Fractures générationnelles : le fossé hommes-femmes en politique s’élargit
Un clivage croissant entre les jeunes hommes et les jeunes femmes redéfinit le paysage politique mondial.
Le cas sud-coréen : un avant-goût de la polarisation à venir ?
En Corée du Sud, l’élection présidentielle du 3 juin a mis en lumière une tendance inquiétante : les jeunes électrices devraient massivement s’opposer aux partis conservateurs au pouvoir, perçus comme étant en crise. Paradoxalement, cette vague d’opposition ne semble pas partagée par leurs homologues masculins.
Le saviez-vous ? La Corée du Sud est souvent considérée comme un baromètre des tendances sociales et politiques en Asie de l’Est.
Lee Jung-min, un jeune électeur sud-coréen, illustre ce phénomène. Il prévoit de voter pour Lee Jun-seok, du Parti de la Réforme, un parti conservateur minoritaire. la promesse phare de ce candidat est l’abolition du “ministère des Familles et des Femmes”, une mesure qui séduit particulièrement les hommes mécontents du service militaire obligatoire.
Je pense que c’est l’une des réalités les plus injustes de vivre en Corée en tant que jeune homme. Dans sa période la plus active,entre 21 et 22 ans,contrairement aux femmes,il doit servir dans l’armée pendant 18 mois et est incapable de participer à diverses activités sociales.
Un sondage Gallup réalisé ce mois-ci révèle que près de 30% des hommes sud-coréens âgés de 18 à 29 ans soutiennent le Parti de la Réforme, contre seulement 3% des femmes du même âge. Globalement, une majorité d’hommes soutiennent les partis de droite, tandis qu’environ la moitié des femmes se disent favorables au parti d’opposition “Ensemble Démocrates”. Ce clivage s’atténue avec l’âge.
Conseil pratique : Pour mieux comprendre les enjeux, suivez l’actualité politique sud-coréenne via des sources d’information diversifiées et indépendantes.
Lee Soo Hyun, économiste politique au King’s College de Londres, souligne que de nombreux jeunes hommes sud-coréens se sentent incapables de répondre aux attentes de la société : obtenir de bons emplois, se marier, acheter une maison et fonder une famille.
Face à cette frustration, le féminisme est souvent pointé du doigt, devenant un bouc émissaire commode
dans un pays où l’immigration est faible.
La colère des jeunes hommes : un phénomène mondial
La polarisation politique entre les sexes ne se limite pas à la Corée du Sud. Partout dans le monde, les jeunes hommes de la génération Z ont le sentiment que leur position est menacée, en particulier depuis la pandémie. Dans certains pays, l’écart salarial entre hommes et femmes s’est inversé chez les jeunes actifs, les femmes gagnant désormais plus.
En France, lors des élections législatives de 2024, le pourcentage d’hommes âgés de 18 à 34 ans votant pour le Rassemblement National (RN) était nettement supérieur à celui des femmes. Au Royaume-Uni, les hommes âgés de 16 à 24 ans affichent un soutien plus vital aux conservateurs que les femmes. De plus, les jeunes qui ne sont ni étudiants ni employés sont majoritairement des hommes.
Question pour les lecteurs : Selon vous, quels sont les facteurs qui contribuent à la colère et à la frustration des jeunes hommes dans votre pays ?
Dans les pays occidentaux, l’immigration et les politiques de promotion de la diversité sont souvent perçues par les jeunes hommes comme la source de la lutte pour l’emploi.
En Allemagne, lors des élections au Bundestag en février, le parti d’extrême droite anti-immigration “Alternative für Deutschland (AfD)” a obtenu un score record de 20,8%. Ce succès est en partie dû au soutien des jeunes hommes. Cependant, il est important de noter que la dirigeante du parti est une femme.
Parmi les hommes âgés de 18 à 24 ans,27% ont voté pour l’AfD,tandis que 35% des femmes de la même génération ont voté pour le parti d’extrême gauche “Die Linke”.
