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À Chartres, les Alcooliques anonymes célèbrent leur 42e anniversaire : « J’ai passé des mois d’enfer à boire jour et nuit, volets fermés »

À Chartres, les Alcooliques anonymes célèbrent leur 42e anniversaire : « J’ai passé des mois d’enfer à boire jour et nuit, volets fermés »

Il se fait appeler Léon

et vit dans les environs de Chartres. En marge de la réunion de samedi, qui marque le 42e anniversaire du groupe chartrain des Alcooliques anonymes, il tient à faire partager son expérience.

Son débit est rapide, précipité, comme s’il voulait absolument dire ce qu’il a sur le cœur. C’est l’un des plus anciens de la petite troupe qui se retrouve tous les samedis dans les locaux de la Visitation, avenue d’Aligre.

« Dès le matin,  au réveil, je buvais du pastis au goulot »

« Je suis arrivé en octobre 1981, et je suis abstinent depuis le week-end de l’Ascension 1982 », veut-il faire savoir. En ce jour spécial, il est modérateur du groupe, mais les rôles changent chaque semaine.

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« Dès le matin au réveil, je buvais du pastis au goulot, parce que je tremblais trop pour me servir un verre. Et ensuite, je buvais des bières toute la journée. J’étais dans le déni, j’avais l’impression de ne pas avoir de problème d’alcool. Aujourd’hui, je peux en parler sans problème. Je me considère toujours comme un alcoolique, mais je suis abstinent ».

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Ce samedi après-midi, il est là pour guider les débats et aider les dix-huit inscrits du jour à parler librement, et notamment les trois nouveaux, rivés sur leur siège, forcément un peu nerveux, attentifs au déroulé des débats.

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Tout a été prévu pour mettre les participants à l’aise. Le café est servi dans des gobelets en plastique que les protagonistes serrent entre leurs mains comme des bouées de sauvetage, les bouteilles d’eau trônent sur les tables, des bonbons sont disposés dans des coupelles en cas de fringale…

Mais il n’est jamais aisé de s’exprimer, même pour les plus aguerris. Ce sont eux qui ouvrent le bal. Martin, trente-quatre ans de présence, reconnaît que certains de ses souvenirs sont embrouillés. Il évoque les anciens locaux, qu’on atteignait après avoir franchi « un tunnel sombre », puis « une lourde porte », comme s’il venait juste de sortir d’un long cauchemar.

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Pudiques, ses mots n’en restent pas moins très évocateurs, surtout lorsqu’il avoue : « Quand ça ne va pas, je suis paumé, je ne sais pas quoi faire », mais ajoute aussitôt : « J’ai découvert un nouveau mode de vie, sans alcool, plus paisible ».

Raymond, son voisin, est tout aussi tourmenté et réservé. Il se livre pourtant, par bribes.

« Il m’a fallu deux ans pour arrêter. Au départ, j’arrivais ivre aux réunions. J’ai eu beaucoup d’accidents de voiture, mais j’ai eu de la chance. Et le 8 mai 1993, je me suis arrêté, quelque chose s’est passé dans ma tête. Le docteur disait : “Dans six mois, il est dans le trou”, mais je suis toujours là » Raymond

(participant aux réunions des Alcooliques anonymes)

« Il faudra venir la semaine prochaine »

Tour à tour, tous ou presque prennent la parole, et décrivent des parcours de vie différents, avec un point commun : cette addiction qui prenait toute la place dans leur vie. Éliane, retraitée qui se décrit aujourd’hui comme « très active », reconnaît que l’alcool a compliqué ses relations avec ses filles.

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Hector a la trentaine et a commencé à suivre les Alcooliques anonymes lors de visios pendant le confinement. « J’y suis arrivé car tout le reste avait échoué. J’ai passé des mois d’enfer à boire jour et nuit, volets fermés. J’ai arrêté il y a deux ans et demi et c’est un bonheur ». prime

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Puis les trois nouveaux prennent enfin la parole. Denis a commencé « à 30 ans parce que mon patron m’avait dit que pour négocier les gros contrats, il fallait tenir l’alcool ».

Joseph reconnaît qu’il est « alcoolique depuis une vingtaine d’années » et qu’il a besoin d’aide. Viviane, au bord des larmes, se décrit comme « bipolaire en proie à plusieurs addictions. Ces groupes de parole, ça fait du bien ».

Après son témoignage, la gorge nouée, un des membres lui souffle : « Il faudra venir la semaine prochaine ». Pour peut-être commencer une nouvelle vie…
Rémi Bonnet

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