Iran : Le match de 2005, catalyseur de la lutte pour l’accès des femmes aux stades

TÉHÉRAN – 17 Mai 2024 –

Le match Iran-Bahreïn de 2005 à Téhéran a été bien plus qu’une victoire sportive.Ce jour-là, en juin 2005, des femmes iraniennes ont lancé une lutte pour obtenir le droit d’assister aux matchs dans les stades, une demande qui émergeait alors que la société civile prenait de l’ampleur. Inspirées par l’essor d’Internet et des blogs, elles se sont mobilisées pour défier les restrictions, un combat qui a continué malgré les obstacles, et qui est plus que jamais présent. Pour en savoir plus sur cette histoire de courage et de persévérance, continuez la lecture.

20 ans de lutte : Comment le match Iran-Bahreïn de 2005 a allumé la flamme de la protestation féminine pour l’accès aux stades

Téhéran, Iran – Il y a vingt ans, le 8 juin 2005, l’Iran célébrait sa qualification pour la Coupe du Monde 2006 après une victoire 1-0 contre Bahreïn. Mais ce match, joué dans la capitale iranienne, a marqué un tournant bien plus important : la naissance d’une protestation organisée par les femmes iraniennes pour obtenir le droit d’assister aux matchs dans les stades.

“C’était le dernier match sous le président Khatami, la dernière occasion de faire entendre nos voix avant l’arrivée des extrémistes,” explique Sara (pseudonyme), une fervente supportrice du FC Esteghlal, l’équipe bleue de Téhéran.”C’était une semaine avant l’élection présidentielle, et de nombreux journalistes internationaux étaient présents. C’était un moment crucial.”

L’émergence d’une société civile et l’essor d’internet

Sous la présidence de Khatami (1997-2005), une société civile avait commencé à se construire en Iran, avec une attention croissante portée aux droits des femmes. L’accès à internet, à partir de 2001, a joué un rôle déterminant. “les blogs sont devenus très importants, nous pouvions nous connecter en dehors des médias d’État. Nos voix n’étaient plus filtrées,” se souvient Sara. Un appel à manifester devant le stade a été lancé sur un blog, marquant le début d’un mouvement.

Sara, alors étudiante en ingénierie, a été touchée par cet appel. “Je n’avais pas d’antécédents d’engagement politique. mais il y avait des avocates des droits de l’homme,des artistes,des femmes très différentes,toutes passionnées de football. Ayant grandi avec une mère célibataire dans une société patriarcale,je voulais être féministe.”

Le jour du match : espoir et chaos

Le jour du match, des avocats avaient informé le gouverneur de Téhéran de leur intention de se rendre au stade. Sans réponse, les manifestantes se sont rassemblées devant les portes. “J’avais un examen important à l’université ce jour-là, près du stade Azadi. J’ai couru immédiatement après pour voir la situation sur le blog. J’ai vu que les autres manifestaient devant le stade. Une fille s’était cassé le pied, c’était chaotique.”

en seconde période,les autorités ont cédé et ont autorisé un groupe de femmes à entrer dans le stade. “Khatami était dans le stade pour la première et la seule fois, et quelqu’un a dû décider : d’accord, laissez-les entrer,” explique Sara, qui regrette d’avoir manqué ce moment historique.

“Offside” : un film qui a mis en lumière la lutte

Le film “Offside” de Jafar Panahi, qui raconte l’histoire de jeunes filles se déguisant en garçons pour assister à un match, a contribué à sensibiliser le public à cette question. “Panahi aura vu les blogs. Même quelques journaux ont écrit à ce sujet, la censure de la presse n’était pas si stricte sous Khatami. Et la fille de Jafar Panahi voulait aller au match et n’était pas autorisée. Il connaissait donc le sujet.”

De “Meydan” à “Femme, Vie, Liberté” : une lutte qui continue

Le groupe initial, “Meydan”, était un mélange de fans et de défenseurs des droits des femmes. Après les arrestations massives lors du “mouvement vert” en 2009, le groupe s’est dispersé. Cependant, la lutte pour l’accès aux stades a continué, portée par de nouvelles générations.

“en 2013, en 2014, les femmes n’étaient soudainement pas autorisées à regarder le volleyball. Maintenant, il y avait les médias sociaux, il est devenu beaucoup plus facile pour nous d’attirer l’attention internationale.La prochaine jeune génération a été victime de discrimination. Ils ont été engagés et la campagne a augmenté. Le sujet est devenu important.”

La mort tragique de Sahar Chodayari, surnommée “Blue Girl”, en 2019, après son arrestation pour avoir tenté d’assister à un match, a galvanisé le mouvement.Aujourd’hui, la génération “Zan, Zendegi, azadi” (Femme, Vie, Liberté), née dans un contexte de répression et de restrictions, continue de porter le flambeau de cette lutte pour l’égalité et la liberté.

vingt ans après ce match historique, la lutte des femmes iraniennes pour l’accès aux stades reste un symbole de leur détermination à faire valoir leurs droits et à construire une société plus juste et égalitaire.