Home » Nouvelles » Sharif et Munir : Le Pakistan change-t-il de mains ?

Sharif et Munir : Le Pakistan change-t-il de mains ?

L’ascension du chef d’état-major pakistanais : un tournant ?

ISLAMABAD – 31 Mai 2024 – L’ascension fulgurante du chef d’état-major pakistanais, Asim Munir, change le paysage politique du pays, alimentant les débats sur le rôle de l’armée. L’article explore le rôle croissant du maréchal Munir dans la gouvernance, la diplomatie et l’économie durant cette période. Il examine les 5W : qui est impliqué, quoi se passe-t-il, où cela se déroule-t-il, quand et pourquoi cela compte-t-il. Les relations civilo-militaires au Pakistan, ainsi que les liens avec la Turquie, sont au cœur de l’analyze. Découvrez les implications de ces évolutions pour l’avenir du Pakistan.

Le pakistan à la croisée des chemins : l’ascension du chef d’état-major et ses implications

L’influence croissante de l’armée pakistanaise, tant au niveau de la gouvernance que de l’engagement international, est de plus en plus manifeste. Au cœur de ce changement se trouve le chef d’état-major, le maréchal Asim munir, dont la présence aux côtés du Premier ministre Shehbaz Sharif est devenue prépondérante, non seulement dans les affaires stratégiques, mais aussi sur le front diplomatique.

L’ascension d’Asim Munir : un nouveau paradigme civilo-militaire ?

la participation inhabituelle du maréchal Munir aux réunions internationales et sa promotion militaire historique soulèvent des questions fondamentales sur l’évolution des relations civilo-militaires au Pakistan.

Le saviez-vous ? Le titre de maréchal est rare au Pakistan. La dernière fois qu’il a été attribué, c’était en 1959, lorsque le général ayub Khan s’est octroyé ce titre après un coup d’État.

Le 25 mai, le Premier ministre Sharif s’est rendu à Istanbul pour rencontrer le président turc Recep Tayyip Erdoğan, dans le cadre d’une tournée officielle visant à consolider les relations avec les alliés. L’ordre du jour comprenait des discussions sur la sécurité régionale, la coopération économique et la lutte contre le terrorisme. Cependant, l’inclusion du maréchal Munir dans la délégation a particulièrement attiré l’attention.

Dans une démarche protocolaire inhabituelle, M. Sharif a présenté M. Munir à M. Erdoğan lors des pourparlers de haut niveau, en présence de hauts responsables turcs, dont le ministre des Affaires étrangères Hakan Fidan, le ministre de la Défense Yasar Guler et le chef du renseignement Ibrahim Kalin. Cette initiative a suscité des interrogations,car il est rare que les chefs militaires pakistanais accompagnent le Premier ministre lors de visites officielles à l’étranger.

Le bureau de M. Erdoğan a publié une déclaration soulignant l’engagement de la Turquie et du pakistan à renforcer leur collaboration, notamment dans les domaines de la défense, de l’énergie et des transports. La partie turque a également insisté sur l’importance de la solidarité dans l’éducation, la coopération en matière de renseignement et les échanges technologiques pour lutter contre le terrorisme. M.Erdoğan a réaffirmé la volonté d’Ankara d’approfondir ses liens avec islamabad, soulignant qu’une coordination étroite servait les intérêts stratégiques des deux pays.

La Turquie aux côtés du Pakistan : tensions régionales et coopération militaire

Cette visite en Turquie intervient dans un contexte de tensions régionales accrues entre le Pakistan et l’Inde, exacerbées par une attaque terroriste meurtrière à Pahalgam, dans le Cachemire sous management indienne, qui a coûté la vie à 26 civils.

L’Inde a réagi par l’opération Sindoor, une série d’actions militaires de représailles contre des cibles terroristes. Le Pakistan a riposté par une opération militaire baptisée “Operation Bunyanum Marsoos”. Dans ce contexte, le gouvernement turc a publiquement soutenu la position du Pakistan, une solidarité qui a même entraîné des boycotts informels de produits turcs en Inde.

La présence militaire turque au Pakistan s’est également intensifiée pendant cette période, avec l’atterrissage d’un avion C-130 Hercules à Karachi le 27 avril et l’accostage d’une corvette anti-sous-marine turque de classe Ada au port de Karachi le 2 mai.Bien que les responsables turcs aient qualifié ces activités de routine, des informations ont fait état de l’utilisation de drones de fabrication turque par les forces pakistanaises lors de la confrontation.

Lors de son séjour à Istanbul, M. Munir s’est également entretenu avec le commandant des forces terrestres turques. Selon des responsables, ces réunions s’inscrivaient dans le cadre de discussions plus larges sur la coopération bilatérale et les questions de sécurité régionale. Après la Turquie, M.Sharif devait se rendre en Iran, en Azerbaïdjan et au Tadjikistan entre le 25 et le 30 mai. Selon le ministère pakistanais des Affaires étrangères, l’objectif principal de ce voyage est de remercier personnellement les pays “amis” pour leur soutien diplomatique et moral pendant le conflit avec l’Inde.

Plusieurs personnalités clés de l’administration Sharif accompagnent le Premier ministre, dont le vice-Premier ministre et ministre des Affaires étrangères Ishaq Dar, le ministre de l’Details Attaullah Tarar et l’assistant spécial aux Affaires étrangères Tariq Fatemi.

Un faux pas embarrassant : l’incident de la photo militaire

Alors que les engagements internationaux mettaient en valeur le rayonnement extérieur du Pakistan, un dîner de gala organisé par M. Munir a suscité une attention considérable, et des critiques. L’événement, présenté comme un hommage à la résilience des dirigeants politiques et des forces armées, s’est tenu à Islamabad peu avant le départ du Premier ministre à l’étranger.

