2024-10-05 11:45:44
AGI – On se souvient d’elle apparaissant à l’écran à l’heure du déjeuner ou du dîner pour nous montrer la devanture d’un des endroits les plus chauds du monde, peut-être vêtue d’un gilet pare-balles. Aujourd’hui, la journaliste et documentariste Monica Maggioni est en librairie avec “Spettri” (Longanesi), une œuvre d’un genre difficile à définir avec laquelle elle nous ramène là-bas, précisément dans ces lieux (mais pas seulement), pour ramener à mémoire d’histoires non résolues et refoulées qui, en réalité, n’avaient jamais disparu.
Le titre ibsénien du livre fait référence à des récits pas ou mal faits par la conscience occidentale, qui pour l’auteur se sont transfigurés en souvenirs personnels de visages jamais oubliés le 7 octobre 2023, lorsque l’attaque contre Israël a réveillé elle et le monde de l’illusion du contrôle. La recherche des raisons de la résurgence d’une horreur qui sent un tournant, a poussé l’ancien président de la Rai à récupérer dans de vieux cahiers et vitrines les traces d’une expérience journalistique hors du commun. Comme celles de sa rencontre à Gaza avec Ahmed Yassin, chef spirituel du Hamas, ou de l’entretien réalisé à Jénine avec une bombe aux mains de l’entraîneur des kamikazes Mahmoud Tawalbe. Puis, du Moyen-Orient, le champ de l’enquête s’élargit au cœur sombre de l’Amérique, en passant par la Pennsylvanie, dans le camping-car du suprémaciste aryen August Kreis, et à celui de l’Europe, avec le débarquement sur l’île d’Utøya où Andres Breivik massacra 77 personnes en 2011. Les recherches se poursuivent dans les murs de Raqqa, la capitale du califat, à travers les propos d’un combattant étranger désormais repenti qui retrace l’accession au pouvoir d’Abou Bakr al-Baghdadi, et se déplace immédiatement après à Téhéran, chef de la police. et le bourreau Morteza Talaei, pour respirer la peur de la prison d’Evin où toute aspiration au changement est réprimée dans le sang. Sans surprise, la fin revient à Kaboul, d’où il faut aider des familles entières à s’échapper après le retrait des troupes américaines d’Afghanistan.
Il y a des moments dans la vie où il faut s’arrêter pour donner un ordre émotionnel aux expériences vécues, surtout en découvrant que la violence et le désespoir laissés en suspens dans la mémoire sont revenus dans la vie quotidienne. Ainsi, à partir du témoignage, l’idée d’un reportage peut se transformer en roman de longues pages, donnant corps à un texte métisse, docufiction, qui réveille victimes et bourreaux à la tâche de nous ordonner de ne pas tourner la tête. Les enfers sont sur terre sous la forme de prisons, de camps de réfugiés et d’anciennes villes sous régime, où la chimie du mal ou celle de l’héroïsme le plus pur peut se former pendant que nous regardons l’Histoire depuis chez nous sans pouvoir nous rappeler son pourquoi.
L’Afghanistan a été libéré, puis est revenu à ce qui était autrefois l’ennemi et qui, inexplicablement, n’est plus désormais l’ennemi : comment cela s’est-il produit, et
Combien de vies ce choix a-t-il condamné ? Le temps d’une question, certains d’entre eux ont peut-être disparu dans un trou noir. Spectres d’un reportage télé d’une minute et demie qui sont devenus au fil des années des personnages angéliques ou monstrueux pour lesquels il faut écrire une fin, sinon heureuse, du moins acceptable. Pour qu’eux et nous puissions trouver la paix.
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