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Stomy Bugsy revêt le costume de tirailleur sénégalais à Sarcelles : « L’utilisation de l’art pour progresser »

Stomy Bugsy revêt le costume de tirailleur sénégalais à Sarcelles : « L’utilisation de l’art pour progresser »

C’est la première fois que Gilles Duarte — alias le rappeur et acteur Stomy Bugsy — jouera sa pièce « Un jour j’irai à Détroit » dans sa ville de Sarcelles. « Mais pas la première fois que je monte sur scène, j’ai beaucoup chanté à Sarcelles », sourit l’un des membres fondateurs du groupe Ministère A.M.E.R. et interprète de « Mon papa à moi est un gangster ».

Sa pièce a déjà été jouée plus d’une centaine de fois devant un public de 800 personnes au théâtre du Gymnase à Paris. Les représentations reprendront d’ailleurs dans cet établissement du 27 septembre au 27 décembre 2022. « C’est une fierté, un honneur de présenter la pièce à Sarcelles. Ce n’est pas comme si je jouais dans une autre ville, c’est spécial, se réjouit Stomy Bugsy. Mais nul n’est roi chez soi, je n’arrive pas en terrain conquis ! »

Stomy Bugsy interprète un tirailleur sénégalais emprisonné dans une cellule de Fresnes en 1944 pour avoir refusé d’embarquer vers l’Afrique. LP/Olivier Lejeune

« C’est une pièce particulière, poursuit l’artiste. Mon père, originaire du Cap Vert, a grandi au Sénégal. Un jour, il m’envoie un message pour me dire que je devrais faire quelque chose sur le massacre des tirailleurs africains à Thiaroye en 1944. » « Je pensais plutôt à un court métrage », se souvient Luis Duarte, président d’honneur de la Fédération des associations capverdiennes de France. « Deux semaines après, mon ami David Desclos me contacte pour me proposer de coécrire une pièce sur ce thème ! », reprend Stomy.

Une pièce « sur la justice », inspirée de faits réels

L’intrigue se déroule en 1944 dans la prison de Fresnes (Val-de-Marne) où Stomy jouera d’ailleurs le 26 juillet prochain. Le comédien incarne Djili Amacombi, un tirailleur dit « sénégalais » originaire de la Guinée. Il a refusé d’embarquer sur le bateau Circassia en direction de Dakar car le versement de son solde ne lui a pas été versé et il a été jeté en prison. Cela lui permettra de ne pas connaître le triste sort de ses compatriotes, exécutés à leur arrivée à Thiaroye sous couvert de mutinerie.

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Il fait connaissance avec ses codétenus : Marcel Brovant (David Desclos), un soldat français qui a refusé de combattre avec le pantalon d’un mort, et Igor Ladzig (Cyril Guelle), un soldat américain déserteur. Tous ont été emprisonnés car ils avaient refusé d’obéir aux ordres. « C’est tiré d’histoires vraies. Pendant la guerre, les gens étaient faits prisonniers et fusillés pour n’importe quoi, souligne Stomy. Mon personnage raconte son récit à ses codétenus. Au début, ils sont comme chiens et chats car Marcel est un peu franchouillard. On a mis de l’humour dans le texte pour que cela reste divertissant. »

La pièce, qui lève le voile sur un pan méconnu de l’Histoire — les tirailleurs africains — ne devrait pas manquer de susciter l’intérêt dans une ville cosmopolite comme Sarcelles. Mais Stomy considère qu’elle aborde avant tout l’Histoire de France. « Partout ça parle. C’est une pièce sur la justice au sens large. Un thème universel. Il est important de réunir tous ces drames pour fédérer car on est en France. Pour s’entendre, on doit se comprendre. Il faut expliquer que, si autant de gens vivent ici, c’est en raison de l’esclavage, de la colonisation, de la guerre, de la géopolitique… ».

