Dans un monde où la performance semble être devenue synonyme de valeur personnelle, aborder la santé mentale sur le lieu de travail n’est plus une option. Au milieu de discours sur le *self-care*, l’équilibre et l’efficacité consciente, une figure trompeuse émerge : le *burnout* déguisé en productivité saine.
Il s’agit d’une forme d’épuisement professionnel silencieuse et de plus en plus courante, dissimulée derrière des routines de « bien-être », des agendas saturés d’activités « saines » et une obsession de « profiter de chaque minute ». Il ne se manifeste pas par les symptômes classiques de fatigue ou de déconnexion, mais se cache derrière un sourire, un cours de yoga à 6h00 du matin et un *bullet journal* parfaitement décoré. Cette forme d’épuisement est difficile à détecter et à admettre.
Selon le psychologue clinicien et organisationnel Emilio Vargas,qui étudie depuis plus de dix ans les effets du stress chronique au travail sur les professionnels performants,il s’agit d’une tendance alarmante.
« Il ne s’agit plus seulement des personnes qui travaillent douze heures devant un écran sans se reposer, mais d’individus qui semblent mener une vie saine et équilibrée, mais qui sont en réalité épuisés émotionnellement et mentalement. »
Emilio Vargas, psychologue clinicien et organisationnel
La clé, selon Vargas, réside dans le déguisement. « Le *burnout* s’est sophistiqué. Avant, il était plus visible : l’employé qui s’endormait en réunion ou qui ne pouvait s’empêcher de bâiller. Aujourd’hui, c’est devenu quelque chose de beaucoup plus subtil, de beaucoup plus accepté socialement. Il se camoufle avec des habitudes qui, en théorie, sont bonnes : se lever tôt, faire de l’exercice, méditer, planifier… mais quand tout cela devient une obligation,quand cela génère de la pression,on est face à un *burnout* déguisé. »
L’essor de la « productivité saine » a été encouragé par des milliers d’influenceurs, de *coachs* et de marques qui vendent des agendas, des applications, des compléments alimentaires et des programmes de développement personnel. La promesse est séduisante : être efficace sans perdre sa paix intérieure. Cette promesse n’est pas toujours tenue.
« Nous sommes confrontés à un paradoxe.On nous dit que nous devons faire des pauses, méditer, manger sainement et dormir huit heures, mais en même temps, on nous demande d’atteindre des objectifs ambitieux, de diriger des projets, de maintenir des réseaux sociaux actifs, de soigner notre image personnelle et de rester disponibles en permanence », explique Vargas.
Selon le spécialiste, il s’agit souvent d’une auto-exploitation déguisée en discipline. L’individu croit prendre soin de lui, alors qu’il est en réalité pris au piège d’une nouvelle forme d’exigence.
« C’est comme si nous avions transformé le *self-care* en une tâche supplémentaire de la liste. Et si nous ne la réalisons pas, nous nous sentons coupables. La personne qui se couche à 22h00 mais n’a pas tenu son *journaling* a l’impression d’avoir échoué. celui qui n’a pas terminé sa routine d’affirmations positives se punit mentalement. Ce n’est pas du *self-care*, c’est de la pression. »
À l’ère numérique, les plateformes sociales jouent un rôle déterminant dans ce piège psychologique. Instagram, TikTok et LinkedIn regorgent de témoignages d’entrepreneurs qui affirment avoir réussi grâce au réveil matinal, à l’exercice physique, à la consommation de thé au curcuma et au maintien d’une routine impeccable. Les moments d’angoisse, de fatigue accumulée ou d’anxiété liés à l’atteinte de normes irréelles sont rarement montrés.
« Nous comparons nos processus internes avec les vitrines externes des autres. C’est un terrain fertile pour le *burnout*. Il ne s’agit pas seulement de travailler beaucoup, mais aussi de bien faire, avec joie, avec gratitude, et de montrer des résultats », précise Vargas.
Cet idéal d’efficacité conduit de nombreuses personnes à maintenir des niveaux d’exigence personnelle insoutenables à long terme. Même lorsqu’elles ressentent les premiers symptômes d’épuisement – problèmes de concentration, irritabilité, insomnie légère – elles les interprètent comme des signes qu’« il faut mieux s’organiser ».
Que dit la science ?
Une étude publiée dans *Occupational Medicine* (2021), intitulée « *Hidden Burnout: When Work-Life Balance Becomes Another Job* », met en évidence cette nouvelle forme d’épuisement avec des preuves empiriques.
* Des chercheurs de l’université d’utrecht ont analysé 1 200 professionnels en Europe et ont conclu que plus de 40 % de ceux qui déclaraient avoir des « habitudes de productivité saine » présentaient des marqueurs de *burnout* dissimulé.* L’étude a révélé que les personnes qui suivaient des rituels stricts de bien-être personnel – comme des routines d’exercice, la tenue d’un *journal*, une alimentation saine et des pauses actives – signalaient également des niveaux élevés de fatigue émotionnelle et d’aliénation personnelle.
« L’une de nos conclusions est que le bien-être ne doit pas devenir un nouveau mandat. Si les pratiques de *self-care* sont liées à une perception constante d’obligation, elles perdent leur effet protecteur et se transforment en une source de stress supplémentaire », ont déclaré les auteurs de l’étude.
