« Le problème avec les fausses nouvelles n’est pas que les gens y croient. Le problème est qu’ils ne croient plus rien du tout. »
Yuval Noah Harari, 21 Leçons pour le XXIe siècle
En février 2022, l’invasion à grande échelle de l’Ukraine par la Russie a déclenché le plus grand conflit européen depuis la Seconde Guerre mondiale. Cette guerre ne se déroule pas seulement avec des chars et des missiles, c’est aussi une bataille acharnée pour la vérité et la perception.
De Kyiv à Moscou, de Washington à Pékin, la propagande, la désinformation et la manipulation médiatique sont devenues des outils essentiels de la guerre moderne.
Bien que la plupart de l’attention reste concentrée sur les champs de bataille physiques, la lutte pour la domination narrative façonne fortement la trajectoire de la guerre. La guerre de l’information se déroule à l’échelle mondiale, et l’Asie observe attentivement.alors que les tensions géopolitiques augmentent dans l’Indo-Pacifique,en particulier à Taïwan,en mer de Chine méridionale et,comme toujours,dans la péninsule coréenne,le conflit russo-ukrainien offre des leçons importantes sur la façon dont la désinformation peut être utilisée pour déstabiliser,diviser et dominer.
#### La propagande comme arme stratégique
La propagande est utilisée depuis longtemps pour fabriquer le consentement, justifier l’agression et réprimer la dissidence. Au XXIe siècle, cependant, sa portée et son ampleur ont augmenté de façon exponentielle grâce aux plateformes numériques, à l’amplification algorithmique et à un paysage médiatique fragmenté.
Les médias d’État russes tels que RT et Sputnik sont devenus essentiels à la stratégie narrative du Kremlin. Ces plateformes ne se contentent pas de diffuser des informations, elles façonnent les réalités.
En présentant les actions de la Russie comme « défensives » et en dépeignant l’Ukraine comme un État fantoche occidental, Moscou a rallié le soutien national et brouillé les eaux internationales.
Mais l’Occident a ses propres récits. Les médias américains et européens présentent le conflit comme une invasion non provoquée d’une nation souveraine, un cadre renforcé par l’OTAN, les institutions de l’UE et les organisations mondiales de défense des droits de l’homme.
Le résultat ? Des réalités concurrentes où les publics consomment des versions radicalement différentes du même événement.
Le Rapport sur les risques mondiaux 2024 du Forum économique mondial classe la « mésinformation et la désinformation » parmi les principales menaces à la stabilité mondiale. Dans les zones de conflit, cette menace est amplifiée.
De faux récits,des deepfakes et des campagnes coordonnées brouillent la frontière entre le fait et la fiction,affaiblissant la confiance du public dans le journalisme,la gouvernance et même la démocratie elle-même.
Cette érosion de la confiance s’étend bien au-delà de l’Ukraine. En Asie, des gouvernements, de l’Inde aux Philippines, ont été confrontés à des campagnes de désinformation (étrangères et nationales) qui polarisent les sociétés et faussent les élections.
À Taïwan, la propagande numérique de la Chine vise à discréditer le processus démocratique et à semer la division. Ce ne sont pas des incidents isolés, ce sont des aperçus d’un avenir façonné par une guerre invisible.
#### Division des médias : Russie contre Occident
Le cadrage médiatique joue un rôle décisif dans la façon dont les populations comprennent les conflits. Selon la théorie du cadrage d’Erving Goffman, la façon dont l’information est présentée influence la façon dont les gens perçoivent la réalité.
Prenons l’exemple de la frappe de missile de 2022 sur un center commercial à kremenchuk, une ville d’Ukraine. Les médias occidentaux l’ont qualifiée d’attaque russe délibérée contre des civils, citant des images satellites et des sources ukrainiennes. Les médias russes ont affirmé que la cible était une installation militaire et ont accusé les médias occidentaux d’exagération.
L’incident illustre comment le même événement peut générer deux vérités divergentes : une pour l’Occident, une autre pour le public national russe.
La propagande ne se contente pas de manipuler les faits,elle fabrique un consensus. Lors de l’annexion de la Crimée par la Russie en 2014, les médias d’État ont affirmé que 95 % des habitants soutenaient cette décision, malgré les informations faisant état de coercition et d’absence d’observateurs internationaux.
