Un Écosystème Riche et Varié

Cette région abritait une faune diversifiée, incluant des tortues géantes, des serpents, des crocodiles, des éléphants, des siréniens, des paresseux géants, des rongeurs, des mastodontes, divers oiseaux tels que des jacanas, des cigognes, des hérons, des flamants roses, des cormorans, des aigles, et une grande variété de primates. Certains de ces mammifères appartenaient à des groupes aujourd’hui disparus,comme les créodontes prédateurs,les anthracothères (similaires aux hippopotames) et les embrithopodes.

L’Oasis de Fayoum : Un Lieu Chargé d’Histoire

L’Oasis de Fayoum abrite la ville du même nom, qui a porté différents noms au cours de l’histoire. Les Égyptiens l’appelaient Shedet,tandis que les Grecs la connaissaient sous le nom de Crocodilopolis. Au IIIe siècle avant J.C., sous la dynastie ptolémaïque, le pharaon Ptolémée II Philadelphe la rebaptisa du nom de sa sœur et épouse, Arsinoé II, qui fut divinisée après sa mort. C’est près des ruines du temple d’Arsinoé que les premiers fossiles d’Arsinoithherium ont été découverts, d’où son nom en hommage à la reine égyptienne.

Arsinoithherium : Un Herbivore Remarquable

L’Arsinoithherium est un herbivore massif dont l’apparence rappelle celle d’un rhinocéros. Cette similitude est un exemple de convergence évolutive, où différentes espèces développent des caractéristiques similaires en réponse à des pressions environnementales similaires. La morphologie du rhinocéros s’avère être une adaptation efficace pour un herbivore, comme le démontrent l’Arsinoithherium, les rhinocéros eux-mêmes, les brontothères, et les uintathères, voire même certains dinosaures cératopsiens.

Arsinoithherium Zitteli et Arsinoithherium Giganteum

L’espèce découverte à Fayoum, Arsinoithherium zitteli, est la plus connue et la première à avoir été décrite. Elle a été nommée en l’honneur du paléontologue allemand Karl Alfred von Zittel, un pionnier de la paléontologie en Égypte. Cette espèce mesurait environ 1,80 mètre au garrot et 3 mètres de long, avec un poids pouvant atteindre deux tonnes. Une autre espèce, arsinoithherium giganteum, est connue uniquement grâce à des dents découvertes en 2003 dans le nord de l’Éthiopie. Ces dents sont beaucoup plus grandes que celles de l’espèce égyptienne, ce qui laisse supposer que sa hauteur au garrot atteignait environ 2,5 mètres.

Anatomie et Adaptations

La tête de l’Arsinoithherium est allongée, comme celle des rhinocéros. Son cerveau est petit et simple, similaire à celui des siréniens primitifs. Sa dentition est complète, avec 44 dents, comme chez de nombreux mammifères primitifs, et ne présente pas les diastèmes (espaces entre les dents) typiques des herbivores. Les molaires sont épaisses, adaptées pour broyer une végétation dure.

Le squelette est robuste. Les proportions du corps et des jambes rappellent davantage celles de l’éléphant que celles du rhinocéros. Les jambes, relativement longues et en forme de colonnes, possèdent cinq doigts et offrent un bon support dans l’environnement marécageux où vivait l’Arsinoithherium. Bien qu’il soit capable de courir, sa grande taille le protégeait probablement des prédateurs de l’époque.

Les Cornes : Un Ornement Impressionnant

La caractéristique la plus distinctive de l’Arsinoithherium est la paire d’énormes cornes triangulaires aplaties qui ornent sa tête. Ces cornes sont inclinées vers l’avant et légèrement sur les côtés, et leur base occupe presque toute la partie supérieure du crâne, depuis le dessus des yeux jusqu’aux narines. Une autre paire de petites cornes arrondies se trouve immédiatement derrière la première paire. Avec l’âge, les cornes du museau devenaient plus larges, plus longues et plus pointues.

Les cornes de l’Arsinoithherium ne sont pas faites de kératine comme celles des rhinocéros, mais d’os creux. La texture de l’os qui forme les cornes, avec des canaux neurovasculaires bifurqués, des rainures longitudinales et des trous obliques, ainsi que des rugosités à la base de la corne, rappelle celle des cornes des bovidés. Chez ces derniers, les cornes sont recouvertes d’une gaine de kératine qui offre une résistance aux impacts. On peut donc supposer que les cornes de l’Arsinoithherium étaient également recouvertes d’une couche de kératine et qu’elles n’étaient pas de simples ornements, mais qu’elles étaient utilisées lors des combats pendant la période de reproduction. Avec cette gaine, les cornes auraient été encore plus longues que ce que les fossiles nous montrent. Et ce n’est pas peu dire : chez certains spécimens, les cornes osseuses atteignent un mètre et demi de long.