Rome envisage de se retirer des “nouvelles routes de la soie” lancĂ©es par la Chine en 2013, car elles ne lui apportent pas les avantages Ă©conomiques escomptĂ©s. Cette dĂ©cision est dĂ©licate sur le plan diplomatique.
Les nouvelles routes de la soie, initiĂ©es par Xi Jinping en 2013, sont un vaste rĂ©seau de voies terrestres, maritimes, aĂ©riennes et ferroviaires reliant la Chine Ă l’Europe, Ă l’Afrique et mĂŞme Ă l’AmĂ©rique du Sud. La Chine a investi environ 1 000 milliards de dollars dans cette stratĂ©gie d’influence Ă©conomique et stratĂ©gique, et 150 pays ont adhĂ©rĂ© Ă ce projet, synonyme d’opportunitĂ©s financières. L’Italie, devenue le seul pays du G7 Ă y participer en 2019, espĂ©rait ainsi renflouer sa dette publique devenue insoutenable. Cependant, il semble peu probable que le partenariat soit renouvelĂ© pour cinq ans en mars prochain.
Les bĂ©nĂ©fices Ă©conomiques pour la Rome sont trop faibles. Les investissements promis dans les ports de Trieste et de GĂŞnes n’ont pas produit de rĂ©sultats concrets. Les exportations italiennes vers la Chine ont certes lĂ©gèrement augmentĂ©, passant de 11 Ă plus de 16 milliards d’euros, mais les exportations chinoises vers l’Italie ont Ă©tĂ© multipliĂ©es par deux et dĂ©passent les 50 milliards d’euros. La diplomatie italienne reconnaĂ®t que sa participation aux nouvelles routes de la soie n’a pas atteint les rĂ©sultats escomptĂ©s.
Le gouvernement italien, dirigĂ© par Giorgia Meloni de l’extrĂŞme droite, estime que les bĂ©nĂ©fices Ă©conomiques sont trop faibles par rapport au coĂ»t politique d’un rapprochement avec PĂ©kin, qui soutient la Russie dans le conflit en Ukraine et entretient des relations tendues avec les États-Unis. L’Italie prĂ©fère donc s’aligner sur Washington et l’OTAN.
Ce retrait des nouvelles routes de la soie Ă©tait dĂ©jĂ prĂ©vu. Le prĂ©dĂ©cesseur de Giorgia Meloni, Mario Draghi, avait empĂŞchĂ© tout investissement chinois dans les secteurs jugĂ©s stratĂ©giques en utilisant le droit de veto du gouvernement. PĂ©kin n’est donc pas surpris, mais la Première ministre italienne prend soin de ne pas froisser le rĂ©gime chinois, afin d’Ă©viter d’Ă©ventuelles mesures de reprĂ©sailles, notamment dans le secteur du luxe. Giorgia Meloni se rendra en personne en Chine mi-octobre pour expliquer sa dĂ©cision.
L’Italie n’est pas le seul pays Ă prendre ses distances. Les pays participants aux nouvelles routes de la soie se retrouvent pour la plupart surendettĂ©s, loin de la promesse d’un partenariat Ă©quitable avec PĂ©kin. Les investissements chinois se sont en rĂ©alitĂ© transformĂ©s en prĂŞts Ă des taux d’intĂ©rĂŞt Ă©levĂ©s que ces pays ne peuvent plus rembourser, les obligeant Ă cĂ©der leurs infrastructures Ă la Chine, comme l’a fait le Sri Lanka avec un projet portuaire. Ce phĂ©nomène est connu sous le nom de “piège de la dette”. Certains pays ont tentĂ© de renĂ©gocier leurs contrats, tandis que d’autres ont gelĂ© tous les projets. Les pays occidentaux sont de plus en plus mĂ©fiants face au risque d’hĂ©gĂ©monie chinoise.
Un grand forum consacrĂ© aux nouvelles routes de la soie doit se tenir en octobre Ă PĂ©kin, oĂą de nombreux chefs d’État et de gouvernement sont attendus, dont Vladimir Poutine. Cette rencontre permettra Ă la Chine de dĂ©fendre son projet et de le relancer. Ce qui Ă©tait prometteur il y a dix ans semble dĂ©sormais ĂŞtre une impasse.