L’objectif n’était pas seulement de légitimer l’annexion, mais aussi de faire taire la dissidence en présentant l’unité comme un fait.
En Asie, des tactiques similaires ont été utilisées pour encadrer des actions controversées. La gestion par la Chine des manifestations de Hong Kong, le récit de l’Inde autour du Cachemire ou la couverture par le Myanmar de la crise des Rohingyas montrent tous comment les gouvernements utilisent le contrôle des médias pour construire l’illusion d’un consensus national tout en marginalisant les voix de l’opposition.
#### Réalités parallèles et polarisation mondiale
L’une des conséquences les plus troublantes de la guerre de l’information est la création de réalités parallèles.En Russie, l’invasion de l’Ukraine est largement considérée comme une « opération militaire spéciale » visant à protéger les Russes de souche et à contrer l’agression de l’OTAN. En Occident, elle est considérée comme une violation flagrante du droit international.
Cette polarisation rend le dialog diplomatique presque unfeasible. Lorsque les populations sont nourries de visions du monde mutuellement exclusives, le compromis devient un signe de faiblesse, pas de progrès.
Ce schéma est également visible en Asie,des relations entre la Chine et Taïwan aux divisions internes sur la politique étrangère au Japon et en Corée du Sud.
Malgré la propagande intense des médias russes et de leurs alliés, l’opinion publique ukrainienne est restée largement pro-occidentale. Un sondage réalisé en 2023 par l’Institut international de sociologie de Kyiv a révélé que 89 % des Ukrainiens soutiennent l’adhésion à l’OTAN. Même dans les régions historiquement pro-russes, le soutien à la souveraineté ukrainienne est en augmentation.Cependant, la fatigue de la guerre s’installe. Gallup a rapporté que le soutien à la lutte jusqu’à la victoire totale est passé de 73 % en 2022 à 38 % en 2023. Ces changements de sentiments mettent en évidence le bilan psychologique d’un conflit prolongé, une réalité que les régimes autoritaires exploitent souvent par la manipulation de l’information.#### Le dilemme de la désinformation en Asie
La guerre russo-ukrainienne offre une sombre prévision de ce que la désinformation non contrôlée peut faire,non seulement aux nations en guerre,mais aussi au système international dans son ensemble.
Pour l’Asie, les implications sont claires : si la désinformation n’est pas contestée, elle continuera d’éroder la confiance du public, de saper les institutions démocratiques et d’enflammer les tensions régionales.
L’Indo-Pacifique est déjà un point chaud pour les batailles narratives. L’expansion médiatique de la Chine, la cyber-propagande de la Corée du Nord et la désinformation intérieure croissante en Asie du Sud-Est indiquent toutes un avenir où les opérations d’influence numérique deviendront la norme.
L’Asie doit investir dans l’éducation aux médias, la cybersécurité et la collaboration transfrontalière pour se défendre contre cette guerre invisible. Sinon, la prochaine grande bataille pourrait ne pas se dérouler avec des armes, mais avec des mots, et l’Asie pourrait être la prochaine ligne de front.
Le conflit russo-ukrainien ne fait pas que remodeler l’Europe de l’Est, il redéfinit la façon dont les guerres sont menées et comprises. Comme le suggère Harari, la plus grande menace n’est peut-être pas que les gens croient aux mensonges, mais qu’ils cessent de croire à quoi que ce soit.
Pour l’Asie, les enjeux ne pourraient être plus élevés. Alors que l’information devient une arme, la région doit agir de manière décisive pour protéger la vérité, la transparence et la confiance, avant que la réalité elle-même ne devienne un autre champ de bataille.
L’Asie face à la guerre de l’details : Leçons du conflit russo-ukrainien
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Le texte suivant examine comment la guerre de l’information, alimentée par la propagande et la désinformation, redéfinit la guerre moderne et menace la stabilité mondiale, en particulier en Asie. Il s’inspire de l’observation de yuval Noah Harari selon laquelle le problème principal n’est pas que les gens croient aux mensonges, mais qu’ils cessent de croire en quoi que ce soit.
