Un peu plus au nord, vers Montormel, la campagne reste apaisante – chants d’oiseaux, haies, champs, petit ruisseau de la Dives – mais l’histoire n’est pas là. C’est la poche de Falaise où, 75 jours après le jour J, 100 000 soldats allemands en retraite ont été encerclés. Les forces alliées – britanniques, américaines, canadiennes, polonaises, françaises – les ont forcés à se soumettre. Quelque 50 000 se sont échappés alors que le cou de la poche se resserrait, 40 000 ont été capturés et 10 000 tués. Que la vallée de la Dives soit maintenant aussi sereine et somnolente qu’un dimanche après-midi est peut-être une façon naturelle de compenser.
Sur la cote 262, où les forces polonaises se sont battues avec acharnement, souvent au corps à corps, pour refermer la poche, le Mémorial de Montormel explique tout (memorial-montormel.org). Il couvre la fin d’une campagne commencée des semaines auparavant sur les plages de Normandie qui a tué quelque 20 000 civils normands. L’expérience complète de l’occupation et de la souffrance civile est mise en scène dans le Musée de la Guerre des Civils de la ville même de Falaise (memorial-falaise.fr). Parmi un million d’histoires, celle qui m’est restée en tête concernait Edmone Robert. Elle était une institutrice normande, communiste et membre de la première résistance. Arrêtée dans sa classe en 1942, elle est envoyée dans les camps, survit jusqu’à la fin de la guerre puis meurt dans le train sur le chemin du retour.
C’est de la micro-histoire. Il y a de la macro-histoire dans le château médiéval qui domine la ville. Vers 1028, c’est ici que naquit Guillaume le Bâtard qui, 38 ans plus tard, évolua de « Bâtard » à « Conquérant ». Le château est monumentalement intact – hérissé comme une brigade de vieux guerriers – mais, si vous voulez honorer l’un des ancêtres les plus lointains de Charles III, mieux vaut être rapide. La visite est fascinante mais implique des escaliers plus nombreux et plus raides que certains seniors n’apprécient (chateau-guillaume-leconquerant.fr).
Camembert et calvados
Plus tard, je me suis rendu en voiture au hameau le plus célèbre du monde. En 1791, un prêtre fuyant la révolution arrive et montre à la laitière locale Marie Harel une nouvelle façon d’affiner le fromage. Elle a nommé le résultat d’après son hameau : Camembert. L’endroit n’est pas plus grand maintenant (pop: 176) qu’il ne l’était alors et a depuis longtemps perdu le monopole de la fabrication du camembert. Ils peuvent, et le font, le produire en Hongrie et au Brésil. Mais les vrais trucs sont toujours fabriqués localement et le vraiment le vrai, au lait cru, a une AOP, comme les bons vins.
La Maison du camembert et le musée qui l’accompagne sont aussi accueillants et informatifs que vous vous attendez à ce que les fromageries le soient. Vous apprendrez que le camembert s’est imposé comme le premier fromage de France lorsqu’il a été inclus dans les rations des soldats de la Grande Guerre (maisonducamembert.com).
J’ai poursuivi ma route, plus loin dans ce qu’on appelle le Pays-d’Auge. Si le facteur était Pat French, il roulerait aussi par ici. Il a la sérénité bucolique nécessaire, avec des pommiers partout. C’est le pays des pommes. La moisson bat son plein au moment où nous parlons. Dans un fond de vallée près de Crouttes, la ferme à pans de bois de la Galotière s’occupait de mes besoins en alcool de pomme. Du calvados, principalement, car j’ai de sérieux doutes sur le cidre : une boisson d’enfant en tenue d’adulte.
Décidez-vous à ce sujet lors des fêtes de la pomme à Vimoutiers, à deux pas de la Croutte (15-16 octobre) ou de la toute proche Sap-en-Auge (12-13 novembre).