Molly Lynch, une jeune femme berlinoise, explique son soutien à Die Linke par ses positions sur le changement climatique et les inégalités économiques. Elle estime que beaucoup de jeunes hommes se laissent influencer par la propagande de droite. Ils ont l’impression de s’affaiblir, mais je pense qu’ils perdent simplement leur pouvoir sur les femmes qui n’ont jamais été égales.
Un clivage qui s’étend aux millennials
Cette division entre les sexes ne se limite pas à la génération Z. Au Canada, la moitié des hommes âgés de 35 à 54 ans ont voté pour les conservateurs de l’opposition le mois dernier. L’élection a été remportée par le Parti Libéral au pouvoir, qui a bénéficié du soutien des électrices, profitant du rejet des politiques tarifaires de l’ancien président américain Donald Trump.
Un homme avec de l’expérience de la vie a l’impression que ça ne va pas bien, il a besoin de changement
, explique Bricker, responsable du secteur public chez Ipsos, une société de sondage. Nick Nanos, fondateur de Nanos Research, partage cet avis, soulignant que les réseaux sociaux accélèrent le syndrome de la jeunesse en colère
dans les démocraties. Cette tendance est particulièrement visible dans les régions où des emplois industriels ont été perdus.
Une bataille sans fin ?
La rhétorique de Donald Trump sur la relance de l’industrie manufacturière et la critique des politiques de diversité lors de l’élection présidentielle américaine de 2014 ont trouvé un écho auprès des jeunes hommes blancs et hispaniques, mais ont été rejetées par les jeunes femmes, creusant ainsi le fossé politique entre les sexes aux États-Unis.
Environ la moitié des hommes âgés de 18 à 29 ans ont voté pour Trump, tandis que 61% des jeunes femmes ont soutenu Kamala Harris, sa rivale.Les jeunes Noirs,hommes et femmes,ont massivement soutenu Harris.
En Australie, où des élections ont eu lieu ce mois-ci, les tendances de vote de la génération Z ne montrent pas de différences significatives entre les sexes. Le système de vote obligatoire pourrait freiner la propagation d’idées extrêmes
, suggère Intifer Chaudhry, politologue à l’Université nationale australienne.
Quel avenir pour la génération Z ?
Les experts estiment que cette division persistera si les gouvernements ne s’attaquent pas aux problèmes fondamentaux tels que la hausse des prix du logement et la précarité de l’emploi. Les problèmes de santé mentale chez les jeunes hommes, en particulier le taux élevé de suicide, sont également cités comme un enjeu politique majeur.
Lee soo Hyun prévient que cette division pourrait rendre difficile la formation d’un consensus social sur des réformes globales telles que les systèmes fiscaux et de protection sociale.
Si les générations qui seront responsables de l’avenir sont extrêmement divisées par sexe et refusent de se faire face et de construire un consensus social, il deviendra extrêmement difficile de relever les défis majeurs.
Lee Soo Hyun,économiste politique au King’s College de Londres
FAQ : Comprendre le fossé générationnel et politique entre les sexes
Pourquoi observe-t-on un tel clivage entre les jeunes hommes et les jeunes femmes en politique ?
Plusieurs facteurs contribuent à ce phénomène,notamment les inégalités économiques,les perceptions différentes des politiques de diversité et d’immigration,et l’influence des réseaux sociaux.
Ce clivage est-il propre à certains pays ?
Non, cette tendance est observée dans de nombreuses démocraties à travers le monde, bien que son ampleur puisse varier en fonction du contexte local.
Quelles sont les conséquences potentielles de cette division ?
Cette division pourrait rendre plus difficile la formation d’un consensus social sur des questions importantes et entraver la mise en œuvre de réformes nécessaires.
Que peut-on faire pour réduire ce fossé ?
Il est essentiel de s’attaquer aux problèmes fondamentaux tels que la précarité de l’emploi, la hausse des prix du logement et les problèmes de santé mentale chez les jeunes. Il est également critically important de promouvoir le dialogue et la compréhension mutuelle entre les sexes.
