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Argentine : Seul 1 Argentin sur 4 soutient l’économie solidaire

En mars 2025, Bahía Blanca a subi l’une des catastrophes naturelles les plus graves de son histoire. En quelques heures, plus de 400 millimètres de pluie sont tombés, soit près de six mois de précipitations normales, provoquant un effondrement généralisé. Des quartiers ont été inondés, plus de 1 450 personnes ont été évacuées, des infrastructures ont été détruites et au moins 16 personnes sont décédées.

Comme lors de chaque tragédie nationale, la solidarité s’est manifestée immédiatement. Caritas, la Croix-Rouge et des groupes de bénévoles ont coordonné l’accueil et la distribution de nourriture, de matelas et de vêtements. Le train de la solidarité a repris de l’importance et est parti de Buenos Aires chargé de dons.Les réseaux sociaux sont devenus des plateformes d’aide essentielles.

Ce schéma se répète : la solidarité argentine s’active face à des urgences visibles, immédiates et concrètes. Ce fut le cas en 2021 avec les incendies à corrientes, lorsque l’influenceur Santiago Mararatea a collecté plus de 100 millions de pesos en moins de 24 heures.Dans des campagnes comme celle-ci, Mararatea a réussi ce que de nombreuses ONG n’obtiennent pas : enthousiasmer, activer et convaincre.

Un problème persiste. Cette prédisposition ne se traduit pas par un engagement durable.Selon une étude récente, seulement 24 % des Argentins ont fait un don d’argent à une ONG au cours de l’année écoulée.

Le manque d’habitude de donner est l’une des conclusions les plus marquantes des études menées en 2024. Toutes convergent : il existe une prédisposition, mais pas de mise en pratique.

Dans la population générale, seulement 13 % ont fait un don mensuel au cours de l’année écoulée. 11 % ont fait un don ponctuel et 76 % n’ont fait aucun don. Ils ont fait des dons de biens, participé à des tombolas, aidé des proches ou partagé des campagnes. L’action informelle prédomine, et non l’engagement régulier.

Parmi ceux qui ne donnent pas, l’explication la plus fréquente est économique. Mary Teahan, fondatrice d’une agence spécialisée dans le secteur social, propose une autre lecture :

« Même lorsque nous demandons de très faibles montants, la réponse la plus courante est “Je n’ai pas d’argent”. mais ce n’est pas toujours vrai. C’est souvent une excuse culturelle. Le problème n’est pas le manque de ressources, mais le manque d’une culture du don. »

Selon elle, la phrase « Je n’ai pas d’argent » est devenue une réponse automatique qui dissimule une résistance plus profonde : intégrer la solidarité comme une partie stable du budget familial.

## Les jeunes veulent aider, mais ils ne savent pas comment

L’un des aspects les plus intéressants de l’étude est le segment des jeunes (18 à 24 ans). Une contradiction claire se dégage : 76 % se considèrent comme solidaires, 50 % pensent pouvoir influencer socialement et politiquement, et 51 % envisagent de collaborer avec une ONG dans les 10 prochaines années. Mais seulement 14 % ont fait un don mensuel au cours de l’année écoulée, et seulement 7 % sont bien informés sur ce que font les ONG dans le pays.

« Les jeunes n’ont pas de préjugés à donner. Ils ne croient pas que c’est seulement pour les riches ou que l’argent est perdu. Mais ils ne savent pas comment faire, ils ne connaissent pas les organisations, et personne ne leur demande », explique Constanza cilley.

Elle ajoute :

« Les ONG ont une grande opportunité avec cette génération, mais elles doivent enseigner : montrer ce qu’elles font, comment elles le font et comment on peut les aider.La technologie est essentielle,mais la transparence aussi. »

Le problème n’est pas un manque d’intérêt, mais un manque de connexion. elle évoque trois causes : une économie en crise, une méfiance institutionnelle et un engagement qui adopte de nouvelles formes, comme l’activisme numérique ou la consommation responsable.

Elle propose que les ONG se reconnectent avec les motivations des gens :

« Être ouvertes, expliquer où va l’argent, raconter des histoires d’impact réelles. Faciliter la participation : faibles montants, processus simples, bénévolat, réseaux sociaux. Être là où sont les jeunes.Les ONG ne peuvent plus être des structures distantes. Elles doivent devenir proches et pertinentes. »

Les plateformes numériques sont essentielles. Selon une plateforme de paiement en ligne, le bouton « Donner » a permis de collecter plus de 170 millions en trois ans, et 56 % de ceux qui ont donné l’ont fait pour la première fois. Cependant, 70 % des jeunes qui donnent ne le font pas fréquemment, ce qui rend difficile la génération de revenus durables. Ils donnent, mais sans continuité.

Autre constat : seulement 26 % de la population se souvient avoir reçu une demande de don au cours de l’année écoulée. Personne ne leur a demandé. Et lorsque la demande existe, elle est souvent mal exécutée. « Les gens rejettent le démarchage téléphonique, les appels à froid, les formulaires avec des petits caractères », indique l’étude. Ce qui fonctionne, c’est une communication claire, transparente et contextualisée.

« Si je donne, je veux savoir pourquoi. qu’allez-vous faire de mon argent. Et ensuite, dites-moi si vous avez réussi. Et si ce n’est pas le cas, aussi »,

était l’une des phrases les plus répétées par les personnes interrogées.

