Le nouveau Conseil de biologie : une révolution scientifique en marche

“J’aime la science et j’attends d’elle le progrès de l’humanité”. À la fin du 19ᵉ siècle, l’industriel belge Ernest Solvay clamait ainsi sa foi dans la science. En 1911, le premier Conseil de physique, initié par ses soins, voyait le jour à Bruxelles. Une réunion de haut vol qui accueillait les plus grands noms de l’époque et (futurs) prix Nobel, comme Albert Einstein, Marie Curie, Max Planck ou encore Maurice de Broglie, Heindrik Lorentz.

Un siècle plus tard, les Conseils de physique et de chimie accueillent une nouvelle initiative des Instituts Solvay (ULB et VUB). Le premier Conseil de biologie se tiendra pendant trois jours à Bruxelles, du 18 au 20 avril. Avec des ambitions à la hauteur de celles portées par ses illustres prédécesseurs.

“C’est à la suite du Conseil de physique de 2017, consacré à la biophysique, qu’on s’est rendu compte de l’engouement des participants pour la biologie“, explique Jean-Marie Solvay, président des Instituts. “Le physicien théoricien Lars Brinkparmi d’autres, était particulièrement enthousiaste. Le directeur des Instituts, le Pr Marc Henneaux, également. Nous avons tout de suite été convaincus. La biologie est à l’aube d’une véritable nouvelle révolution, comme l’était la physique quantique lors du Conseil de 1911. Nous avons donc décidé de lancer un nouveau type de Conseils Solvay, un Conseil dédié à la biologie.”

Plusieurs années ont été nécessaires pour faire murir le projet. “On l’a beaucoup préparé”, concède le physicien Marc Henneauxprix Francqui en 2001, et directeur des Instituts Solvay. “Et je pense que ce sera un succès scientifique. J’en suis même convaincu!”

La question du meilleur moment pour organiser ce nouveau rendez-vous a très vite trouvé une réponse. Quand lancer ce nouveau Conseil? Ceux de physique et de chimie sont chacun organisés tous les trois ans. Dans ce cycle, il y avait donc une année “creuse”. La biologie vient tout naturellement y prendre sa place.

“Il a également fallu trouver les financements indispensables à son organisation et aux activités liées, comme la mise sur pied de chaires permettant d’inviter des biologistes”, reprend le Pr Henneaux. “La famille Solvay a d’emblée été présente, de même que la firme UCB, et d’autres sponsors“.

Enfin, il a surtout fallu identifier la personne la plus indiquée pour présider le comité scientifique de ce nouveau rendez-vous. C’est le président qui donne les impulsions scientifiques, qui détermine le programme, qui dresse la liste des spécialistes à inviter.

Thomas Lecuit, professeur au Collège de France et directeur du Centre Turing des Systèmes Vivants (Institut de biologie du développement de Marseille), a accepté de relever ce défi. Avec quelques autres scientifiques d’horizons divers, membres de son comité, le choix du thème de ce premier Conseil de biologie a été arrêté: “L’organisation et la dynamique du calcul biologique“.

“Mon champ de recherche porte sur le développement, et en particulier la morphogenèse”, précise Thomas Lecuit. “J’étudie les processus mécaniques impliqués dans les changements de formes du vivantles forces à l’oeuvre. En particulier ce qui gouverne l’évolution de l’ensemble des cellules qui forment un embryon ou un organe. Des travaux qui sont par nature interdisciplinaires et qui touchent en ce sens autant à la biologie qu’à la physique”.

Et la computation dans ce contexte? La réponse à cette question prend la forme des interrogations qui seront au coeur des travaux des invités du Conseil. Comment les cellules communiquent-elles entre elles? Comment traitent-elles l’information en provenance des autres cellules? D’ailleurs, qu’est-ce que l’information en biologie? Et on ne parle pas ici d’ADN ni de neurosciences.

“Le but de cette réunion est de faire progresser notre compréhension des modes de transmission de l’information et de son traitement par les systèmes biologiques”, résume le Pr Lecuit. “La compréhension de la morphogenèse occupait déjà le mathématicien Alan Turingen 1954. Des travaux depuis précisés par des biologistes, tels Lewis Wolpert et Francis Crick dans les années septante”.

Voilà qui explique pourquoi les invités de ce Conseil sont issus de multiples disciplines. Il y aura des physiciens, des biologistes, des statisticiens, des chimistes… “Des spécialistes qui n’ont peut-être pas encore l’habitude de travailler ensemble mais qui pourraient, de manière collégiale, faire avancer nos connaissances fondamentales dans ce domaine“, estime Marc Henneaux.

Le format des Conseils Solvay est propice à ce genre d’échanges. On est effectivement loin, ici, du déroulement d’un congrès scientifique classique.

“J’ai voulu faire autre chose. Un réunion ambitieuse, audacieuse, mais aussi, évidemment, intéressante, utile et réaliste”, détaille le Pr Lecuit.

“D’abord en invitant un petit nombre de participants. Nous ne serons qu’une trentaine au total. Nos travaux vont refléter ce qui se passe actuellement en biologie. Ensuite, je souhaite, avec ce premier Conseil de biologie, qu’on n’y vienne pas pour parler de ses derniers résultats scientifiques, comme on le fait à nombre de conférences, mais plutôt que ce soit un lieu de réflexion et d’échange collectif et interdisciplinaireautour d’une thématique centrale en biologie”.

“Les participants à cette réunion vont ainsi alterner des périodes en séances plénières et des discussions par sous-groupes“, précise-t-il. “L’idée est de faire des allers-retours. S’isoler en sous-groupes pendant quelques heures permet d’approfondir les questions. Pour ensuite faire émerger et remonter vers l’ensemble des participants un certain nombre de points de vue, de “découvertes”, d’éclaircissements, d’idées à partager”.