Après avoir situé leurs deux précédents romans historiques dans la Rome de César, les auteurs se tournent vers la Pavie des années 90 pour élaborer un polar dans les règles de l’art. Il s’agit de « Là où la brume se mange ». Tout commence par l’explosion d’un camping-car : accident ou crime ? C’est Alida Savich, magistrate au caractère bourru mais à l’action résolue, qui mène l’enquête.
La brume prend une importance particulière dès le titre et le début, et la conserve tout au long du livre. Pourquoi ce choix ?
L’histoire se déroule à l’automne 93 : à cette époque, plus qu’aujourd’hui, la brume avait un caractère distinctif pour la Bassa. Nous avons tous deux connu, pendant notre enfance et notre jeunesse, l’omniprésence de cet élément atmosphérique, qui modifie l’aspect de toute la ville, et pas seulement visuellement. La brume constitue, dans la réalité mais surtout dans notre fiction, une sorte de voile capable d’inhiber ou de fausser la perception, d’atténuer les bruits, de changer l’odeur de l’air et, parfois, de faire perdre la notion du temps.
Ce polar marque la naissance d’une enquêtrice : Alida Savich, surnommée « monstre ». D’où vient l’idée de créer une protagoniste dotée de telles particularités ?
Il faut imaginer Alida comme une petite femme d’un mètre cinquante-cinq, extrêmement menue, mais pourtant infatigable et déterminée.Ce qui la distingue, ce n’est pas tant sa finesse d’esprit que sa force, son entêtement et son courage pour surmonter tous les obstacles qui se présentent à elle, obtenant finalement ce qu’elle veut. C’est pourquoi travailler avec elle peut être vraiment éprouvant et, ce n’est pas un hasard, certains collègues lui ont donné le surnom de “monstre”. Malgré cela, ce n’est pas une femme à l’abri des fragilités : son passé est constellé de traumatismes et son présent assombri par les signes avant-coureurs, de plus en plus graves, d’une maladie.L’idée de nous concentrer sur une protagoniste de ce genre découle, en partie, de la volonté de nous inspirer des personnages féminins de notre livre précédent, “La saison des erinyes”.Nous avons voulu établir un parallèle entre ces femmes – qui, dans la Rome antique, luttaient avec détermination et agressivité pour leur propre affirmation – et une femme moderne, qui a elle aussi dû affronter les préjugés de genre de son temps et qui relève chaque jour les défis que la vie lui présente.
Le roman est constamment accompagné d’une musique de fond : que ce soit Vivaldi ou Tchaïkovski,les événements sont rythmés par des sonates et des compositions. Pourquoi ?
La musique est intimement liée à la protagoniste. Alida a fréquenté le conservatoire et, jusqu’à quelques années avant les événements narrés, elle jouait du piano. Cela fait que le répertoire classique est pour elle une constante,une référence mentale toujours présente,presque involontaire. Et puis,la musique est liée au concept de temps,un autre élément clé du roman.
Comment abordez-vous l’écriture à quatre mains ?
Nous pensons qu’une harmonie de base est essentielle : nous sommes amis depuis le lycée. Mais cela ne suffit pas : il faut des règles et nous en avons deux que nous définissons comme d’or. La première concerne la méthode : la conception du roman doit être méticuleuse et précéder toujours la phase d’écriture. La seconde, ensuite, veut que, si nous sommes en désaccord sur quelque chose et que nous avons des visions opposées, aucune des deux ne prévaudra et nous chercherons, ensemble, une troisième voie. Parce que, dans la plupart des cas, c’est de la médiation que naissent les meilleures intuitions.