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“Niveau d’orthographe des jeunes : quel constat et quelles solutions ?”

“Niveau d’orthographe des jeunes : quel constat et quelles solutions ?”

Les syllabes sont prononcées à voix haute, détachées parfois, répétées, pour laisser le temps aux élèves de coucher les mots sur le papier. La finale de la dictée du Balfroid a eu lieu ce samedi. L’occasion de revenir sur le niveau d’orthographe des jeunes, si décrié. Caroline Scheepers, docteure en Langues et Lettres, et en Sciences de l’Education, répond à nos questions. Elle est professeure à l’Université Saint-Louis (Bruxelles) et auteure du livre Former à l’écrit, former par l’écrit dans le supérieur (Ed. De Boeck).

Le niveau d’orthographe des jeunes est-il vraiment en baisse ? Les évaluations internationales PISA ne se penchent pas spécifiquement sur la question. Dispose-t-on d’indicateurs concrets ?

On ne dispose pas d’études spécifiques en Belgique. Des études françaises (voir ici et ici) ont observé les compétences des étudiants à l’entrée à l’université, ils constatent une baisse drastique du niveau d’orthographe. Le contexte n’est pas exactement le même en Belgique, mais on peut largement penser que la situation est analogue chez nous. Quoi qu’il en soit, que le niveau soit en baisse ou non, on ne peut pas nier qu’il y a un problème généralisé.

Comment expliquez-vous ces difficultés en orthographe ?

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D’abord, les programmes scolaires ont changé, tant au primaire qu’au secondaire, et l’importance qui était donnée auparavant à l’orthographe s’est amoindrie.

Ensuite, il y a le phénomène de massification du supérieur : de plus en plus d’étudiants accèdent à l’université, ce qui est une très bonne chose, mais c’est une population élargie qui n’a plus forcément les codes et les connaissances de la population antérieure.

Enfin, l’orthographe de la langue française est en elle-même très compliquée. On a commencé à figer les formes orthographiques au XVIᵉ siècle, alors que la prononciation a continué à évoluer, on a donc un décalage important entre ce que l’on écrit et ce que l’on dit.

Il y a eu des réformes importantes en Espagne ou en Allemagne, elles sont restées anecdotiques chez nous. Il y a chez nous un attachement viscéral, fétichiste à la langue qui est un objet sacré. Ça ne sert donc à rien de culpabiliser les jeunes : si on est honnête, on a tous des doutes avec l’orthographe.

Les réseaux sociaux, le langage SMS sont souvent pointés du doigt comme responsables d’un mauvais niveau chez les jeunes, qu’en pensez-vous ?

Il faut vraiment être nuancé. Les réseaux sociaux, à mon sens, ne sont qu’un miroir qui reflète certaines pratiques. On n’a pas nécessairement constaté que l’usage d’émoticônes ou que l’écriture SMS induisait un appauvrissement de la langue.

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En fait, ce qu’on constate, c’est que les étudiants qui sont de bons lecteurs et de bons scripteurs, sont des étudiants qui ont compris que, selon le support, selon le moment, selon le contexte et selon l’interlocuteur, on va pouvoir utiliser tel ou tel code, tel ou tel registre. Ce qui est compliqué c’est que certains locuteurs vont rester enfermés dans un registre.

Quelles solutions prônez-vous ?

On constate que les élèves ont vraiment peu d’opportunités d’écrire véritablement un texte. On a trop tendance à leur donner des supports prédigérés, des textes lacunaires. Beaucoup d’heures sont consacrées à l’enseignement de l’orthographe, mais on va travailler par exemple un cas particulier de l’accord du participe passé. Donc, ce qu’il faudrait, tant dans le primaire que dans le secondaire ou le supérieur, ce sont de vraies occasions d’écrire des textes proprement dits.

Par ailleurs, au lieu de diaboliser le numérique et les réseaux sociaux, il faut s’en servir comme levier. Ça peut être des outils extrêmement intéressants. Les adolescents y mènent des échanges argumentatifs très nourris. Il faut pouvoir mobiliser cela à l’école.

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Et puis, l’écriture mobilise bien plus de compétences que la seule orthographe (syntaxe, ponctuation, vocabulaire, mobilisation de connaissances…). Si on ne travaille pas toutes ces autres facettes, la compétence orthographique n’évoluera pas. Les jeunes issus de milieux socioculturels moins favorisés ont souvent plus de difficultés, et il arrive aussi qu’ils ne veulent pas s’améliorer, malgré leurs capacités, parce que ce serait trahir le monde d’où ils viennent. D’où l’importance de travailler aussi sur les représentations qu’ils ont de l’orthographe.

Il y a également tout un travail de réconciliation à mener. Il faut faire en sorte qu’ils prennent plaisir à l’écriture.

L’orthographe, et plus largement l’écriture, sont des outils d’émancipation importants ?

Oui, c’est une vraie question citoyenne et politique. Avec les réseaux sociaux, et les usages numériques en général, tout un chacun est amené à mobiliser des usages de la lecture et de l’écriture de plus en plus complexes. Et en fait, celui qui ne maîtrise pas ces usages-là est vraiment exclu.
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