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À Chartres, les sans-abris sont plus nombreux lors des maraudes

À Chartres, les sans-abris sont plus nombreux lors des maraudes

Il est 18h30

La nuit est déjà tombée. Le vent froid de l’hiver viendra bientôt gifler nos joues, engourdir nos doigts et faire rougir nos oreilles.

Pour la plupart des Euréliens, ces sensations ne durent que quelques minutes dans la journée, alors qu’ils rentrent du travail, qu’ils vont chercher leur enfant à l’école, qu’ils se dirigent vers le supermarché panier en main ou qu’ils se réjouissent d’aller boire un verre entre amis.

Pour les personnes sans domicile fixe, cette sensation ne s’arrête jamais. Non seulement l’hiver les affecte physiquement, mais ronge aussi leur mental, déjà bien impacté. De novembre à mars, les rues sont vides tôt. Laissant seuls dans le noir des Euréliens par dizaines n’ayant nulle part ou aller. Face à eux-mêmes.

La maraude de la Croix-Rouge. Photo : Florémie Blanc

À Chartres, ils seraient quatre-vingts selon la Croix-Rouge, qui organise des maraudes les vendredis et samedis soir. Pour les maraudes du mercredi et du dimanche menées par les Restos du cœur, le nombre de bénéficiaires des repas distribués peut concerner soixante-dix personnes.

Louis Bianconi, bénévole des Restos du cœur, décrit :

« À 18 heures, nous nous retrouvons pour préparer les plats chauds et les paniers repas. Puis, à 20 heures, nous les distribuons aux sans-abri en centre-ville. »

Louis Bianconi (bénévole des Restos du coeur)

Les Restos organisent deux maraudes chaque semaine, le mercredi et le dimanche soir.

prime En maraude avec la Croix-Rouge, dans les rues de Dreux

Ce jour-là, le thermomètre affiche cinq degrés, il est 19 heures

L’équipe de huit bénévoles de la Croix-Rouge monte dans le camion et dans deux 4×4 qui quittent les locaux pour se rendre dans le centre-ville. Avec eux, des duvets, de la nourriture et beaucoup d’amour. Stéphanie Gautrin, présidente territoire de la délégation de la Croix-Rouge en Eure-et-Loir, explique :

« C’est le but premier de nos maraudes : être présent. On les soutient comme on peut. On prend le temps de discuter, de les écouter. »

Stéphanie Gautrin (présidente de la délégation Croix-Rouge en Eure-et-Loir)

Pour l’association, conserver du lien social est très important.

Arrivés dans les petites rues pavées, les bénévoles récupèrent les invendus de la journée à La Mie Câline et aux deux boulangeries Paul. La maraude commence.

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Vêtus de leur manteau orange fluo, ils s’approchent d’un groupe d’hommes, place Marceau. « Il y en a certains que l’on connaît bien, qu’on retrouve chaque semaine et avec qui on échange souvent, confie Patrick, bénévole depuis vingt ans. Je vois certains depuis des années. »

La Croix-Rouge et les Restos du Coeur proposent également des boissons chaudes. Photo : Fl. Blanc.

Les personnes dans le besoin se dirigent directement vers l’équipe de Steven, encadrant la maraude de la soirée. La distribution de sandwichs commente. Certains souhaitent une bouteille d’eau, d’autres des chaussettes neuves pour remplacer les leurs, trouées. « On note leur prénom, leur âge et ce qu’on leur a donné pour tenir un inventaire. Après cela, on compte le nombre de personnes aidées et on fait remonter ce chiffre à la préfecture. Ces derniers temps, avec la crise sanitaire et l’inflation, il y en a de plus en plus. C’est très alarmant. » Le registre les aide aussi pour les prochaines maraudes. Même constat pour Louis Bianconi, à la fin de la maraude des Restos du cœur.

« Avec la pluie de ce soir, il y a moins de personnes qui se déplacent. Si leurs vêtements sont trempés, ils resteront humides toute la nuit. »

Louis Bianconi (Responsable des maraudes aux Restos du Coeur)

Derrière le théâtre, à l’entrée du square de Ravenne, une vingtaine de personnes attendent le camion. « La semaine passée, ils étaient une quarantaine, relève Stéphanie Gautrin. C’est un grand point de rassemblement ici. Hommes et femmes s’y retrouvent. »

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Hicham et son cousin sortent la petite table en plastique devant le camion. Le casse-croûte peut commencer. Les deux quarantenaires sont devenus bénévoles pour la Croix-Rouge il y a un mois. Pour aider. Les hommes et les femmes dans le besoin forment une file. L’un prend un café, l’autre un chocolat, le dernier une soupe bien chaude. Certains se connaissent, d’autres non.

