La femme hésite puis entonne un youyou, ce cri de joie si particulier aux célébrations d’Afrique du Nord. Très vite, d’autres présentes lui emboîtent le pas, et le son résonne dans la cour intérieure qui jouxte la salle des prières de la Grande Mosquée de Paris. L’espace de quelques secondes, le Maghreb festif fait incursion dans un moment solennel.
En ce mercredi 19 octobre, où un soleil quasi estival passe par les interstices du toit amovible placé sur la splendide cour intérieure de la Grande Mosquée de Paris, Emmanuel Macron est venu remettre les insignes d’officier de la Légion d’honneur à Chems-Eddine Hafiz, son recteur. La date n’est pas due au hasard : voilà cent ans que la première pierre du sublime édifice aux inspirations orientales et mauresques, trônant en plein milieu du 5e arrondissement de la capitale, a été posée.
La célébration a commencé par une visite par le chef de l’Etat, flanqué de son ministre de l’intérieur, Gérald Darmanin, et de l’ancien président Nicolas Sarkozy, d’une exposition sur l’histoire de la Grande Mosquée. Photos, textes et objets historiques sous les yeux, Emmanuel Macron s’est vu expliquer par M. Hafiz l’histoire du lieu, construit d’abord en remerciement aux musulmans des colonies enrôlés, parfois de force, pour servir la France durant la première guerre mondiale.
La visite est d’ailleurs suivie d’un dépôt de gerbe à leur mémoire, et le discours que le président de la République prononcera quelques minutes plus tard est, du moins pour sa première partie, empreint de l’importance historique de l’événement. « En ce jour d’automne 1922 notre nation affirmait aux yeux du monde qu’on pouvait être français et musulman »a commencé, mercredi, Emmanuel Macron.
« Nos ennemis sont les mêmes »
Cent ans depuis la pose de la première pierre, un peu moins depuis l’inauguration, et autant d’années d’un rapport complexe émaillé d’incompréhensions entre l’Etat et l’islam français. Outre l’hommage historique au bâtiment et celui, personnel, à M. Hafiz, la journée à la Grande Mosquée était l’occasion, pour le président de la République, de rappeler ses tentatives d’organiser autant que faire se peut l’islam de France. Le tout dans un contexte où, chaque semaine ou presque, émerge une polémique sur les manifestations de l’islam radical réel ou supposé.
Il s’agissait aussi de faire le service après-vente de la loi séparatisme, adoptée le 24 août 2021, et de la vision du gouvernement de la laïcité, à l’heure des questionnements sur la multiplication des signes religieux musulmans à l’école. Le discours prononcé devant un parterre des principaux dignitaires de toutes les confessions faisait comme un écho à celui des Mureaux (Yvelines), en octobre 2020, sur les « séparatismes ».
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