La propagande, arme de guerre moderne
L’invasion de l’Ukraine par la Russie en 2022 a mis en lumière l’utilisation croissante de la propagande comme outil stratégique. Grâce à internet et aux réseaux sociaux, la désinformation se propage rapidement.
Les acteurs majeurs impliqués dans cette guerre de l’information sont :
La Russie : Utilise des médias d’État comme RT et Sputnik pour diffuser des récits pro-russes et déstabiliser les oppositions.
L’Occident : Présente le conflit comme une invasion non provoquée.
Les plateformes numériques et les algorithmes : Amplifient la portée de la désinformation.
Le résultat est la création de « réalités concurrentes », où les audiences perçoivent des versions radicalement différentes des événements, et une érosion de la confiance dans le journalisme et les institutions démocratiques.
Division des médias : Le cadrage des événements
Le cadrage médiatique joue un rôle essentiel dans la façon dont le public comprend les conflits.Un même événement peut ainsi être interprété de manières très divergentes.
Par exemple, le bombardement d’un center commercial à Kremenchuk en Ukraine a été présenté différemment par les médias occidentaux et russes, illustrant comment des réalités concurrentes sont construites.
Réalités parallèles et polarisation mondiale
La guerre de l’information crée des réalités parallèles qui rendent le dialogue diplomatique difficile.
En Russie, l’invasion est perçue comme une « opération spéciale » pour protéger la population russophone ; en Occident, elle est vue comme une violation du droit international.
cette polarisation se retrouve en Asie, divisant les opinions sur les relations avec Taïwan et les politiques étrangères dans des pays comme le Japon et la Corée du Sud.
Le dilemme de la désinformation en Asie : Implications et solutions
L’Asie est particulièrement vulnérable à la désinformation. Pour contrer ce phénomène, il est nécessaire d’investir dans :
L’éducation aux médias
La cybersécurité
la collaboration transfrontalière
Sinon, l’asie pourrait devenir le prochain champ de bataille de la guerre de l’information.
Tableau récapitulatif : Les enjeux de la désinformation
| Aspect | Description | Conséquences |
| :—————————– | :———————————————————————————————————————————————————————- | :—————————————————————————————————————————————– |
| Propagande | Utilisation stratégique de la désinformation pour manipuler l’opinion publique et justifier des actions politiques. | Érosion de la confiance, polarisation de la société. |
| Cadrage médiatique | Façon dont les informations sont présentées, influençant la perception des événements. | Création de réalités concurrentes et de points de vue opposés. |
| Réalités parallèles | Visions du monde mutuellement exclusives, rendant le dialogue difficile. | Entrave au progrès diplomatique, divisions sociales.|
| Désinformation en Asie | Les implications de la désinformation pour les nations en guerre et le système international. | Érosion de la confiance publique, atteinte aux institutions démocratiques, tensions régionales accentuées. |
| Solutions pour l’Asie | Investir dans l’éducation aux médias, la cybersécurité, et la collaboration transfrontalière. | Renforcer la résilience face à la désinformation, protéger la vérité, la transparence et la confiance. |
FAQ
Q : Qu’est-ce que la guerre de l’information ?
R : L’utilisation stratégique de la désinformation, de la propagande et de la manipulation médiatique pour influencer l’opinion publique et atteindre des objectifs politiques ou militaires.
Q : Pourquoi la désinformation est-elle un problème ?
R : Elle érode la confiance, polarise les sociétés et sape les institutions démocratiques, rendant le dialogue et le compromis difficiles.
Q : Comment les médias contribuent-ils à la désinformation ?
R : Des médias d’État comme RT et Sputnik contribuent à la désinformation en diffusant des récits pro-russes.
Q : Quelles sont les solutions pour lutter contre la désinformation ?
R : Éducation aux médias, cybersécurité, collaboration transfrontalière et vérification des faits.
Q : Pourquoi l’Asie est-elle particulièrement vulnérable à la désinformation ?
R : L’Asie est confrontée à des tensions géopolitiques croissantes,en particulier autour de Taïwan,en mer de Chine méridionale et dans la péninsule coréenne.