Marie-Antoinette et les histoires que nous préférons raconter

Le cirque itinérant des Jeux olympiques d’été offre à la nation hôte l’occasion de raconter son histoire nationale, et les yeux du monde entier se tournent vers la France cet été. Les débats habituels sur la guerre culturelle ont éclaté à propos de l’art du spectacle avant-gardiste lors des cérémonies d’ouverture, mais il y a eu une acceptation générale de la Marie-Antoinette sans tête comme une icône de la France. Son cadavre décapité a fait une apparition pendant la section « Liberté » du spectacle, regardant les athlètes depuis la Concierge (son ancienne prison). Le désintérêt général pour Marie en tant que femme historique exécutée dans des circonstances douteuses est palpable. Salon a déclaré que la France vit une «Été chaud de guillotine” et le directeur artistique, Thomas Jolly, a qualifié toute la section d'”hommage… à la guillotine”. Jake Tapper a tweeté que Marie-Antoinette sans tête était une “gamin”, intégrant en quelque sorte la reine morte dans l’esprit estival de la culture pop américaine.

L’utilisation de la défunte Marie-Antoinette comme icône républicaine est une chose qui doit être soigneusement étudiée. C’est une simplification volontaire du passé afin de raconter une histoire plus douce et plus amusante à une nation moderne. L’aversion des Français pour Marie-Antoinette à la fin du XVIIIe siècle est bien documentée et bien méritée. Son style de vie somptueux et son indifférence à la pauvreté du peuple français en ont fait une ennemie publique lorsque le comité révolutionnaire est arrivé au pouvoir. Son mari Louis XVI a été exécuté pour trahison par guillotine, baptisant la révolution dans le frisson du sang public. Marie et ses enfants ont été emprisonnés à la Conciergerie, d’abord ensemble, puis séparés de force. Le tribunal révolutionnaire lui a reproché les dépenses somptuaires de la cour royale et ses communications continues avec l’Autriche rivale. Cependant, elle a également été accusée et jugée pour une multitude d’accusations inventées, notamment l’inceste avec son fils de sept ans (une fausse explication des blessures subies par le garçon en prison). L’enfant a signé une déclaration sous serment attestant de ces sévices infligés par sa mère après avoir reçu la visite en prison de membres radicaux du tribunal, certainement sous la pression et peut-être sous la contrainte. Pour ces faits, Marie a été exécutée publiquement à la guillotine. Son fils a passé trois ans de plus en prison, où il a été torturé par ses geôliers et est mort de tuberculose à l’âge de dix ans. Il n’a pas été exécuté directement comme ses parents, mais sa mort par sévices a été d’une grande utilité pour la nouvelle république, qui craignait que son sang royal ne suscite la sympathie de ses puissants parents à travers l’Europe.

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L’exécution de Marie-Antoinette et le traitement réservé à sa famille ne sont pas des faits dont la France puisse être fière. Son châtiment est la première preuve d’une révolution déchaînée. L’esprit de son procès était celui d’une vengeance publique et on peut difficilement le considérer comme une procédure judiciaire. Son enfant, âgé de sept ans, a été contraint de témoigner sous la contrainte et en prison du viol incestueux commis par sa mère. Les efforts déployés pour porter cette accusation particulière contre Marie montrent que le procès ne concernait pas uniquement sa conduite des affaires de l’État, mais plutôt son humiliation publique. Marie a refusé de répondre à l’accusation devant le tribunal, affirmant que cela était indigne de sa dignité de mère. Tuer Marie n’était pas un acte de justice. C’était une vengeance publique extrajudiciaire et un acte qui méritait, sinon une condamnation pure et simple, du moins une réévaluation très prudente. L’emprisonnement et la mort de son fils sont un exemple clair de cruauté et d’abus envers un enfant innocent pour des raisons de commodité et en tant qu’acte de rétribution familiale.

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La torche olympique a voyagé devant la Marie sans tête et à travers une mise en scène de Les Miserables” Les célèbres barricades. Les cérémonies d’ouverture françaises ont lié thématiquement tous ces événements pour le spectateur. Dans leur histoire préférée, Marie a été tuée à juste titre par une révolution juste, aujourd’hui commémorée par des chansons héroïques et glorifiée comme une période de libération pour le peuple. Personne ne devrait en vouloir à une nation de vouloir montrer au monde le meilleur de son héritage et de sa culture. Cependant, la réécriture consciente d’un événement et la glorification d’un mal national sont troublantes. Une modification similaire de la mémoire nationale s’est produite dans les décennies qui ont suivi l’effondrement du gouvernement de Vichy, le régime français en temps de guerre qui collaborait avec les nazis.

Les États-Unis sont depuis des décennies aux prises avec les nuances de leur propre passé. Les statues, les noms des institutions publiques et les programmes scolaires sont autant de champs de bataille pour déterminer si les lumières et les ténèbres de notre passé national sont correctement pesées. L’histoire de la Révolution française est beaucoup moins familière au public américain au-delà de ses grandes lignes. L’élévation de Marie-Antoinette au rang de mannequin à la mode de la victoire républicaine (accompagnée de bannières rouge sang et d’un groupe de heavy metal retentissant) est le résultat final d’une nation qui s’efforce de décomplexifier son passé. Le monde serait sans aucun doute consterné et horrifié si le comité olympique russe devait exhiber le corps d’Alexandra Romanov comme un symbole national, une reine également assassinée avec ses enfants par un gouvernement révolutionnaire. Sa mort en 1918 a été universellement considérée comme un acte cruel et inutile de la part des Soviétiques. La Russie a depuis pris des mesures pour expier ce fléau national, notamment en organisant une réenterrement d’État élaboré pour toute la famille en 1998. La France n’a manifestement pas le même sentiment.

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La Révolution française est un exemple à la fois du bien et du mal qu’elle peut engendrer. La France et le monde devraient s’efforcer d’éviter de confondre les deux. Les violences vengeresses infligées à Marie et à ses enfants ne doivent pas être oubliées. C’était un mal indigne du prestige olympique.

Image via Flickr

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