Les régimes alimentaires occidentaux peuvent avoir des effets néfastes sur le microbiote, provoquant une dysbiose qui favorise l’inflammation et les troubles immunitaires. Une approche nutritionnelle est une idée prometteuse pour aider les patients à gérer leur maladie. La rhumatologue Alexandra Albert (Neuville, Québec) a exposé les bases scientifiques et les perspectives pratiques lors du 36e Congrès de la Société Française de rhumatologie (9-12 décembre 2023, Paris). Bien que la théorie soit séduisante, des preuves cliniques sont encore nécessaires.
Microbiote et maladies rhumatologiques
Le rôle du microbiote dans la digestion est connu, mais son importance pour le système immunitaire et son action sont également reconnus. Un microbiote sain produit plus de 800 métabolites bactériens qui interagissent avec l’organisme et le système immunitaire, contribuant à l’équilibre local. En cas de dysbiose, les LPS (lipopolysaccharides), les acides nucléiques exogènes ou les toxines peuvent franchir la barrière intestinale, entraînant des risques immunologiques et la formation d’autoanticorps. La dysbiose intestinale est retrouvée dans de nombreuses maladies rhumatologiques telles que la spondylarthrite ankylosante, l’arthrose, le lupus, le syndrome de Sjögren, l’arthrite psoriasique, la fibromyalgie, la polyarthrite rhumatoïde (PR), et ces anomalies apparaissent avant la survenue de la maladie elle-même. Elle induit une inflammation lymphocytaire clonale et la production d’autoanticorps. Par exemple, dans la polyarthrite rhumatoïde, on observe une prévalence augmentée de Prevotella capri dans 70% des cas. Ces bactéries, lorsqu’elles sont introduites chez des souris, favorisent l’apparition de la maladie. De plus, la gravité de la maladie est directement liée à la sévérité de la dysbiose. Dans la spondylarthrite ankylosante HLA B27+, la sévérité de la dysbiose est également associée à la gravité de la maladie, ainsi qu’à une mort cellulaire intestinale, favorisant la perméabilité et le passage des LPS. Certaines études suggèrent que la dysbiose cause la spondylarthrite ankylosante, et non l’inverse.
Le poids de l’alimentation
Le métabolisme joue un rôle important, car le taux de leptine, modifié par exemple dans l’obésité, module à la fois l’immunité innée et adaptative, influençant ainsi l’inflammation et les maladies auto-immunes. Des études ont décrit l’influence du taux de leptine sur la physiopathologie de l’arthrose ou de la PR. De plus, les marqueurs inflammatoires liés à l’obésité (CRP, TNF alpha, IL-6) sont communs à ceux impliqués dans les douleurs. Sur le plan alimentaire, la perméabilité intestinale est augmentée par la gliadine du gluten. La zonuline, provenant des jonctions cellulaires, est un marqueur de la perméabilité intestinale : plusieurs études ont décrit une augmentation de son taux dans les maladies inflammatoires rhumatologiques, parfois même avant l’apparition des symptômes selon certaines études. Cela a été confirmé par d’autres études qui décrivent la présence de marqueurs bactériens intestinaux dans les biopsies synoviales de patients atteints d’arthrose ou de PR.
Une alimentation déséquilibrée conduit en premier lieu à une absence ou une carence de cofacteurs importants pour l’immunité (zinc, magnésium…). Certains de ces aliments sont également pro-inflammatoires :
– ils ouvrent les jonctions serrées : agglutinines (solanacées, arachides, soja…), prolamines (blé, seigle, maïs…dont la gliadine), alcool ;
– ils endommagent les entérocytes : agglutinines, prolamines, légumineuses ;
– ou favorisent la dysbiose intestinale : alcool, sucres, agglutinines, oméga-6…
De l’évidence scientifique à la preuve clinique difficile
Comme toujours, les études sur les interventions nutritionnelles ou les adaptations alimentaires sont rares et souvent biaisées méthodologiquement. Il est difficile de corréler les données des études fondamentales avec les données cliniques. Cependant, pour les patients qui ont tout tenté, qui présentent des effets secondaires ou qui ne veulent pas prendre certains traitements, des approches hygiénodiététiques peuvent être envisagées, sous la supervision d’un médecin nutritionniste, notamment lorsque la situation clinique est complexe (faible IMC, diabète, anxiété…). La première approche concerne le jeûne : une méta-analyse a établi que 7 à 10 jours de jeûne dans la PR entraîne une réduction des symptômes, des marqueurs et cytokines inflammatoires et des marqueurs de perméabilité intestinale. Ce jeûne étant complexe à mettre en place et n’étant pas soutenable dans le temps, d’autres approches peuvent être envisagées, réduisant la consommation de sucre, la charge glycémique, l’alcool… D’autres études se sont penchées sur l’efficacité d’un régime méditerranéen maintenu pendant 12 semaines dans la PR, montrant un bénéfice modeste sur l’activité de la maladie et la douleur. Des régimes plus stricts sont envisagés en complément des traitements, tels que la suppression de tous les produits transformés, l’alcool… ou les FODMAP (oligo-, di-, monosaccharides et polyols fermentescibles) en cas de troubles intestinaux associés. L’approche appelée “auto-immune paléo” présentée par l’oratrice est une approche très stricte, excluant le gluten, les solanacées, les viandes rouges, les céréales, les produits laitiers, les sucres raffinés, les légumineuses de la diète méditerranéenne, pendant trois mois afin de réduire les symptômes. Ensuite, la réintroduction des catégories d’aliments se fait une par une. Le choix de ces aliments est orienté en fonction du caractère auto-immun ou non de la maladie. Bien que ces approches ne remplacent pas les traitements, elles peuvent réduire certains traitements tels que la cortisone et améliorer certains symptômes. Dans l’attente d’une validation scientifique rigoureuse, il convient d’encourager les patients à s’éloigner autant que possible de l’alimentation occidentale standard, défavorable au microbiote.
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2024-01-16 21:26:20