Un Rêve Brisé, Une Nouvelle Voie

Carolina Cruz-Neira est la preuve vivante que même un “plan B” peut mener à des sommets inattendus. Son ambition première était de devenir danseuse de ballet professionnelle. Cependant, une blessure a mis fin à ce rêve, la propulsant vers un domaine totalement différent : la réalité virtuelle.

Cruz-Neira est surtout connue pour avoir développé le Cave Automatic Virtual Surroundings, ou CAVE, dans les années 1990. Ce système de réalité virtuelle immersif transforme une petite pièce en un monde numérique 3D interactif. Au cours de ses presque 40 ans de carrière, elle a également créé des outils de réalité virtuelle pour des domaines aussi variés que la recherche médicale et la défense.

L’Art et la Technologie : Une Convergence Inattendue

Contrairement à de nombreux ingénieurs, Cruz-Neira n’avait que peu d’intérêt pour la technologie durant son enfance. Lorsque ses rêves de carrière dans le ballet se sont évanouis,elle s’est tournée vers les compétences techniques qu’elle avait développées,commençant à travailler comme ingénieure logiciel. Mais son cœur n’y était pas, jusqu’à ce qu’une introduction à la technologie de réalité virtuelle la lance sur une nouvelle trajectoire.

J’ai découvert que je pouvais travailler avec des systèmes informatiques en temps réel d’une manière très visuelle et en contact avec les utilisateurs,ce qui équivaut à la façon dont vous êtes en contact avec votre public en tant que danseur, explique-t-elle.

Une Enfance Entre Deux Mondes

L’enfance de Cruz-Neira s’est partagée entre l’Espagne, où elle est née, et le Venezuela, où ses parents dirigeaient une entreprise d’importation de mode. Elle a commencé les cours de ballet à l’âge de trois ans, et à l’adolescence, elle passait deux ou trois heures chaque soir au studio de danse. J’avais toujours mes chaussons de ballet dans mon sac à dos, se souvient-elle. donc, même si j’étais à l’école, je dansais dans les couloirs.

Sa détermination à consacrer tout son temps libre au ballet, combinée à une aptitude naturelle pour les mathématiques et les sciences, l’a poussée à étudier des matières plus techniques. Je pouvais faire mes devoirs de maths en 10 minutes, mais si je devais lire un livre et écrire un essai, cela me prendrait des heures, dit-elle. Alors, je me suis lancée dans les sciences et l’ingénierie juste parce que j’avais besoin de plus de temps au studio de danse.

Bien qu’elle soit déterminée à faire carrière dans le ballet, son père l’a encouragée à obtenir un diplôme de licence comme plan de secours. Il lui a dit que les ordinateurs étaient l’avenir et l’a encouragée à étudier l’ingénierie des systèmes à l’Université Métropolitaine de Caracas, où elle s’est inscrite en 1982.

Le Coup du Sort

En 1986, à l’âge de 21 ans, Cruz-Neira s’est cassé le genou lors d’un accident de ski, mettant fin à ses espoirs de devenir ballerine professionnelle. la nouvelle a été dévastatrice, dit-elle. La même année, elle a commencé comme stagiaire chez Teleprovenca, une entreprise vénézuélienne qui fournissait des services informatiques aux grandes entreprises. cruz-Neira a obtenu son diplôme avec mention très bien l’année suivante et a accédé à un poste à temps plein en tant qu’architecte logiciel.

Elle excellait dans ce rôle et a été promue de stagiaire à responsable en moins de deux ans. Mais elle y trouvait peu de plaisir. C’était une période très sombre de ma vie, confie-t-elle. J’étais presque comme un robot qui faisait les choses mécaniquement.

Un Nouveau Départ aux États-Unis

Elle a continué à développer ses compétences techniques. En 1989, elle a obtenu une bourse pour étudier aux États-Unis et s’est inscrite à un program de maîtrise à l’Université de l’Illinois à Chicago pour étudier l’ingénierie électrique et l’informatique. La première année de Cruz-Neira a été consacrée à l’apprentissage de l’anglais et à des cours sur des sujets tels que les bases de données, la mise en réseau et le calcul parallèle.

C’est lors de sa deuxième année qu’elle a découvert l’Electronic Visualization Laboratory (EVL) de l’université, un programme conjoint offert par les départements d’ingénierie et d’art, axé sur l’infographie et l’animation par ordinateur. Là, Cruz-Neira a enfin trouvé un moyen de relier ses compétences techniques à ses passions artistiques.

C’est à ce moment-là que j’ai recommencé à être motivée et enthousiaste par ce que je faisais, dit-elle. C’était un environnement très stimulant.

la Naissance du CAVE

La thèse de maîtrise de Cruz-Neira portait sur l’utilisation de graphiques 3D interactifs pour présenter des données financières. Après avoir obtenu son diplôme en 1991, elle a brièvement occupé un emploi chez IBM, développant des outils de visualisation de données pour les courtiers en bourse à Wall Street. Mais elle trouvait la structure de l’entreprise trop restrictive. Je me sentais comme un cheval de course attaché à l’arrière de l’écurie, parce que j’avais toutes ces idées mais je devais rester concentrée sur le projet, explique-t-elle.

Quelques mois après avoir commencé son travail, son conseiller de programme de maîtrise lui a proposé de l’accepter comme étudiante au doctorat à l’Electronic Visualization Laboratory, une opportunité qu’elle ne pouvait pas laisser passer. Juste avant de commencer son doctorat,en août 1991,Cruz-Neira a assisté à la conférence du special Interest Group on Computer Graphics and Interactive Techniques (SIGGRAPH),qui présentait une exposition de premiers appareils de réalité virtuelle. Elle est immédiatement tombée amoureuse de la technologie. Quel que soit le monde numérique que vous pouviez imaginer dans un ordinateur, vous pouviez réellement mettre une personne au milieu de ce monde, dit-elle.

Elle a constaté que les casques de réalité virtuelle primitifs limitaient les types d’expériences qui pouvaient être créées. La découverte fortuite de vieux projecteurs industriels dans l’un des entrepôts de l’université lui a donné l’inspiration pour une approche entièrement nouvelle.

Elle a connecté les machines à des stations de travail graphiques construites par Silicon Graphics et les a utilisées pour projeter un environnement virtuel sur des draps scotchés aux murs. ses professeurs ont adoré l’idée, et Cruz-Neira a commencé à la développer en un Cave Automatic Virtual Environment, désigné par l’acronyme récursif CAVE.

Un an plus tard, en 1992, elle a dévoilé la première version de CAVE à SIGGRAPH. Les utilisateurs portaient des lunettes stéréoscopiques synchronisées avec le projecteur qui transformait les images 2D affichées sur les murs en graphiques 3D. Un système de capture de mouvement détect