Publié le 16 févr. 2023 à 11:20Mis à jour le 16 févr. 2023 à 11:21
Une qualité de sommeil améliorée, un cerveau plus performant, des défenses immunitaires renforcées… Ces promesses, vantées par certains laits infantiles, sont-elles scientifiquement étayées ? Non, réaffirme ce jeudi une étude publiée dans le « British Medical Journal » (BMJ). Selon ses auteurs, qui ont analysé 757 préparations pour nourrissons âgés de 0 à 12 mois dans 15 pays, les trois quarts des produits ne mentionnent aucune référence scientifique attestant de ces bienfaits supposés.
« Lorsque les allégations citaient des preuves scientifiques, seules 14 % des citations étaient des essais cliniques enregistrés et 90 % de ceux-ci présentaient un risque élevé de biais », déplorent les auteurs. Les essais cliniques cités ont en effet été menés par des chercheurs ayant reçu un financement ou ayant des liens avec les fabricants. Les auteurs évoquent un « manque d’indépendance ou de transparence » qui « peut être trompeur pour les parents et les travailleurs de santé, affectant par la suite leurs recommandations ».
Marketing « prédateur »
Les allégations pointées du doigt par l’étude sont nombreuses. Parmi les plus citées figurent les mentions suivantes, inscrites sur les emballages : « renforce/soutient un système immunitaire sain », « aide/soutient le développement du cerveau et/ou des yeux et/ou du système nerveux », « aide/soutient la croissance et le développement », « facile à digérer » ou encore « soutient la santé digestive ». « Il est clair que la plupart des parents sont exposés à la commercialisation des préparations pour nourrissons pendant la grossesse ou la période postnatale et sont souvent induits en erreur par des allégations », estiment les auteurs.
Ces derniers déplorent le manque de réaction des autorités malgré la multiplication d’études ces dernières années mettant en lumière ce phénomène marketing. L’étude du BMJ publiée ce jeudi survient d’ailleurs une semaine seulement après une série d’articles parus dans la revue scientifique « The Lancet » appelant à durcir la réglementation imposée aux industriels des préparations pour nourrissons. Les industriels y sont accusés d’un marketing « prédateur » exploitant les craintes des nouveaux parents pour les convaincre de ne pas allaiter.
Une précédente étude, publiée au printemps dernier par l’Organisation mondiale de la santé (OMS), allait également dans ce sens. « Les techniques de marketing cyniques utilisées pour promouvoir les substituts de lait maternel incitent à la surconsommation, découragent l’allaitement maternel, sapent la confiance des mères et exploitent le penchant naturel des parents à vouloir faire au mieux pour leurs enfants », dénonçait-elle.
Appel à des emballages neutres
Daniel Munblit, maître de conférences honoraire à l’Imperial College de Londres et coauteur de l’étude parue dans le BMJ, se défend de toute « croisade » des chercheurs contre les laits artificiels, qui doivent rester une option pour les mères ne pouvant ou ne souhaitant pas allaiter. « Mais nous sommes fortement opposés à un marketing inapproprié sur les préparations pour nourrissons, lorsque celui-ci fournit des allégations trompeuses non étayées par des preuves solides ».
Les chercheurs du BMJ soulignent les progrès réalisés ces dernières années dans « la mise en oeuvre des exigences obligatoires en matière de composition et d’information pour les préparations pour nourrissons ». Mais ils estiment que « la transparence fait toujours défaut en ce qui concerne les allégations nutritionnelles et de santé ». Ils réclament donc l’interdiction de ces allégations pour les substituts du lait maternel à travers l’instauration d’emballages neutres.
Comme plusieurs organisations internationales (First Steps Nutrition Trust, 44 International Baby Foods Action Network, l’OMS ou encore l’Unicef), ils recommandent par ailleurs de privilégier l’allaitement maternel, en raison de ses avantages pour la santé des bébés.