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Rencontre avec Audrey Neveu et Clara Da Silva, libraires à Bon

Rencontre avec Audrey Neveu et Clara Da Silva, libraires à Bon

« Vous avez L’écume des jours ? » La semaine dernière, Sophie, 16 ans, était venue chercher J’irai cracher sur vos tombesde Boris Vian. Ce lundi après-midi, elle a de nouveau poussé la porte des 2 GeorgeS, après le lycée, cette fois-ci accompagnée de trois copines. Mathylde cherche le tome 1 de MillénaireLéa et Jenifer « des choses sur la réalité virtuelle ». « On est super contentes qu’il y ait enfin une librairie à Bondy, confient-elles spontanément. Avant, on était obligées d’aller au centre commercial de Rosny 2, à la Fnac. »

Les quatre adolescentes s’éparpillent entre les rayons. Bande dessinée, jeunesse, polars, classiques, livres de cuisine, littérature étrangère, premiers romans, pépites méconnues… Près de 8.000 références sur 90 m2, annoncent fièrement les créatrices du lieu, ouvert le 9 janvier. Audrey Neveu et Clara Da Silva, 38 ans chacune, se sont rencontrées à la Fnac Saint-Lazare, au rayon Savoirs techniques, où elles officiaient déjà en tant que libraires. L’envie de s’installer les démangeait. Clara vient de Gagny, Audrey de Bobigny. La Seine-Saint-Denis était « une évidence ». « On lit, dans le 93 ! »rappellent-elles, un peu agacées.

Marre de l’image d’incultes des habitants du 93

« J’en ai marre de l’image d’incultes qui est souvent véhiculée sur les habitants du département, soupire Audrey Neveu. Une banque nous a refusé un prêt uniquement parce qu’on prévoyait de s’installer à Bondy. Alors qu’on a ici une population très hétéroclite, très riche. Un jeune est venu il y a quelques jours passer commande d’ouvrages de Goethe. Il a déjà lu tout Shakespeare ! »

Entre deux tasses de café et deux éclats de rire, les jeunes femmes se défendent d’être venues « apporter de la culture ». Elle est déjà là, la culture, soulignent-elles. Et de citer une longue liste d’auteurs du 93, qui trônent en bonne place près de l’entrée : le lieutenant de police Olivier Norek, la lauréate du prix Goncourt du premier roman Maryam Madjidi, le prometteur Timothée Demeillers… Il y a ici aussi le Bondy blog, disent-elles, la Maîtrise de Radio France, des conventions avec Sciences-Po ou l’université parisienne Pierre et Marie Curie…

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Une initiative soutenue par le maire

La maire socialiste de la ville, Sylvine Thomassin, soutient les 2 GeorgeS (pour George Sand et George Orwell) depuis le début : « La Seine-Saint-Denis, qui compte pourtant un million et demi d’habitants, n’a que quinze librairies indépendantes ! Et Bondy (54.000 habitants, ndlr) n’en avait plus depuis au moins sept ans. La démarche de ces deux jeunes femmes, dont j’admire l’enthousiasme, est importante car elle permet une forme d’émancipation pour certains de nos concitoyens éloignés de la culture, qui sans elles n’auraient jamais eu l’idée de pousser la porte d’une librairie. »

Clara Da Silva et Audrey Neveu seraient donc à mi-chemin entre commerce et service public ? « Il y avait une vraie attente, pendant les travaux, les gens venaient toquer à la baie vitrée pour demander quand on allait ouvrir, dit Audrey en guise de réponse. On veut s’appuyer sur la population locale, faire venir ceux qui n’auraient pas forcément le réflexe d’aller acheter des livres. Et faire en sorte qu’ils ne soient pas assommés en arrivant. »

L’envie d’accompagner un mouvement

Un énorme canapé club, des chocolats sur le comptoir, un portrait de David Hasselhoff près de la caisse, des résumés de livres fait maison façon fait divers… L’ambiance est gentiment décalée et bon enfant. Les deux libraires virevoltent dans leurs robes retro fifties, proposent un café, un porto, un ouvrage « coup de cœur » (« dès qu’on peut glisser une femme auteur, on le fait ! »). Malgré les aides reçues – de la part de la Région, du Centre national du livre ou encore de Bondy habitat, qui a accepté d’indexer le loyer du local sur leur chiffre d’affaires -, Audrey et Clara savent bien qu’elles font là un pari, que leur « panier moyen », à 20 €, est moindre qu’à Paris…
« On touche du bois. Mais le quartier est en pleine mutation, nous allons accompagner un mouvement »veulent-elles croire. Les pas-de-porte sont encore à prendre, au rez-de-chaussée de la rue des frères Darty, tout près de la mairie et de l’église. Un resto sénégalais et un studio photo sont déjà prévus. Les 2 GeorgeS ont entendu parler d’une chocolaterie et d’une cave à vin. « Ce serait vraiment le rêve ! »

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Et ailleurs en Seine-Saint-Denis ?
« Plusieurs librairies ont fermé ces dernières années en Seine-Saint-Denis : à Bobigny, à la Courneuve, au Blanc-Mesnil. D’autres ont ouvert, comme à Bondy ou à Rosny. » Corisande Jover est la gérante des Jours heureux, à Rosny-sous-Bois, depuis l’été 2016, et lorsque cette bonne connaisseuse du département énumère les récentes ouvertures et fermetures, elle se désole presque de ce que ces mouvements disent de la Seine-Saint-Denis : « Fermetures dans les communes très populaires, ouvertures dans les communes plus mixtes et attractives. Regardez la carte des librairies existantes : elle clive le 93 en deux. Plus on s’éloigne de Paris et de Montreuil, moins il y en a… »

Corisande Jover elle-même a tout fait pour tenir au Blanc-Mesnil, où elle était installée avant, « mais malgré mon âme militante, j’ai dû me résoudre à fermer au bout de cinq ans : le pouvoir d’achat était trop bas, le centre-ville pas assez dynamique… Quand on a fermé, ça a été vécu comme une tragédie par les habitants. Pour eux, la présence d’une librairie c’est aussi une reconnaissance sociale. » Sa consolation : sa nouvelle boutique, les Jours heureux, porte bien son nom. « Le chiffre d’affaires est bon, et on a été super bien accueillis à Rosny. Les gens étaient contents de pouvoir aller ailleurs qu’au centre commercial pour acheter des livres. »

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2022-03-25 00:50:33
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