Teahan est d’accord :

« il ne s’agit pas seulement de demander, mais de montrer l’impact. Communiquer les réalisations, les histoires, les progrès. Bâtir la confiance. En Argentine, il existe des ONG sérieuses, avec un impact réel. mais si elles ne sont pas vues, elles n’existent pas. »

Le manque de visibilité et la désinformation génèrent un cercle vicieux : on ne donne pas parce qu’on ne sait pas, et on ne sait pas parce qu’on ne communique pas.

Le problème est aussi sémantique. « ONG, OSC (organisations de la société civile), tiers secteur… nous utilisons mille noms différents et les gens ne savent pas de quoi nous parlons », dit Tehan, qui propose un nom unifié qui distingue le secteur du cadre politique.

## Le coût de la méfiance

La confiance dans les ONG a chuté de 58 % en 2015 à 35 % en 2023. Seuls les secteurs élevés et les personnes ayant un niveau d’éducation supérieur font le plus confiance (60 %). Dans les secteurs moyens et bas, la méfiance domine. Gabriel Berger résume :

« Promouvoir une culture du don chez les jeunes est essentiel pour l’avenir de l’Amérique latine. Mais cela nécessite de la confiance. Et la confiance se construit avec de la cohérence, une présence territoriale, de la transparence et des messages qui connectent émotionnellement sans manipuler. »

Les ONG sont confrontées à une crise de confiance qui, bien que non exclusive au secteur, limite leur capacité à générer un soutien durable. À cela s’ajoutent des problèmes internes : faible visibilité, communication inefficace et manque de connexion avec les nouvelles formes de participation citoyenne. Berger souligne un fait révélateur :

« Huit jeunes sur dix ne peuvent pas nommer une ONG reconnue. »

De plus, cinq sur dix croient que les dons n’arrivent presque jamais à bon port.

Cependant, par rapport aux entreprises, aux médias ou aux gouvernements, les organisations non gouvernementales sont relativement bien positionnées. En 2023, seules les PME ont dépassé les ONG en tant qu’institutions fiables. Le spécialiste met en garde contre un phénomène plus profond : les ONG ont perdu de leur importance dans l’opinion publique. Elles ont été supplantées par les mouvements sociaux et les protestations, et ont cessé d’être présentes dans l’enseignement formel, ce qui a affaibli leur rôle d’espaces de participation.

Il précise également que de nombreuses personnes aident sans considérer cela comme un don formel. Bien que seulement entre 23 % et 27 % disent avoir donné de l’argent, 74 % ont collaboré d’autres manières : tombolas, collectes, achats solidaires. Mais ils ne l’associent pas aux ONG, car le concept d’organisation à but non lucratif est flou pour une grande partie de la société.

Berger conclut :

« Si les jeunes ne voient pas les ONG comme des instruments utiles pour transformer la réalité, ils chercheront d’autres voies. Le défi est d’être pertinent pour une génération qui veut agir, mais qui ne trouve pas de canaux auxquels elle s’identifie. »

La culture du don d’argent en Argentine est encore marginale et réservée aux urgences. Le défi consiste à transformer cette solidarité spontanée en une pratique durable.Et cela, pour l’instant, est loin d’être le cas.

La Solidarité en Argentine : Entre Urgence et Manque de Pérennité

FAQ

Qu’est-ce qui a causé les inondations à Bahía Blanca en mars 2025 ?

Plus de 400mm de pluie en quelques heures, soit six mois de précipitations normales.

Quel est le principal problème de la solidarité en Argentine ?

Un manque d’engagement durable et une absence de culture du don.

Quel pourcentage d’Argentins a fait un don d’argent à une ONG au cours de l’année passée ?

Seulement 24%.

Quelle est la principale raison pour laquelle les gens ne donnent pas selon l’étude ?

Des raisons économiques, mais aussi un manque de culture du don.

Qu’en est-il des jeunes ? sont-ils engagés ?

76% se disent solidaires, mais seulement 14% font un don mensuel.

Comment les ONG peuvent-elles améliorer leur situation ?

Elles doivent être transparentes, expliquer l’impact, et faciliter la participation.

Quelle est la confiance dans les ONG en Argentine ?

Elle a chuté de 58% en 2015 à 35% en 2023.

Quelles sont les alternatives à l’aide monétaire ?

Tombolas, collectes, achats solidaires.

Quel est le défi pour les ONG ?

Transformer la solidarité spontanée en une pratique durable et s’adapter aux nouvelles formes d’engagement.

Comparaison : Donner en Argentine

| Aspect | Description | Pourcentage/Résultat |

|——————-|—————————————————————-|————————————-|

| Donateurs d’argent à une ONG | Pourcentage d’Argentins ayant fait un don au cours de l’année | 24% |

| Dons mensuels | Pourcentage de la population ayant fait un don mensuel | 13% dans la population générale, 14% chez les jeunes |

| Pas de dons | pourcentage de la population n’ayant fait aucun don | 76% |

| Jeunes se déclarant solidaires | Pourcentage de jeunes se considérant solidaires | 76% |

| Confiance dans les ONG | Baisse de confiance entre 2015 et 2023 | 58% -> 35% |

| Reconnaissance d’ONG | Pourcentage de jeunes ne pouvant nommer une ONG | 80% |

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