Lors d’un moment fort du dîner, M. Munir a offert à M. Sharif une image encadrée, décrite comme un souvenir commémoratif de l’opération Bunyanum Marsoos. La photo était censée représenter des troupes pakistanaises en action contre l’Inde. Cependant, des internautes vigilants ont rapidement identifié la photo comme provenant d’un exercice militaire chinois de 2017.

Cette révélation a suscité des moqueries généralisées. Le journaliste pakistanais Taha Siddiqui a écrit sur X (anciennement Twitter) :

Apparemment, le chef de l’armée pakistanaise a offert au Premier ministre Shehbaz Sharif une photo militaire chinoise datée comme souvenir pour illustrer l’attaque de l’armée pakistanaise contre l’Inde.

Taha Siddiqui, journaliste pakistanais

L’événement a réuni de nombreux dignitaires, dont le président pakistanais Asif Ali Zardari, le président du Sénat Yousaf Raza Gilani, le président de l’Assemblée nationale ayaz Sadiq, des ministres en chef, des gouverneurs, des ministres fédéraux et de hauts fonctionnaires des forces armées. Malgré la présence de personnalités de haut rang, la crédibilité de l’événement a été rapidement compromise par la réaction négative des médias sociaux, transformant ce qui était censé être un symbole d’unité en un sujet de satire.

Promotion controversée : Munir élevé au rang de maréchal

Renforçant encore la notoriété de M. Munir, le cabinet fédéral a récemment approuvé une promotion rare de son grade militaire. M.Munir a été promu maréchal, une désignation qui n’avait pas été attribuée au Pakistan depuis 1959, lorsque Ayub Khan, alors chef de l’armée, s’était octroyé ce titre après avoir pris le contrôle politique par un coup d’État.

La déclaration officielle du cabinet du premier ministre indique :

En reconnaissance de son brillant leadership militaire, de son courage et de sa bravoure, assurant la souveraineté et l’intégrité territoriale du Pakistan et sa défense courageuse contre l’ennemi, le cabinet a approuvé la proposition du Premier ministre de promouvoir le général Syed Asim Munir au rang de maréchal.

cabinet du Premier ministre pakistanais

Au Pakistan, le titre de maréchal est généralement symbolique et attribué à vie. M. Munir devient ainsi la deuxième personne de l’histoire du pays à détenir ce rang.

Domination militaire : une constante de l’histoire pakistanaise

L’armée pakistanaise exerce depuis longtemps une influence considérable sur les institutions civiles du pays. Depuis son indépendance en 1947,les forces armées ont directement gouverné le pays pendant plus de trois décennies et ont toujours joué un rôle central dans l’élaboration des politiques nationales.

Conseil pratique : Pour comprendre la dynamique politique pakistanaise, il est essentiel de suivre de près les relations entre les dirigeants civils et militaires.

Bien que nominalement sous régime civil, la perception persiste que le véritable pouvoir de décision réside à Rawalpindi, où se trouve le quartier général de l’armée (GHQ). Le scénario actuel reflète cette tendance. Alors que des dirigeants civils comme M. sharif détiennent l’autorité formelle, l’armée, sous la direction de M. Munir, semble diriger de près non seulement la défense et le renseignement, mais aussi la diplomatie et la planification économique.

M. Munir copréside également le Conseil spécial de facilitation des investissements (SIFC) avec M. Sharif, un organe de haut niveau créé en 2023 pour accélérer les investissements en rationalisant les processus bureaucratiques et en contournant les formalités administratives. Malgré les démentis de l’establishment militaire, les critiques affirment que le SIFC institutionnalise l’implication militaire dans la gouvernance économique.

Le rôle croissant de l’armée pakistanaise dans les affaires civiles a également entraîné de nouvelles tensions avec les figures de l’opposition,notamment les dirigeants du parti Pakistan Tehreek-e-Insaf (PTI). L’ancien Premier ministre Imran Khan et ses partisans ont accusé à plusieurs reprises l’armée d’orchestrer des répressions contre les dirigeants du parti et de manipuler les élections générales de 2024.

Bien que les candidats affiliés au PTI se soient présentés en tant qu’indépendants en raison de l’interdiction de la participation du parti, ils ont fini par remporter plus de sièges que tout autre groupe politique. Néanmoins, c’est la coalition de la Ligue musulmane du Pakistan (Nawaz) de M. Sharif et du Parti du peuple pakistanais qui a formé le gouvernement après les négociations post-électorales. le PTI a accusé l’armée et le gouvernement intérimaire d’ingérence électorale, des accusations que les dirigeants civils et militaires nient.

Les événements de ces dernières semaines offrent un aperçu révélateur du modèle de gouvernance contemporain du Pakistan. Le maréchal Asim Munir est désormais au center des décisions les plus importantes du pays.

FAQ : Questions fréquentes sur la situation au Pakistan

  • quel est le rôle actuel d’Asim Munir ? Il est le chef d’état-major de l’armée pakistanaise et exerce une influence croissante sur la gouvernance et la diplomatie.
  • Pourquoi la promotion de Munir est-elle controversée ? Elle rappelle une époque de domination militaire directe et soulève des questions sur l’équilibre des pouvoirs civilo-militaires.
  • Qu’est-ce que le SIFC ? C’est un conseil spécial visant à faciliter les investissements, mais critiqué pour son implication militaire dans l’économie.

You may also like

Leave a Comment

This site uses Akismet to reduce spam. Learn how your comment data is processed.