Vargas insiste sur le fait que la clé réside dans le sentiment d’obligation. Lorsque les soins personnels cessent d’être agréables et commencent à générer de l’anxiété ou de la culpabilité, ce sont des signaux d’alerte clairs.
« La différence entre une discipline saine et le *burnout* déguisé réside dans la motivation. Si une personne médite parce que cela lui fait du bien, c’est du *self-care*. Si elle le fait parce qu’elle a l’impression qu’elle va échouer si elle ne respecte pas cette partie du rituel matinal, c’est déjà de la pression », clarifie-t-il.
Il met en garde contre l’idéalisation d’une performance élevée et soutenue.« Aucun être humain ne peut être bien, efficace, sain et heureux tous les jours. C’est de la folie. Accepter qu’il y ait des jours gris, des jours improductifs et des moments de faiblesse est un élément fondamental du véritable bien-être.»
La solution, selon le spécialiste, réside dans une reconnaissance honnête et dans la rupture du récit de la réussite continue. Il est nécessaire de remettre en question les routines apparemment saines si elles génèrent une tension interne. « Il faut se demander : cela me donne-t-il la paix ou de l’anxiété ? Est-ce que je le fais pour moi ou pour répondre à une attente ? Parfois, se reposer implique de ne rien faire.C’est aussi valable. »
Vargas recommande également de revoir le discours interne.« Les phrases comme ‘Je n’ai pas le temps de me reposer’, ‘Je dois être plus productif’ ou ‘Si je ne fais pas ça, je perds le rythme’ sont des signes clairs que quelque chose ne va pas. »
Dans un monde qui applaudit les réalisations, l’effort et l’efficacité, il est facile de tomber dans le piège du *burnout* avec succès. Le danger est que ce type d’épuisement soit accepté, encouragé et même admiré par la société actuelle.
« Le problème n’est pas de vouloir être meilleur. Le problème est de transformer cette recherche en une forme de violence contre soi-même, même si elle se présente sous la forme de yoga, de *smoothies* et d’applications de *mindfulness* », conclut Vargas.
Burnout Déguisé : Quand la Productivité Saine Devient une Prison
Table of Contents
Dans un monde obsédé par la performance, le burnout évolue. Il ne se manifeste plus seulement par des signes évidents, mais se cache derrière une façade de bien-être et de productivité.
Qu’est-ce que le Burnout Déguisé ?
le burnout déguisé est une forme d’épuisement professionnel silencieuse et de plus en plus courante. Il se manifeste par des symptômes discrets, souvent masqués par des routines de “bien-être” : exercices matinaux, alimentation saine, méditation, etc.
Les Causes Principales
Obsession de la Performance: La pression constante d’atteindre des objectifs ambitieux et de rester disponible en permanence.
Self-Care Transformé en Tâche: Les pratiques de bien-être deviennent des obligations génératrices d’anxiété et de culpabilité.
Influence des Réseaux Sociaux: Comparaison constante avec des idéaux irréalistes et mise en scène d’une réussite continue.
Les Signes Avant-Coureurs
Problèmes de concentration.
Irritabilité.
Insomnie légère.
L’impression que le self-care est une obligation.
L’anxiété et la culpabilité liées à “l’échec” des routines de self-care.
Analyse de l’Étude Occupational medicine (2021)
Une étude menée par des chercheurs européens a révélé que plus de 40 % des professionnels qui affirment avoir des “habitudes de productivité saine” présentaient des marqueurs de burnout dissimulé.
Tableau Récapitulatif : Burnout Classique vs. burnout Déguisé
| Caractéristique | Burnout Classique | Burnout Déguisé |
| :———————– | :———————————————— | :——————————————————————— |
| symptômes | Fatigue, déconnexion, bâillements en réunion | Dissimulé, apparent bien-être (exercice, alimentation saine, etc.) |
| Motivation | Absence d’énergie. | Obligation interne, Pression de la performance et de l’atteinte d’objectifs. |
| Présentation externe | Facilement détectable. | Subtile, socialement accepté. |
| Routines de bien-être | Évitement ou non-request.| Utilisation compulsive, source de stress si non respectées. |
FAQ
Qu’est-ce que le burnout ?
L’épuisement professionnel.
Qu’est-ce que le burnout déguisé ?
Une forme d’épuisement dissimulée derrière des routines de bien-être.
Quels sont les signes du burnout déguisé ?
Toughés de concentration, irritabilité, anxiété liée aux routines.
Quelle est la différence entre discipline saine et burnout déguisé ?
La motivation : plaisir ou obligation.
Quelle est la solution ?
Reconnaissance honnête et remise en question des routines stressantes.
Comment savoir si mes routines de bien-être sont un problème?
Si elles génèrent de l’anxiété ou de la culpabilité, ce sont des signaux d’alerte.
Que faire ?
Se demander si les routines génèrent la paix ou de l’anxiété.
Quel est le rôle des réseaux sociaux?
Ils alimentent la comparaison et l’idéalisation d’un modèle de réussite irréaliste.
Qui est Emilio Vargas?
Un psychologue clinicien et organisationnel qui étudie le stress au travail.