas un chèque, pas un appel! On a donc saisi le building pour sécuriser la créance. Si JPR m’avait donné mon chèque de 850 000$, tout ça ne serait pas arrivé. On n’aurait pas saisi le building. J’ai absolument rien contre JPR, je voulais juste qu’on respecte mon contrat qui était valide. On a envoyé un huissier, ça les a fait paniquer. C’est pas à cause de moi, c’est mal géré, ils ont tellement de dettes!

SD: Êtes-vous surpris des difficultés financières de JPR?

AG: On a tout tenté pour régler ce litige là avant, on est allé en médiation. En décembre 2021, JPR nous a offert un montant dérisoire, insultant. La juge est sortie de la salle d’audience et elle nous a dit: «Ça fait seulement deux ans et [les nouveaux propriétaires] sont déjà en difficulté financière, imaginez dans cinq ans comment ça va être.» Ça m’est revenu cette semaine. La juge avait raison.

SD: Depuis 2020, quand votre indemnité de départ s’est terminée, comment vivez-vous?

AG: Plus que modestement. J’ai perdu cinq ans de ma vie, je n’ai pas eu de revenus, j’ai pris soin de ma mère qui loge avec moi. J’ai besoin de cet argent-là pour vivre.

SD: Comment avez-vous réagi au tweet de l’humoriste Martin Petit: « Content du jugement en faveur de André Gloutnay contre JPR. André est sans conteste LE plus grand nerd d’humour du Québec qui a été longtemps la mémoire vive des galas JPR »?

AG: J’ai été très ému. Ça met un baume sur ce que j’ai vécu. J’ai reçu beaucoup de messages d’encouragement, de soutien, de la part de gens du milieu : “Continue ton combat. Lâche pas ».

Des moments difficiles

«Mon combat, c’est comme David contre deux Goliath», a confié André Gloutnay.

Deux adversaires, car il a poursuivi Gilbert Rozon et le Groupe Juste pour rire.

En 2019, en apprenant que JPR le renvoyait, il a tenté de se suicider. Puis il a appelé son ex-professeur de l’École nationale de l’humour, Pierre Huet. «Si Pierre n’avait pas répondu à mon appel ce jour-là, je ne serais pas ici aujourd’hui pour vous parler», a raconté Gloutnay. «Juste pour rire, c’était la chose la plus importante pour moi. Depuis l’âge de 6 ans que je voulais travailler en humour».