Si la Croix-Rouge croise un mineur, les bénévoles doivent prévenir les autorités et le placer en foyer d’urgence.

La bonne humeur règne. Une bénévole, qui s’investit depuis un an, souligne :

« C’est vrai qu’on serait tenté de penser que l’ambiance est triste. Les gens que nous rencontrons sont dans une passade de galères. Mais ils sont contents de nous voir.»

Une bénévole investie depuis un an

Tous s’accordent à dire qu’au début, cela fait un choc. « La première fois, j’ai pleuré », reconnaît Sophie, bénévole des Restos du cœur. Cette bénévole de la Croix-Rouge ajoute :

« La première fois que je suis venue, j’ai pris une très grande leçon d’humanité et d’humilité. Depuis, j’arrête de me plaindre pour les petits tracas du quotidien. Je n’ai pas à me plaindre, certains sont dans des situations bien pires que moi. Les maraudes, ça change nos vies. »

Sophie (Bénévole des Restos du Coeur)

Les situations varient d’un bénéficiaire à l’autre. Licenciement économique, divorce, dettes qui se sont accumulées… Stéphane, sans-abris, raconte :

« Si je n’avais pas ce soutien, je ferais les poubelles, glisse Stéphane, un sans-abri. Cela fait sept ans que je connais des galères financières, je dors dans mon duvet depuis cet été. »

Stéphane (Sans-abri)

« Avant je parvenais à vivre mais c’est devenu impossible. Je dors dans un squat ou dans une tente depuis plus d’un an », déplore, de son côté, Miguel, âgé de 36 ans.

« Il faut mettre de la distance. Il faut rapidement apprendre que l’on ne sera jamais des amis mais que nous sommes là pour aider, précise Louis Bianconi. Le plus dur, c’est de voir des femmes avec des jeunes enfants. »

Les bénévoles parviennent à instaurer un climat de confiance avec les bénéficiaires de repas. Photo : Quentin Reix.

Chacun repart avec un sac rempli de sandwichs, du pain, des bouteilles d’eau, quelques fruits et des desserts. « J’essaye de prendre un petit peu de tout, détaille Stéphanie Gautrin. C’est bien qu’ils puissent avoir des fruits de temps en temps, car on sait que ce sont des produits chers. » Les paniers constitués par les Restos sont réalisés dans le même principe.

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« Dans les sacs, ils trouveront un sandwich, une salade fraîche, du thon, de l’eau, une boîte de maquereaux et un plat chaud que nous préparons nous-mêmes. Généralement, des pâtes bolognaises. Ce soir, avec la pluie et le vent, nous en avons préparé 5 kg. C’est moins que d’habitude, car ils seront moins nombreux à se déplacer », détaille Nicolas Guillot, 35 ans, bénévole depuis onze ans.

À la fin de la maraude, les sans-abris ont pu bénéficier d’un repas chaud, et d’un sandwich. Photo : Quentin Reix.

À la fin de la maraude de la Croix-Rouge, une bonne nouvelle réchauffe l’ambiance glaciale du soir. Un de leurs bénéficiaires qu’ils croisaient depuis un certain temps vient « de trouver un travail dans les Alpes du Sud, et un appartement pour son fils et lui. C’est beau quand cela se passe comme ça », sourit Marie-Ange, une bénévole à la retraite, avant de remonter dans le camion direction la place Drouaise puis la butte des Charbonniers, dans l’émotion générale.

Les deux organismes restent une heure sur chaque point de distribution avant de tourner en centre-ville.

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440 bénévoles, environ, aident les Restos du cœur, en Eure-et-Loir, dans leur lutte contre la précarité.
8.108 personnes ont été accueillies par les Restos, en Eure-et-Loir, durant la campagne 2020-2021.
1.029.379 repas ont été distribués, durant la campagne 2020-2021, dans le département.
745 repas ont été distribués lors des maraudes, en octobre dernier, soit 301 de plus que l’an dernier durant le même mois. Soit une hausse de 68 %.
280 bébés entre 0 et 18 mois ont reçu des repas par les Restos bébés du cœur durant l’année.

Florémie Blanc & Thomas Desprez

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