Il y a eu des changements dans le domaine des programmes de fidélité des détaillants alimentaires cette année. Metro a révisé son programme MOI et Sobeys (IGA) a abandonné Air Miles pour adopter Scène+. Chez Loblaw, la carte PC Optimum continue d’être populaire. L’épicerie se demande si ces programmes offrent de véritables avantages pour la clientèle.
En ces temps d’inflation, les consommateurs recherchent les meilleures offres en matière d’épicerie. Ils sont nombreux à adhérer aux programmes de récompenses gratuits proposés par les détaillants. Mais lequel est réellement avantageux? C’est une question plus complexe qu’il n’y paraît.
Jean-Maximilien Voisine a créé le site Milesopedia pour analyser et comparer les différentes cartes de fidélité, pas seulement celles des supermarchés. Il y a plus de 80 programmes de fidélité au pays, constate-t-il. Et ils évoluent constamment : Le but est de répondre aux besoins des clients, de les fidéliser. De les intéresser à obtenir de nouvelles récompenses ou de nouveaux partenaires, donc de nouveaux moyens d’accumulation.
Les partenaires de ces programmes se multiplient : MOI permet d’accumuler des points non seulement chez Metro, mais aussi chez Super C, dans les pharmacies Jean-Coutu et Brunet, ainsi que chez Première Moisson. De leur côté, Scène+ permet d’accumuler des points non seulement chez IGA, mais également dans les cinémas Cineplex, chez Harvey’s et même chez Best Buy ! Quant à PC Optimum, les clients peuvent accumuler des points tant chez Provigo que chez Maxi et Pharmaprix, et peuvent les utiliser chez Esso et Mobil.
Leur avantage réside justement dans leur capacité à fidéliser les clients lorsqu’ils font le plein d’essence, vont à la pharmacie ou font leurs courses, explique M. Voisine. L’idée est d’être toujours présent là où le consommateur se rend afin de le connaître davantage et de lui offrir plus de rabais.
Des programmes payants… pour les détaillants
Les entreprises investissent dans les programmes de fidélité parce que c’est rentable pour elles, explique François Gaumond, associé chez Deloitte, une firme de conseil en entreprise. Les entreprises dotées de programmes de fidélité performants voient leur chiffre d’affaires augmenter d’environ 2,5 fois plus que leurs concurrents qui n’en ont pas.
C’est à la fois avantageux pour la clientèle et pour l’entreprise, ajoute M. Gaumond. Au lieu de visiter deux, trois, quatre ou cinq épiceries différentes, les consommateurs concentrent leurs achats en un seul endroit et maximisent ainsi leurs points dans un programme spécifique.
Des programmes difficiles à comparer
Ces programmes sont de plus en plus conçus en fonction du comportement du consommateur. Le programme MOI est le seul à offrir des points de base, quel que soit l’achat, chez Metro, mais ces points de base ne sont pas disponibles chez Super C.
Les entreprises préfèrent cibler les consommateurs plus précisément en leur proposant des récompenses en fonction de leurs habitudes d’achat, via des smartphones.
Selon les analyses du site Milesopedia, les trois programmes de récompenses de base, gratuits, offrent un rendement très faible : de 0,5 à 1 % sur les volumes d’achats. Par exemple, un vendeur de condiments pourrait décider de cibler les clients qui achètent des condiments, mais qui n’achètent pas sa marque. Le détaillant vous enverra une offre personnalisée : vous aurez plus de points si vous achetez cette marque cette semaine.
La valeur des données
Cependant, pour pouvoir cibler nos habitudes de consommation, les détaillants doivent collecter de nombreuses données.
Les informations qu’ils ont sur vous sont celles que vous partagez avec le programme, précise M. Gaumond. Les autres informations collectées sont les transactions.
Ces informations peuvent-elles être revendues ?
Oui, mais toutes les entreprises sont tenues de respecter les lois canadiennes et provinciales en matière de confidentialité, de consentement et de protection des renseignements personnels.
Il n’y a pas d’échange d’informations clients, mais je peux permettre à une tierce partie de cibler ces clients par le biais de mon programme.
Alors, que deviennent les données personnelles qui circulent parmi les partenaires de ces programmes ? Selon Jean-Maximilien Voisine de Milesopedia, il est certain que si nous devenons membres d’un programme comme Scène+, qui est associé à la Banque Scotia, la banque aura ces informations. Est-ce que la banque vous fera des offres pour des cartes de crédit ? C’est possible…
Des cartes de crédit plus généreuses
Les différents détaillants se sont associés à des banques, dont les cartes de crédit offrent encore plus de points de récompenses.
Metro est associé à RBC Visa, Sobeys à la Banque Scotia, Loblaw propose son propre service financier Mastercard et Walmart propose sa propre carte Mastercard.
Ces cartes de crédit offrent plus de récompenses que les programmes de fidélité de base, qui sont gratuits. Mais le consommateur doit être très vigilant, souligne Émilie Laurin-Dansereau de l’Association coopérative d’économie familiale (ACEF) du Nord de Montréal.
Ces cartes ont des taux d’intérêt plus élevés (de 20 à 22 %). Cela peut être dangereux et conduire à l’endettement. Nous conseillons de faire très attention.
Ne pas payer le solde mensuel en entier peut entraîner l’annulation des points accumulés, prévient la consommatrice avisée.
Des programmes complexes
Si accumuler des points peut sembler simple, maximiser leurs avantages demande du travail. Il faut acheter les produits qui offrent des points au bon moment et au bon endroit. Et il n’est pas facile de savoir combien cela rapporte.
Il est très difficile pour les gens de savoir exactement à quoi ils adhèrent, combien ils doivent dépenser pour obtenir des points à échanger, constate Mme Laurin-Dansereau.
Au Québec, près de 50 % des gens ont des difficultés de lecture ou d’écriture. Il y a aussi la barrière numérique : il faut savoir utiliser ces programmes correctement. Et comme cela se fait principalement avec un téléphone portable, cela exclut de nombreuses personnes qui n’en ont pas, qui n’ont pas de données ou pour qui il est difficile d’utiliser un smartphone.
Mais ce qui choque le plus cette conseillère budgétaire, ce sont les rabais exclusifs aux membres. Cela soulève la question du choix libre et éclairé, explique Émilie Laurin-Dansereau. Avons-nous réellement le choix d’adhérer ou non au programme ? Si nous décidons de ne pas y adhérer, notre épicerie nous coûte plus cher.
Elle ajoute que pour que les programmes de fidélisation soient intéressants, il faut faire ses achats régulièrement dans le même magasin. Ce que les gens font, c’est qu’ils magasinent moins. Ils comparent moins les prix entre les différentes épiceries.
Les détaillants se défendent en soulignant que ces programmes sont gratuits.
Des récompenses qui encouragent la dépense
Il est possible d’en tirer profit en comprenant réellement ces programmes et en utilisant sa carte de fidélité correctement, sans se laisser trop facilement tenter une fois en magasin.
Des études ont montré que les consommateurs dépensent plus lorsqu’ils adhèrent à un programme de récompenses.
Face à cela, le conseil d’Émilie Laurin-Dansereau de l’ACEF du Nord de Montréal reste le même : Le consommateur doit se tenir à sa liste d’épicerie et, idéalement, essayer de ne pas se laisser trop influencer par les offres présentées en magasin. Et il doit aussi comparer les prix entre les épiceries, car souvent, avec les programmes de fidélisation, les récompenses ne sont pas si intéressantes.
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