Indonésie : L’essor de la cohabitation, un phénomène qui inquiète et divise
Jakarta, Indonésie – Un changement sociétal majeur se dessine en Indonésie : la cohabitation hors mariage, traditionnellement désapprouvée, gagne du terrain, touchant désormais toutes les couches de la population, y compris les fonctionnaires. Ce phénomène, connu localement sous le nom de “Kumpul Kebo” (rassemblement), soulève des questions cruciales sur l’évolution des valeurs, les droits des femmes et des enfants, et la stabilité sociale.
Un rejet des normes traditionnelles
Les jeunes Indonésiens semblent de plus en plus remettre en question les institutions traditionnelles du mariage. Considéré par beaucoup comme rigide et normatif, le mariage perd de son attrait au profit de relations plus libres et perçues comme plus authentiques. La cohabitation est alors vue comme une alternative, une forme d’engagement amoureux plus souple et moins contraignante. Bien que culturellement tabou dans une région profondément ancrée dans la tradition et la religion, le “Kumpul Kebo” est souvent perçu comme une étape préliminaire au mariage, mais de plus en plus, il devient une fin en soi.
Des disparités régionales et socio-économiques
Une étude menée en 2021 a révélé que la cohabitation est plus fréquente dans les régions orientales de l’Indonésie, où la population musulmane est moins importante. Les recherches récentes de Yulinda Nurul Aini, chercheuse à l’Agence Nationale de Recherche et d’Innovation (BRIN), mettent en lumière trois facteurs principaux qui poussent les couples à choisir cette voie : des difficultés financières, des procédures de divorce complexes et une acceptation sociale croissante. Les données de l’Agence Nationale de Planification Familiale (BKKBN) indiquent que 0,6% de la population de la ville de Manado, dans le nord de Sulawesi, vit en concubinage. Parmi ces couples, près de 20% sont enceintes et plus de 80% ont un niveau d’éducation secondaire ou inférieur.
Les conséquences sociales et économiques : un impact disproportionné sur les femmes et les enfants
Si la cohabitation peut sembler une solution pour certains, elle comporte des risques importants, en particulier pour les femmes et les enfants. Contrairement au mariage, elle n’offre aucune garantie de sécurité financière pour la mère et l’enfant en cas de séparation. Le père n’a aucune obligation légale de subvenir aux besoins de sa famille. En l’absence d’un cadre juridique clair, la répartition des biens, la garde des enfants et les questions d’héritage deviennent des sources de conflits potentiels. De plus, la cohabitation peut entraîner une baisse de la satisfaction de vie et des problèmes de santé mentale, liés au manque d’engagement et à l’incertitude quant à l’avenir.
Les statistiques sont alarmantes : près de 70% des couples en concubinage signalent des conflits, dont plus de 0,6% aboutissent à une séparation et 0,26% à des cas de violence domestique. Les enfants nés de ces unions sont particulièrement vulnérables, confrontés à la stigmatisation sociale et à des difficultés émotionnelles et développementales.
Un débat sociétal en pleine évolution
L’essor de la cohabitation en Indonésie reflète un changement profond dans les mentalités et les valeurs. Si le phénomène reste controversé, il est indéniable qu’il est de plus en plus répandu. Il est crucial d’engager un débat public éclairé sur les implications de cette évolution, afin de protéger les droits de tous les individus concernés, en particulier les femmes et les enfants. La mise en place d’un cadre juridique adapté, qui reconnaisse les réalités sociales et protège les plus vulnérables, est une nécessité urgente. Ce débat s’inscrit dans un contexte plus large de remise en question des normes sociales traditionnelles et de recherche de nouvelles formes de relations et de famille.
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