Il a signé sa pièce de son patronyme

Pour le rappeur, « le vivre ensemble a toujours été là à Sarcelles et il est toujours là. Je l’ai vu encore ce week-end à la CAN vétéran ou à la fête du handicap. Mais il y a beaucoup à faire encore. Des communautés doivent faire des efforts pour aller vers les autres. Il faut aussi faire des ponts culturels : le sport, la culture, les évènements rapprochent. C’est sûr que, quand on était petit, il y avait plus d’échanges. Mais c’est plus la génération qui veut ça, maintenant les jeunes sont dans leur chambre sur leur téléphone… ».

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Stomy a utilisé son vrai patronyme, Gilles Duarte, pour écrire « Un jour j’irai à Détroit ». « Je voulais mettre le nom de mes parents en valeur. Depuis 10-15 ans je reprends mon nom quand je joue même si Stomy, forcément, c’est plus vendeur. Je le conserve pour la musique », souligne-t-il.

Le chanteur, qui vit en région parisienne se rend régulièrement à Sarcelles, où son père réside dans le quartier des Rosiers. « Je viens une fois par mois, plutôt le matin, pour faire le tour avec mon père de ses activités associatives », indique-t-il. « On habitait à 100 m de la synagogue auparavant », souligne ce dernier. C’est lui, qui, le jour de l’anniversaire de son fils, le 21 mai 2021, glisse par hasard au maire que la pièce pourrait être jouée à Sarcelles. La veille de la représentation, des collégiens joueront devant les comédiens des extraits de la pièce et des élèves assisteront le jour J au spectacle.

Une chercheuse animera un débat sur cet épisode de l’Histoire

À l’issue de la représentation à Sarcelles, Armelle Mabon, enseignante-chercheuse, animera un débat avec les spectateurs. « Cette historienne dénonce l’exécution des tirailleurs sénégalais à Thiaroye. Elle a fouillé toutes les archives depuis plus de vingt ans », salue Stomy. En 2014, François Hollande avait fait le déplacement et reconnu « l’injustice » ayant causé « au moins 70 morts » à Thiaroye. Mais selon certaines enquêtes, il est question de 400 personnes disparues, probablement jetées dans des fosses communes. « Il y a eu d’autres massacres sur les soldats africains », soulève son père.

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La pièce de Stomy Bugsy lève le voile sur un pan méconnu de l’Histoire : le massacre de tirailleurs sénégalais.
La pièce de Stomy Bugsy lève le voile sur un pan méconnu de l’Histoire : le massacre de tirailleurs sénégalais. RD

Enfant, Luis Duarte avait entendu parler de Thiaroye par le gardien de sa cité au Sénégal et y était déjà passé à vélo. « À cause de cela il y a beaucoup d’amertume. On ne peut pas vivre dans la haine et la rancune. Si c’était reconnu, cela pourrait créer du lien et apaiser les choses entre la France et l’Afrique », estime le papa. « Il faut que la France apprenne à regarder son histoire dans les yeux. Il faut des pièces de théâtre pour appuyer les propos comme ceux d’Armelle Mabon. L’art sert à cela. À faire avancer les choses », revendique Stomy.

L’artiste termine actuellement l’écriture d’un nouvel album solo. « C’est un Stomy assez différent de ce que l’on a entendu, par le thème, l’amour, et la musique, avec beaucoup de piano et un peu d’électro. Ceux qui m’ont aimé vont reconnaître ma touche, la touche d’un grand garçon de 50 ans ! ». Il va tourner également dans une comédie française et dans la série « Léo Mattéï » portée Jean-Luc Reichmann. Il s’attellera ensuite à l’écriture d’une nouvelle pièce. « Je ne suis pas comme les femmes, je dois me concentrer sur une chose à la fois », rigole-t-il.

L’évènement aura lieu à la salle André-Malraux, 29, rue Taillepied, ce samedi 9 juillet à 20h30. Réservations par mail ou téléphone : [email protected] ou 01.34.38.20.51. (Prix des places : de 5 à 20 euros).

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